Ecrit 1

Lors de la première séance, on nous a proposé de réfléchir sur « qu’est-ce que l’altérité ? ». J’avais alors proposé : « L’altérité c’est l’autre, ce qui est différent de moi, ce que je ne connais pas ». L’autre proposition qui me semble intéressante est « prendre connaissance de l’autre en prenant en compte ses différences pour dépasser des représentations initiales ». En effet la première chose qui m’est venue à l’esprit quand on a évoqué le mot altérité c’est « l’autre » car selon moi, à travers ce concept, l’enjeu est de se rendre compte et de comprendre les différences entre chaque être humain, ce qui les différencie mais aussi ce qui les rassemble. Toutes ces démarches s’inscrivent dans un but précis : celui d’identifier et de s’interroger sur les différences possibles entre des mêmes personnes On peut alors aborder les différences religieuses, culturelles, sociales, ethniques… La phrase d’un(e) de mes camarades m’a alors semblé très intéressante car elle a évoqué le but de cette étude qui pour lui (elle) est de « dépasser des représentations initiales » soit aller au-delà des stéréotypes et des codes dictés par le monde actuel. C’est en ça que cette phrase m’a parue très intéressante car elle montre un objectif qui me semble fondamental et qui est la compréhension de l’autre, dans le but d’une meilleure cohésion sociale dans un monde qui de nos jours en a cruellement besoin. La conférence « Le lien école / hors école et les compétences (inter)culturelles des élèves » a alors fait apparaitre l’école comme un moyen pour faire face à cette diversité, mieux la comprendre pour mieux en intégrer ses acteurs et ne pas en marginaliser. Il est vrai que l’école peut être l’un des points de départ sur le travail de l’altérité mais elle ne doit pas être la seule protagoniste. Il est nécessaire, comme nous l’a été exposé dans la conférence, de poursuivre ce travail en dehors de l’école et pour cela faire appel à d’autres acteurs, car la diversité ne se réduit pas au monde scolaire. L’école doit avoir un rôle d’ouverture à l’altérité, de premières démarches de décentration mais elle n’est pas une fin en soi.
Dans L’Anthropologie, François Laplantine développe la nécessité de développer une problématique de la différence, « impliquant une décentration radicale par rapport à la société dont fait partie l’observateur, c’est à dire une rupture avec toute forme, sournoise ou délibérée, d’ethnocentrisme. Car c’est seulement ce que nous percevons (à l’état manifeste ou latent) dans une autre société qui nous permet de repérer ce qui est en jeu dans la nôtre, mais que nous ne soupçonnions pas. »Laplantine, F. (1987).
Après ces premières séances et recherches j’ai choisi d’orienter mon travail sur la mobilité symbolique des élèves et des enseignants à l’école primaire et sur quels outils utiliser pour permettre aux enfants et à leur professeur de se décentrer et donc d’avoir un autre regard sur les autres modes de vies.
Tout d’abord, il me semble intéressant de définir les notions « d’interculturalité », « d’ethnocentrisme » et de « décentration ». « L’interculturel se définit comme un processus dynamique d’échanges entre différentes cultures […].L’interculturel n’existe que lorsqu’il y a un échange, une rencontre et un partage […] il s’agit, d’une part, d’accepter la diversité des regards, de rencontrer d’autres points de vue et de comprendre des modes de vie différents et d’autre part, de comprendre que l’on est soi-même rarement le produit d’une seule appartenance culturelle » (1). L’ethnocentrisme quant à lui a été définit comme « néologisme, forgé en 1906, par William Sumner dans Folkways, désigne la position de ceux qui estiment que leur propre manière d’être, d’agir ou de penser doit être préférée à toutes les autres.[…] » (2) A l’inverse, la décentration c’est la « […] faculté de développer une vision plus objective du monde dans lequel d’autres points de vue, d’autres manières de voir, d’autres structures de pensée seront perceptibles et reconnus comme légitime […] la décentration permet à l’individu d’aller à la rencontre de l’autre en renonçant à une position dominatrice et en dépassant la crainte […] ».
Les enjeux en école maternelle et primaire me semblent donc très importants, car l’enfant, dès son plus jeune âge s’est vu dans la majorité des cas être le centre de l’attention de sa famille. Quasiment tous les enfants à leur entrée à l’école ont un comportement égocentrique, ils ne sont pas forcément ouvert aux autres, et n’ont pas encore conscience qu’il existe des modes de vies différents des leurs. L’école doit donc jouer un rôle dans cette éducation à l’autre, celui de leur ouvrir des portes, de leur proposer des pistes pour réfléchir, découvrir, s’interroger… L’éducation tient une place primordiale dans notre société actuelle où pour certains, différence rime avec danger et mène donc à des situations comparables à celles vécues le 13 novembre 2015 à Paris.
J’ai donc essayé d’observer les moyens possibles à mettre en œuvre pour décentrer les élèves au cours de mon stage que j’ai effectué en classe de CP à l’école de Giberville. Giberville est une ville située à 10 kilomètres de Caen et habitée par 4 607 habitants. La SMN (Société Métallurgique de Normandie) a marqué l’histoire de cette commune. En effet, avant 1993 (date de la fermeture définitive de celle-ci), la SMN, surnommée la « grande dame », faisait vivre le plateau de Giberville et accueillait plus de 30 nationalités. Son héritage est encore aujourd’hui très présent ; la ville est restée très ouvrière, avec des besoins sociaux importants (le pourcentage de logements sociaux s’élève à 35% alors que la loi fixe un minimum de 20%). Dans ma classe, les enfants venaient donc de tout horizons ; il y’avait un petit garçon d’origine espagnole, deux d’origine magrébine et plusieurs enfants de famille de gens du voyage (sédentarisée). La classe est donc très riche culturellement et pourrait permettre de mener un grand nombre de projet très intéressant. La maitresse m’avait confié la séquence sur les 5 sens, j’ai donc premièrement fait une séance d’introduction sur les 5 sens ; j’ai rempli des sacs opaques de différents objets faisant appel à différent sens (coton, balle de tennis, cacao, mousse, papier de verre, papier de soie…). Ma séance numéro 2 a été dédiée au sens du gout, la maitresse m’avait fourni ses fiches d’exercices ou de synthèse, ma séance devait durer 45 minutes dans le but qu’à la fin de la séance les élèves soit capable de classer les aliments selon leur acidité, amertume, ou si il s’agissait d’aliments salés ou sucrés. Je n’ai pas eu assez de liberté et surtout de temps pour demander aux enfants de quels pays ou régions provenaient les aliments et donc d’aborder des pays autre que la France. Il en a été de même pour l’ouïe, je leur ai fait écouter des sons différents tels que le rugissement du lion, le bruit de l’éléphant, d’un avion… J’aurai la aussi pu faire une ouverture sur d’autres parties du monde telle que l’Afrique. Les séances portant sur les 3 autres sens restant étaient peut-être plus compliquées à mettre en lien avec l’interculturalité.
Dans l’ensemble je n’ai quand même pas noté une grande perception des différences dans cette jeune classe de CP. Les enfants n’avaient pas du tout l’air d’y faire attention. Ce qui s’est confirmé le lundi 16 novembre, suite aux attentats de Paris, les élèves ont eu l’occasion de discuter, de dire ce qu’ils avaient compris, de poser des questions si ils en avaient et aucun des 23 élèves n’a parlé de religion, ou des investigateurs de l’attentat, pour eux, il s’agissait seulement de « personnes méchantes », il n’était pas du tout question de religion ou de culture différente, à aucun moments des pays n’ont été cités. C’est donc pour ça que l’école doit profiter du temps scolaire pour aborder ces points la, leur montrer que tous les enfants du monde ne sont pas comme eux afin de les rendre par la suite plus tolérant et de les amener à avoir une position bienveillante par rapport aux autres, il faut susciter leur intérêt.
Etant donné la grande diversité au niveau culturel de ma classe, sur un temps beaucoup plus long, je pense qu’il serait possible de monter un projet de « musée de classe ». Il faudrait pour cela réserver un coin de la salle qui servirait de lieu d’exposition et chacun des élèves, sur un temps donné et chacun son tour (1 par semaine ou 1 par jour si ce temps constitue un rituel) apporterait des objets qui le caractérise et qui attesterait d’un certain mode de vie. Ainsi les enfants, à l’échelle de la classe (petite échelle pour commencer cette découverte de l’autre) seraient en mesure de partager une culture dans le but de mieux se connaitre et de créer une culture partagée à tous les enfants de classe. Ce projet me semble assez facilement réalisable et pourrait être un parfait point de départ pour découvrir de plus près les pays d’origines des enfants.
A l’issu de ces analyses je peux donc orienter mon questionnement sur « quel(s) dispositif(s) mettre en place pour permettre aux enfants (quel que soit leur âge), tout en s’adaptant aux moyens de l’école, de s’ouvrir sur d’autres pays afin de se décentrer et d’accepter au mieux les différences des autres. Il s’agit là d’un enjeu qui me semble primordiale dans une société mondiale qui de nos jours semble éprouver de grande difficulté quant à la communication, à la compréhension de l’autre et qui semble (pour certains) oublier les notions de solidarité et de tolérance.

Notes de bas de page :
1 : « l’interculturel », page 12, l’interculturel en classe, R-M Chaves, L.Favier, S. Pélissier, PUG, 2012.
2 : « Ethnocentrisme », page 128, Dictionnaire de l’altérité et des relations interculturelles, sous la direction de Gilles Ferréol et Guy Jucquois, ARMAND COLIN, 2003.
3 : « la décentration », page 49, l’interculturel en classe, R-M Chaves, L.Favier, S. Pélissier, PUG, 2012.