La différence est ce qui distingue une chose d’une autre. Il s’agit des caractéristiques spécifiques d’un objet, d’une idée ou d’une personne qui en font une entité propre, non similaire à une autre. Chaque entité est ce qu’elle est. C’est l’écart entre celles-ci qui constitue une différence en soi. La différence est le résultat d’une comparaison entre deux éléments, sans jugement de valeur entre eux, sans classification. Laplantine se focalise sur les différences observables entre les sociétés. Il met en avant l’importance de réfléchir sur ces différences et le recul que cela implique pour une meilleure compréhension de l’autre.

Il évoque alors la nécessité d’une « décentration radicale par rapport à la société dont fait partie l’observateur ». Se décentrer signifie quelque part « s’oublier » pour rendre plus objective son appréhension de l’autre dans sa différence. Selon Laplantine, il ne serait pas pertinent d’étudier l’autre selon sa propre « grille évaluative », en comparaison avec son mode de fonctionnement personnel. Il s’agit au contraire de mettre de côté son unique centre d’intérêt pour mieux saisir celui de l’autre. Il faut se détacher de son point de vue interne, prendre de la hauteur et faire preuve de neutralité bienveillante afin d’adopter une vision plus juste du monde qui nous entoure. Ne pas étudier l’autre dans sa simple distinction par rapport à soi. 

Cette idée de décentration s’oppose au concept d’ethnocentrisme. Il s’agit ici au contraire, d’être re-centré sur soi même. De survaloriser son appartenance raciale, sociale ou idéologique au détriment du différent. L’ethnocentrisme implique un certain jugement de valeur qui consiste à penser que nous et nos semblables détenons la vérité. Être ethnocentré c’est estimer son groupe social et culturel comme unique référence. C’est malheureusement cette surestimation qui engendre les préjugés, le mépris et parfois la peur de l’autre, de celui que l’on juge différent.

Cette démarche développée par Laplantine nous amène à comprendre l’autre pour lui-même et non dans une recherche de comparaison avec soi. L’auteur indique qu’il faut se débarrasser de toutes représentations, de toutes idées préconçues, afin d’étudier et de comprendre l’autre de la façon la plus neutre et donc la plus juste possible. Notre propre société, culture, croyance ainsi que notre tendance humaine à l’ethnocentrisme nous donne à voir le monde à travers un filtre. Il nous faut retirer ce filtre pour mieux appréhender l’autre dans toute sa pureté. Ce travail de décentration n’est pas évident car nous sommes baignés dès le plus jeune âge dans tout un ensemble de normes et de valeurs. Se détacher d’un mode de fonctionnement qui a toujours été le nôtre demande un effort particulier mais qui est nécessaire si l’on veut découvrir et comprendre toutes les facettes de l’humanité. 

En plus de mieux comprendre l’autre, cette démarche de décentration nous permet par ailleurs de nous connaître nous même. En effet, pour retirer ce fameux « filtre » il faut d’abord apprendre à l’identifier, le reconnaître et comprendre le pourquoi de sa présence. Il est normal, humain, d’agir et de réfléchir dans un premier temps par rapport à soi, dans une démarche de comparaison. Il est normal d’avoir des représentations sur les sociétés et sur les autres. C’est ce qui nous permet d’organiser notre pensée et d’évoluer dans ce vaste monde. Il est donc nécessaire de faire un travail sur soi même pour reconnaître son fonctionnement en tant que fonctionnement personnel (et non référence) pour parvenir ensuite à l’écarter pour mieux appréhender le « différent », lavé de toutes représentions. C’est ce cheminement psychologique et personnel qui va nous pousser à réfléchir sur notre propre état, nous donner les clés pour reconnaître notre individualité. De plus, comprendre l’autre c’est apprendre à repérer ses différences mais aussi ses similitudes avec soi. C’est se retrouver dans son prochain, s’étudier et se connaître à travers l’autre.

Comme expliqué plus haut, il est nécessaire d’identifier son propre fonctionnement, sa culture, ses normes et valeurs sociales et individuelles avant d’effectuer une réelle démarche de décentration. Il sera donc important pour moi en tant qu’enseignante, de travailler sur ces repères là avec mes élèves. Je proposerai alors des activités basées sur la connaissance de soi et la compréhension de notre société. Cela pourra être travaillé : En Education civique et morale lorsque nous aborderons les valeurs de la république, les droits de l’homme, le vivre ensemble… En Histoire-Géographie pour comprendre les évolutions de notre société, l’agencement de notre territoire… En Art-visuel en proposant de travailler sur l’auto-portrait, sur la question de l’identité… Dans toutes les matières en générale dès qu’il s’agira d’apprendre à se connaître et à se reconnaître en tant qu’entité propre et individuelle. 

Ce travail en amont sur l’identification de soi, de ses semblables et de sa société permettra par la suite de proposer des situations où les élèves seront amenés à se décentrer par rapport à tout ça. Il va falloir leur faire prendre conscience qu’il existe d’autres réalités, d’autres histoires et d’autres cultures en fonction des sociétés. Pour cela, rien de tel que la rencontre directe avec l’autre. J’ai travaillé l’an dernier sur les bénéfices sociaux, personnels et culturels des classes de découverte à l’école. J’accorde une importance non négligeable à l’expérience intime et humaine des enfants durant leur scolarité. Lorsque les moyens financiers, administratifs ou organisationnels ne permettent pas aux enfants de partir en classe de découverte, il peut être intéressant de travailler de façon transdisciplinaire sur un pays ou un continent en particulier. Par exemple, étudier l’Inde à travers son histoire géo-politique, à travers ses auteurs, sa musique, ses habitudes alimentaires ou vestimentaires, ses croyances… Mais je reste persuadée que la meilleure façon d’arriver à se décentrer, à comprendre l’autre, l’envisager en tant qu’égal, reste l’expérience de la rencontre réelle. C’est pourquoi si je devais mettre en œuvre la démarche indiquée par Laplantine, je choisirai d’emmener les élèves en dehors des murs de l’école, à la découverte du monde, de l’autre et de soi.

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La question des compétences interculturelles à l’école est un sujet auquel je porte beaucoup d’intérêt. L’idée selon laquelle il faut se connaître soi même afin de connaître l’autre mais que l’autre joue aussi un rôle dans la connaissance et la construction de soi en tant que personne, est un objet de réflexion très intéressant de part sa double interaction. De plus, je crois que l’école se doit, en plus de fournir des connaissances sur le monde, développer des compétences humaines, sociales et culturelles. L’école doit permettre à l’enfant de se placer en tant qu’individu dans la société et dans le monde. Cela passe évidemment par la reconnaissance et la compréhension de l’autre, mais aussi par l’intérêt du partage.

Cependant je ne sais pas encore sous quel angle envisager la question pour l’ERVIPP. En effet, je tenais dans un premier tant à poursuivre mes recherches concernant l’intérêt des classes de découverte en tant qu’expériences culturelles riches et spontanées. Cependant, les stages ne me permettent pas d’envisager un véritable recueil de données sur le sujet…

Mon premier stage, s’effectue à la Guérinière en Toute Petite Section. J’y ai découvert un multiculturalisme assez conséquent avec des enfants issus de familles algériennes, tchétchènes, nigériennes, israéliennes…etc. Je pense donc que je pourrai traiter la question de la pluriculturalité et/ou de la co-culturalité à l’école.

J’ai aussi songé à travailler sur l’aspect plus psychologique du vivre-ensemble à la maternelle en m’interrogeant sur le rôle de l’enseignant dans le dépassement du stade d’égocentrisme enfantin définit par Piaget.

Enfin, j’ai mis en place une séquence d’Education musicale avec ces enfants de Toute Petite Section où il est question d’apprendre à écouter/observer l’autre, de jouer ensemble, d’accepter de laisser l’autre s’exprimer à travers une production artistique, de l’imiter mais aussi de s’en distinguer. Développer des compétences interculturelles à travers l’enseignement de la musique est aussi un sujet qui pourrait être intéressant à traiter.