Déclaration de Fribourg – gros plan sur l’article 4b

Dans la déclaration de Fribourg, l’attention est portée sur la définition sociologique de la culture, c’est-à-dire celle qui revêt les appartenances sociales, religieuses, ethniques : « le terme « culture » recouvre les valeurs, les croyances, les convictions, les langues, les savoirs et les arts, les traditions, institutions et modes de vie par lesquels une personne ou un groupe exprime son humanité et les significations qu’il donne à son existence et à son développement » (Déclaration de Fribourg, 2007). Dans l’article 4b relatif aux références partagées par des communautés culturelles, est exposée l’idée que « nul ne peut se voir imposer la mention d’une référence ou être assimilé à une communauté culturelle contre son gré ». Cette déclaration suppose que chacun est libre de choisir son appartenance culturelle. Et c’est précisément cette idée qui nous interpelle ici. Lorsque nous nous intéressons à la sociologie, nous sommes tentés de réfuter cette idée. Effectivement, dans l’absolu, nous devrions tous pouvoir choisir la communauté culturelle à laquelle nous voulons appartenir. Or, il semblerait que, loin d’être un choix délibéré, il s’agirait davantage d’une appartenance imposée à l’individu, dans la mesure où il s’insère dans un groupe social – et par extension dans une palette de références culturelles partagées par celui-ci – qui correspond à son origine et à sa trajectoire sociale. Alors, pouvons-nous réellement parler de libre-arbitre comme le suggère l’article de la déclaration de Fribourg ? Pour bon nombre de chercheurs de la communauté scientifique, comme Emile Durkheim, Pierre Bourdieu ou encore Bernard Lahire pour ne citer qu’eux, les comportements individuels sont contraints par l’influence sociétale ; c’est ce que Baruch Spinoza appelait déjà au XVIIe siècle le déterminisme : « les hommes se croient libres pour la seule raison qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés » (Spinoza, 1677). En tant qu’individu ancré dans une communauté donnée, la vie et le futur de chacun sont fortement influencés par des déterminants culturels qui régissent les choix individuels. Ainsi, chaque enfant a des dispositions et des trajectoires de vie différentes selon le milieu duquel il est issu.

Camille MAUGER

2 réflexions sur « Déclaration de Fribourg – gros plan sur l’article 4b »

  1. Bonjour Camille, comme vous, il m’a semblé trouver des incohérences dans cette Déclaration. Les cultures doivent être libres, diverses et respectées alors qu’elles ne relèvent pas d’un choix personnel. De plus, comme vous, j’interprète l’article 4b comme une mise en avant d’un pseudo libre-arbitre, or nous ne choisissons pas la ou les cultures auxquelles nous souhaitons « appartenir » ou du moins nous approprier. Peut-on dire que nous avons été obligés d’intégrer des cultures, je ne pense pas. Ces cultures qui nous sont inculquées ne sont pas des atteintes à nos libertés, mais des faits relatifs à notre environnement familial et par extension sociétal. Comme vous le dites très bien « Ainsi, chaque enfant a des dispositions et des trajectoires de vie différentes selon le milieu duquel il est issu. ».

  2. « En tant qu’individu ancré dans une communauté donnée, la vie et le futur de chacun sont fortement influencés par des déterminants culturels qui régissent les choix individuels. » Bien entendu, il existe de nombreux travaux en sociologie, en psychologie et en neuroscience qui indiquent le pouvoir de la communauté culturelle dans laquelle l’individu évolue et son influence qui va jusqu’à sa perception du monde (Ames, D., & Fiske, S. (2010). Cultural neuroscience). Néanmoins, je pense reconnaître ici de nombreuses instances où l’individu, bien qu’appartenant à une culture, fait partie d’une autre culture. Il peut par exemple être membre d’une communauté minoritaire qui ne reconnait pas d’appartenance à la culture majoritaire. Ou bien, si l’on se réfère à la pensée marxiste, au sein d’une même sociéte, les différentes couches sociales ne partagent pas une culture commune et ne devraient donc pas être assimilées. Au delà de la reconnaissance de l’identité culturelle au sein d’une autre identité culturelle, je crois aussi à la possiblité et à la capacité d’un individu de lutter contre une culture qui ne lui correspond pas ou bien porteuse de valeurs qui ne sont pas siennes.

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