Lévi Strauss et l’ethnocentrisme

« L’attitude la plus ancienne et qui repose sans doute sur des fondements psychologiques solides puisqu’elle tend à réapparaitre chez chacun de nous quand nous sommes placés dans une situation inattendue, consiste à répudier purement et simplement les formes culturelles : morales, religieuses, sociales, esthétiques, qui sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions. » (Lévi-Strauss, 1987).

Il apparaît clairement dans cette citation que toute culture est étroitement liée à des normes et à des manières de vivre et de faire qui fonde l’individu dans sa construction au monde et à l’autre. L’ethnocentrisme est par définition la tendance à privilégier les normes et les valeurs de sa propre société pour analyser les autres sociétés. (Larousse, 2015). Cette citation est donc un bel aperçu de comportements ethnocentriques dans le sens où Lévi-Strauss met en avant le caractère de rejet envers toutes formes culturelles différentes et inhabituelles que celles dans lesquelles nous avons grandi et nous nous sommes développés. Comme le disait Montaigne dans ses Essais (1580), « Chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage. ». Montaigne appuyait déjà l’idée selon laquelle nous ne pouvons avoir de point de vue objectif sur les mœurs d’une autre civilisation lorsque celle-ci ne nous rappelle en rien la nôtre et qu’elle est alors considérée comme sous évoluée et barbare.

On conçoit ici que ces pratiques culturelles sont propres à des sociétés et que quel que soit la tribu, le peuple ou la communauté, on va systématiquement privilégier nos coutumes et porter des jugements de valeurs sur celles des autres sans chercher à comprendre ni à expliquer leurs origines. Dans sa phrase, Lévi Strauss nous ramène à cette appartenance groupale qui nous restreint à nos propres connaissances et pratiques sur le monde sans s’ouvrir à une diversité ni à un regard critique sur ce qui nous anime. Cette idée de surestimation de son propre groupe au détriment de l’autre groupe est très ancrée dans la psychologie de la pensée raciale : c’est ce qui mène aux stéréotypes et à l’idée de supériorité légitime. Selon Lévi-Strauss, ce trait de comportement consistant à favoriser l’endogroupe serait un phénomène universel qui se retrouverait même quelquefois au sein d’une même société, entre personnes, ou groupes, de pouvoirs non équivalents. Dans chaque « camp », la barbarie sera automatiquement reliée à l’exogroupe et l’objectif sera alors de prouver que sa propre éducation est la plus légitime au regard de celle observée chez les autres.

La psychologie sociale a mainte fois pu montrer que l’individu s’identifie à son groupe d’appartenance par le biais de cette culture commune et de ces pratiques qui lui sont propres. Ce dans quoi un être est bercé dès sa naissance constitue tout ce à quoi il croit, ce qu’il connaît et ce à quoi il s’attache. Si une personne, quelles que soient ses origines ou ses croyances, se retrouve confrontée pour la première fois à une culture avec des mœurs peu communes pour elle, alors n’en ayant pas la connaissance, cela peut la conduire à rejeter cette culture par ignorance et par crainte de l’inconnu, de l’étrange. C’est donc un fait de société que l’auteur relève ici, malgré qu’il soit émis sous un point de vue assez péjoratif en ce qui concerne la condition humaine.

Cette citation de Lévi-Strauss s’avère intéressante car elle invite à la réflexion. Quelle est l’évolution de ces pensées dans le temps ? L’histoire a formé des peuples, des cultures, des civilisations, qui se sont construites et déconstruites ensembles, qui ont évolué pour créer le monde d’aujourd’hui. Dans ce contexte de mélange des savoirs culturels, linguistiques et techniques, où en est cette notion d’ethnocentrisme universel ? Comment peut-on interpréter la tolérance pour l’interculturalité au jour d’aujourd’hui ?

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