de Bachelard à la littérature jeunesse

Bachelard déclare que les images sont au service d’une imagination où chacun de nous y projette des impressions intimes sur le monde extérieur. De nouvelles impressions sur le monde et sur les autres émergent chez l’individu. Les images permettent ainsi « des mouvements, des bouleversements, des changements dans la pensée de l’homme »8. Le langage quand à lui  » instruit par les formes »9. Cependant le langage peut-être un moyen pour le lecteur de se positionner et de remettre en question ce qu’il voit, comprendre et remettre en question ce qu’il pense. Cette dynamique lui permet davantage d’accroître un esprit critique et une prise de recul. Mais il convient aussi de placer les mots comme étant le résultat d’une certaine représentation et qui ne fait pas mention de vérité générale. Les mots renvoient également à une image qui est propre à chaque individu. Par exemple deux personnes qui lisent le mot « ours » n’auront pas la même représentation physique de l’ours. Il s’agit de l’action de la lecture des mots qui provoque chez le lecteur un ensemble de représentations qui constituent un champ de pensées qu’il va créer. Le lecteur se retrouve à vivre une dialectique, une ambivalence entre l’image et le mot.

Aussi pour Bachelard les images disposent en nous une certaine mobilité de l’esprit et de l’être. Selon Bachelard, je cite: « L’imaginaire comme étant une activité de transfert symbolique des déterminations existentielles contingentes »10. Autrement dit, le lecteur à travers l’imaginaire effectue un travail sur ses représentations et images du monde. Le lecteur devient acteur : il met d’abord ses connaissances au service de la lecture et de la compréhension puis voit ensuite ses représentations interrogées et remises en cause au travers de l’histoire inscrite dans le livre.

L’imagination permet une véritable action du sujet qui entre en communication avec lui-même. Il s’interroge sur son identité. « Elle active une conquête psychologique de l’espace, ce qui permet une véritable application dans l’espace intérieur du moi. »11 Par conséquent, en s’interrogeant, le lecteur se transforme et réinvestit ses images.

Aussi la littérature de jeunesse se compose à la fois de textes et d’images, d’où le caractère dynamique que l’on peut lui attribuer. Celui-ci entraîne un rythme chez le lecteur. Elle le conduit à être actif, le provoque, le réveille et le pousse à l’effort. Bachelard quand à lui parle « d’animisme »12 au service de l’imagination. L’animisme se définit comme étant un ensemble d’objets en mouvement et qui amène le sujet à y porter de l’intérêt. De ce fait, la littérature de jeunesse telle qu’elle est entendue ici ne pourrait-elle pas constituer un objet en mouvement au service de l’imagination ?

 

  1. Gaston Bachelard, L’air et les songes : essai sur l’imagination du mouvement, op. Ct, 17.
  2. Gaston Bachelard, L’air et les songes : essai sur l’imagination du mouvement, op. Ct, 17.
  3. Gaston Bachelard, L’air et les songes : essai sur l’imagination du mouvement, op. Ct, p.34-35.
  4. Gaston Bachelard, L’air et les songes : essai sur l’imagination du mouvement, op. Ct, p.130-131.