Premières: Balzac, questions sur le corpus

Corrigé du devoir:

Portrait du peinte Pierre Narcisse Guérin par Robert Lefèvre (salon de 1801)

1) De quelles manières un jeune homme peut-il espérer réussir dans la société parisienne de ce début de siècle?

La réussite pour un jeune homme sans fortune ne vient  que des femmes: c’est en devenant l’amant d’une jeune femme en vue qu’il peut espérer se faire connaître du monde: « Il vous la faut jeune, riche, élégante« , ainsi que l’affirme Madame de Beauséant à Eugène de Rastignac. A partir de là, la jalousie féminine fait le reste: « La belle madame Nucingen sera pour vous une enseigne. Soyez l’homme qu’elle distingue, les femmes raffoleront de vous. Ses rivales,ses meilleures amies voudront vous enlever ». Le succès auprès des hommes suivra le succès auprès des femmes: « Si les femmes vous trouvent de l’esprit, du talent, les hommes le croiront si vous ne les détrompez pas » .

Cependant pour séduire, la concurrence est rude, Lucien de Rubempré le constate très vite : « J‘ai l’air du fils d’un apothicaire, d’un vrai courtaud de boutique! se dit-il lui-même avec rage en voyant passer les coquets, les élégants jeunes gens des familles du faubourg Saint -Germain« . La beauté et l’élégance sont primordiales, et Lucien ou Eugène constatent avec désolation que si leur physique reste avantageux, en revanche leurs vêtements sont informes ou démodés: ils comprennent l’importance d’un habit bien coupé qui met en valeur « leur jolie taille« , ou d’une paire de bottes « fines et propres » , susceptibles de faire valoir « de jolis pieds » . Les accessoires, montre, gants, canne, éperons  sont aussi évoqués par Lucien de Rubempré. Bref! comme le remarque Lucien, « il fallait un capital énorme pour exercer l’état de joli garçon » , et c’est bien ce qui manque aux deux héros, qui se sentent totalement marginalisés, même si la noblesse de leur nom reste un atout important (Eugène est le cousin de Mme de Beauséant, qui ne reçoit pas chez elle Mme de Nucingen, ex-fille Goriot).

De fait, la réussite ne peut s’accomplir qu’au prix d’un comportement froid et égoïste: « N’acceptez les hommes et les femmes que comme de chevaux de poste que vous laisserez crever à chaque relais, vous arriverez au faîte de vos désirs » . Tout sentiment doit donc être banni ou soigneusement dissimulé, aucune confiance ne peut être accordée à autrui: « apprenez à vous méfier de ce monde-ci » . A cet égard, Maxime de Trailles ou Henri de Marsay sont des exemples de cet égoïsme absolu: l’un est présenté comme « un dandy, mince et grand, à l’oeil clair, au teint pâle, un de ces hommes capables de ruiner des orphelins » , et l’apparence de fraîcheur et d’innocence du second est trompeuse: « il ne croyait ni aux hommes ni aux femmes, ni à Dieu ni au diable » .

Dès lors, réussir devient un combat sans pitié: face à Mme de Restaud, la rivalité entre Eugène et Maxime est bien sûr révélatrice, et l’on comprend bien que la lutte sera totale juqu’à l’élimination (au moins symbolique de l’un des adversaires).

Mode féminine en 1840

2) Quelles images ces textes donnent-ils des femmes?

D’après le discours de Mme de Beauséant, elles sont toute puissantes dans la société, car ce sont elles qui assurent le succès. En distinguant un jeune homme, elles attirent l’attention du monde sur lui, et la jalousie des autres femmes fait le reste: « Il y a des femmes qui aiment l’homme déjà choisi par une autre, comme il y a de pauvres bourgeoises qui, en prenant nos chapeaux espèrent avoir nos manières » (en déroulant la comparaison, on s’aperçoit donc que les hommes sont…des chapeaux !!!). La vanité féminine se révèle aussi dans l’opposition entre les deux filles du père Goriot: Anastasie a épousé M. de Restaud, qui « a de la naissance  » , alors que Delphine s’est mariée avec un homme d’argent, un banquier, dont la noblesse, trop récente ,est largement méprisée par les familles de vieille noblesse (le faubourg Saint Germain). Ainsi Mme de Beauséant ne reçoit pas chez elle Mme de Nucingen, qui serait prête à tout pour être admise dans le salon de celle-ci: « Aussi madame de Nucingen laperait-elle toute la boue qu’il y a entre la rue Saint-Lazare et la rue de Grenelle pour entrer dans mon salon«  . La cousine d’Eugène elle-même, une femme,  n’échappe pas à cette corruption, elle lui donne des conseils terriblement cyniques , en lui recommandant de se servir de Delphine (« Aimez la si vous pouvez après, sinon servez-vous d’elle »). Elle se déclare également prête à aider Eugène dans son entreprise.

Cependant, on remarque bien vite que les femmes sont aussi les victimes. Elles sont présentées comme des proies que l’on se dispute et qu’il faut gagner. Plus nettement, les trois femmes nommées ici sont des femmes trompées: Anastasie de Restaud est totalement dominée par Maxime de Trailles, « jeune homme impertinemment fier que la comtesse Anastasie avait nommé Maxime et dont elle consultait le visage de cette intention soumise qui dit tous les secrets d’une femme sans qu’elle s’en doute« , Delphine « s‘est faite l’esclave de de Marsay, elle assomme de Marsay. De Marsay se soucie peu d’elle ». Quant à Mme de Beanséant, malgré toute sa lucidité, elle vient elle-même d’être trahie par son amant, le marquis d’Ajunda Pinto, et elle c herche à se venger: « Nous autres femmes, nous avons aussi nos batailles  à livrer« .

La violence domine donc toute la société, et l’illusion de la domination féminine se révèle dans les trahisons dont elles sont victimes.

Mode masculine dans les années 1840

3) Quelle image critique Balzac fait-il de la société de son époque à travers ces textes?

La société parisienne, telle que la décrit Balzac, semble être une arène où se déchaînent toutes les violences: les dandys, que sont Maxime de Trailles ou Henri de Marsay ne sont préoccupés que d’eux-mêmes et de leurs succès. Dès qu’apparaît un rival, un autre jeune noble comme eux, moins riche cependant, comme Eugène de Rastignac ou Lucien de Rubempré, c’est un véritable combat qui s’engage, dont l’enjeu reste féminin: « Eugène furieux suivit Maxime et la comtesse.Ces trois personnages se retrouvèrent donc en présence, à la hauteur de la cheminée, au milieu du grand salon« .

La corruption féminine et la vanité des hommes sont les fondements de cette société ainsi que l’affirme Mme de Beauséant. Ainsi les femmes trompent leurs maris, avec de jeunes et beaux amants qu’elles cherchent à s’arracher entre elles: « La belle Madame de Nucingen sera pour vous une enseigne…Ses rivales, ses amies , ses meilleures amies voudront vous enlever » . Aucune loyauté n’est ici de mise. De fait afficher ses sentiments est à proscrire absolument: « Vous ne seriez plus le bourreau, vous seriez la victime ». Se dessine donc un monde qui se divise en deux catégories, les victimes et les bourreaux, « les dupes et les fripons » .

L’hypocrisie règne en maître: l’apparence demeure essentielle. L’importance des vêtements et de la beauté est affirmée dans tous les textes et de manière très curieuse, elle semble plus importante pour les hommes que pour les femmes: les termes employés suggèrent même la confusion des genres:  Henri de Marsay, « le plus joli garçon de Paris » a « une peau de jeune fille, un air doux et modeste, une taille fine et aristocratique, de fort belles mains » . Quant à Maxime de Trailles, « il portait une fort jolie redingote qui lui serrait élégamment la taille et le faisait ressembler à une jolie femme » .

Les conflits d’ordre social sont extrêmement violents: si les deux filles du père Goriot, bourgeois enrichi, ont réussi deux beaux mariages, la noblesse de M. de Restaud est bien plus ancienne que celle de M. de Nucingen: dès lors, rivalité et haine caractérisent les relations entre les deux soeurs. Et toute la morgue aristocratique de Mme de Beauséant éclate à son tour lorsqu’elle évoque Delphine, prête à laper « toute la boue qu’il y a entre la rue Saint Lazare et la rue de Grenelle pour entrer dans mon salon ». Et si elle consent à aider son cousin Eugène en recevant Mme de Nucingen, elle n’accepte de la recevoir qu’en grande soirée, quand il y aura cohue« . Elle ajoute: « mais je ne la recevrai jamais le matin. Je la saluerai, cela suffira » .

Enfin le rôle néfaste joué par Monseigneur de Maronis dans l’éducation de De Marsay montre bien que toutes les strates de la société sont corrompues, et qu’aucune valeur ne subsiste vraiment: ainsi d’Henri de Marsay, qui derrière une apparence angélique, cache une absence totale de scrupules: « il ne croyait ni aux hommes, ni aux femmes, ni à Dieu, ni au Diable » .

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