Lorenzaccio, les lieux, la représentation de Florence

I LES CHOIX DE MISE EN SCENE: représenter les lieux dans Lorenzaccio

Confrontez:

Une mise en scène qui cherche la précision historique (volonté de représenter au plus juste la ville de Florence au XVI ème siècle):

Comédie Française, 1927, Emile Favre

Source: http://www.comedie-francaise.fr/images/telechargements/dossier_lorenzaccio.pdf

avec une mise en scène qui choisit une évocation plus symbolique de l’atmosphère de Florence:

Mise en scène deJean-pierre Vincent, Cour d’honneur du palais des Papes (2000)

Source: http://www.lettresvolees.fr/musset/vincent.html

La mise en scène  choisit d’habiller le lieu de la représentation (la cour du palais des Papes, en Avignon)  avec des panneaux résolument modernes dont la tonalité abstraite et les couleurs feu accentuent  l’opposition avec le cadre. Cette ambiguïté entre ancien et moderne amène le spectateur à dépasser une vision purement historique de la pièce elle-même, et lui propose d’envisager une lecture symbolique de l’espace scénique.

II FLORENCE, UN PERSONNAGE A PART ENTIERE

Confrontez:

Les didascalies évoquant les lieux chez Hugo, par exemple dans Lucrèce BORGIA:

1) Acte I, scène 1: Une terrasse du palais Barbarigo, à Venise. C’est une fête de nuit. Des masques traversent par instant le théâtre. Des deux côtés de la terrasse, le palais splendidement illuminé et résonnant de fanfares. La terrasse couverte d’ombre et de verdure. Au fond, au bas de la terrasse, est censé couler le canal de la Zueca, sur lequel on voit passer par moments, dans les ténèbres, des gondoles, chargées de masques et de musiciens, à demi éclairées. Chacune de ces gondoles traverse le fond du théâtre avec une symphonie tantôt gracieuse, tantôt lugubre, qui s’éteint par degrés dans l’éloignement. Au fond, Venise au clair de lune.

 2) Acte II, scène 2: Une place de Ferrare. À droite, un palais avec un balcon garni de jalousies, et une porte basse. Sous le balcon, un grand écusson de pierre chargé d’armoiries avec ce mot en grosses lettres saillantes de cuivre doré au-dessous: BORGIA. À gauche, une petite maison avec porte sur la place. Au fond, des maisons et des clochers.

Avec les didascalies consacrées aux lieux dans Lorenzaccio.

Les didascalies chez Hugo sont extrêmement précises. Elles mentionnent des lieux très identifiables et donnent des indications scéniques presque impératives: « des deux côtés« , « au fond« , « au bas de la terrasse« , « à droite« , « sous le balcon« , « à gauche, « au fond« . Pour Victor Hugo, cette exacte représentation garantit la vraisemblance de l’action, en créant un effet de réel. Chez Musset, les didascalies demeurent bien plus vagues, la ville de Florence est davantage envisagée comme un personnage de l’histoire, une figure allégorique que comme un lieu réel . A cet égard, il faut relire la scène 6 de l’acte I et la scène 3 de l’acte II: Les bannis, tout comme la marquise Cibo s’adressent directement à la ville, la personnifiant sous des traits féminins.

LE PREMIER. Adieu, Florence, peste de l’Italie ; adieu, mère stérile, qui n’as plus de lait pour tes enfants.

LE SECOND. Adieu, Florence la bâtarde, spectre hideux de l’antique Florence ; adieu, fange sans nom.

TOUS LES BANNIS. Adieu, Florence ! maudites soient les mamelles de tes femmes ! maudits soient tes sanglots ! maudites les prières de tes églises, le pain de tes blés, l’air de tes rues ! Malédiction sur la dernière goutte de ton sang corrompu !

LA MARQUISE : (Elle ouvre sa fenêtre.) Que tu es belle, Florence, mais que tu es triste ! Il y a là plus d’une maison où Alexandre est entré la nuit, couvert de son manteau ; c’est un libertin, je le sais. – Et pourquoi est-ce que tu te mêles à tout cela, toi, Florence ? Qui est-ce donc que j’aime ? Est-ce toi ? Est-ce lui ?

La scène 2 de l’acte II continue dans cette direction: la discussion entre  Tebaldeo et Lorenzo joue de l’éternelle ambivalence dans laquelle les femmes sont enfermées, soit « la mère » ou « la putain ».

LORENZ0. Tu peindrais Florence, les places, les maisons et les rues ?

TEBALDEO. Oui, monseigneur.

LORENZO. Pourquoi donc ne peux-tu peindre une courtisane, si tu peux peindre un mauvais lieu ?

TEBALDEO. On ne m’a point encore appris à parler ainsi de ma mère.

LORENZO. Qu’appelles-tu ta mère ?

TEBALDEO. Florence, seigneur.

LORENZO. Alors tu n’es qu’un bâtard, car ta mère n’est qu’une catin.


 

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