Enfants du terril, vivre malgré la misère…

   Le documentaire de Frédéric Brunnquell, dans la très belle collection Infrarouge, décrit de l’intérieur et sans artifices la douloureuse réalité sociale et culturelle d’une partie de notre population qui a tendance à s’accroître si l’on en croit les statistiques.

    Sans misérabilisme, mais sans filtre, nous découvrons le quotidien de Loïc, 15 ans, qui souffre de phobie scolaire et peine à terminer sa classe de troisième et de Théo, son frère, encore protégé par l’innocence de ses 10 ans, qui transforme les ruines de son quartier en vaste terrain de jeux. Tous deux habitent au 12-14, une petite cité minière délabrée de la ville de Lens. A quelques mois de ses 16 ans, Loïc se cherche et se demande s’il va définitivement quitter l’école. Patricia, leur mère, se bat pour maintenir la cohésion familiale et assurer un avenir à ses fils. Entre représentations allégoriques et détresse du quotidien, ce documentaire est une réflexion sur les effets dévastateurs de la pauvreté et sur la perte de confiance dans l’avenir qui menace les deux frères.

« La vie , c’est l’ascenseur », mais en l’occurrence il est en panne depuis longtemps, « c’est les montagnes russes », dit Loïc, « y a toujours des barrières qui t’empêchent  d’avancer dans la vie »…

Ce documentaire nous fait découvrir la stratification de nombreux et douloureux échecs: échec de la famille, d’abord, puisque tout se déclenche lorsque le couple de parents se sépare, échec de l’institution scolaire ensuite, qui ne parvient pas à réinsérer Loïc, non faute de bonne volonté, mais en raison de moyens et de procédures inadaptés; échec de la municipalité qui laisse des zones d’habitat à l’abandon, la cité des 12-14 ressemblant à un no man’s land… Au bilan, échec de la société à protéger ceux qui perdent pied, et de la civilisation moderne, qui ne propose aux plus vulnérables que des mirages débilitants, de la téléréalité au football, et propage un langage et des structures de pensée en déliquescence.

  « Le collège, c’est cruel… en fait, c’est l’enfer, pour moi, c’est l’enfer », nous confie Loïc, confirmant les dires d’Alain Bentolila, sur notre système éducatif, qu’il juge « complaisant et cruel », complaisant parce qu’il laisse les élèves franchir les niveaux sans garantir les bases ni les apprentissages, et cruel parce que précisément, ceux-là mêmes qui progressent sans apprendre sont voués à un douloureux échec, une impasse en fin de parcours.

  Je vous invite à ce visionnage, à la fois émouvant et révoltant, mais toujours très sensible, en ces temps où comme l’a expliqué Michel Houellebecq dans une conférence en Argentine, « les élites méprisent le peuple »…

(cf https://www.valeursactuelles.com/societe/michel-houellebecq-les-elites-haissent-le-peuple-67809)

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=cPkeva_FgGI[/youtube]

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