Mots clefs : Politique, liberté, bonheur.

– Ce texte fait partie d’une série sur les imaginaires du technocapitalisme –

AP (doctorante en philosophie) : – Quelle place TechnoFutur accorde à la politique dans l’organisation sociale ?

TC (concepteur chez TechnoFutur) : – Nous sommes des partisans du libéralisme économique. Nous considérons de ce fait que l’intervention politique doit être réduite à son minimum. Pour notre part, nous ne sommes pas partisans que cette fonction soit prise en charge par des êtres humains.

Ce qui pour nous fait le libéralisme politique n’est pas l’existence d’une démocratie, mais l’existence d’un Etat de droit. Cela signifie que les droits et libertés individuelles soient respectées.

Pour assurer le rôle minimal de coordination politique, nous pensons qu’une IA serait mieux indiquée. Il faut néanmoins qu’elle soit programmée pour respecter les droits humains fondamentaux.

Si l’IA occupe le rôle de décision, en revanche, il est nécessaire qu’il y ait un contre-pouvoir incarné par un Comité d’éthique qui vérifie le respect par l’IA des droits fondamentaux.

L’IA est programmée selon les principes de l’utilitarisme moral. Son action est orientée vers le bien-être collectif. Néanmoins ces principes utilitaristes comme nous l’avons dit sont limités par le respect des droits fondamentaux.

AP : – Mais est-ce qu’il n’est pas souhaitable d’avoir un régime politique démocratique. Est-ce que la liberté ne consiste par à établir ces propres lois et à y consentir ?

TC : – Ce qu’on appelle la liberté des anciens. Tout cela risque d’aboutir à des décisions irrationnelles, au règne de la démagogie. L’IA est programmé selon des principes parfaitement rationnels qui sont ceux de l’utilitarisme.

AP : Mais l’utilitarisme aboutie à promouvoir une certaine conception du bonheur. Est-ce que ce n’est pas contraire à l’idée de liberté individuelle promue par le libéralisme politique ?

TC : L’IA se contente d’intervenir concernant des domaines qui ne peuvent pas être pris en compte adéquatement par le marché libre. Il s’agit par exemple de la sécurité des biens et des personnes, ainsi que la question des limites écologiques de la planète. Nous souhaitons qu’elle fonctionne comme un Etat minimal. Son rôle n’est pas de régenter tous les aspects de la vie des personnes.

Nous pensons que les personnes doivent être laissées libres autant que possible de pouvoir avoir accès aux produits de consommation les plus divers et à de nombreux loisirs de manière à pouvoir augmenter le bien être collectif.

La possibilité de choix augmente la sensation de bien être. Notre objectif n’est pas de limiter les libertés individuelles. En particulier, nous défendons des droits tels que le droit de propriété, le droit d’accès aux biens de consommation les plus diversifiés, le droit de pouvoir s’enrichir librement…

Chacun est libre de poursuivre son propre plaisir du moment qu’il ne nuit pas à autrui.

AP : – Nous nous interrogeons néanmoins sur l’usage qui peuvent être fait des technologies de surveillance par l’IA de gouvernance. Est-ce qu’il n’y a pas des risques d’atteintes aux libertés publiques ?

TC : Il est vrai qu’il y a subtil équilibre entre les impératifs de sécurité et le légitime désir de liberté. Mais comme vous le savez, il ne peut pas y avoir de liberté sans sécurité. La sécurité est une condition de possibilité de la liberté.

AP : Mais n’y a-t-il pas un risque de dérive sécuritaire de la part de l’IA.

TC : C’est au Comité international d’éthique d’en juger. L’IA peut être limitée dans son action par le Comité international d’éthique.

AP : Vous nous avez rappelé comment l’IA a un rôle dans la régulation écologique. Mais a-t-elle un rôle à jouer dans la régulation des inégalités sociales économiques ?

TC : Comme vous le savez l’approche utilitariste suppose une augmentation du bien-être collectif et la pauvreté constitue une limite à cet objectif. Pour cela, nous prônons le versement d’un revenu de base d’existence. Ce revenu est versé à toute personne, sans conditions, simplement pour nous assurer de l’éradication de la pauvreté.

En revanche, nous ne sommes pas opposés à l’existence de très grandes inégalités de revenues. Il ne nous semble pas que ce soit incompatible avec une augmentation du bien-être collectif.

AP : Est-ce que l’IA de gouvernance à un rôle à jouer relativement au capitalisme de surveillance et à la tendance des multinationales à utiliser des technologies qui orientent inconsciemment le comportement des personnes en s’appuyant sur des à connaissances issues des sciences cognitives ?

TC : Comme vous le savez, nous défendons deux principes : a) le libre consentement des personnes au recours à ces technologies b) l’usage non-coercitives des technologies.

AP : Justement de ce fait, est-ce que l’IA de gouvernance peut être amenée pour des raisons liées au maintient de la sécurité d’utiliser des technologies d’incitation positives.

TC : Comme vous le savez, nous sommes opposé à la coercition violente pour maintenir la sécurité. Nous préférons utiliser des technologies d’orientation des comportements. Nous sommes partisans du paternalisme libéral en matière de sécurité.

AP : Mais ne peut-on pas y voir une remise en question du principe libéral d’autonomie de la volonté et de recours à de la manipulation ?

TC : Nous prévenons les citoyens auparavant du déploiement de ces technologies. Ils ont la possibilité de faire un recours au niveau du Comité international d’éthique pour atteinte aux libertés individuelles s’ils considèrent ces technologies comme liberticides.

Nous mesurons néanmoins une tolérance de plus en plus faible à l’insécurité de la part de la population et une augmentation de la souffrance psychique en lien avec l’insécurité.

En revanche, la restriction des libertés publiques est mieux tolérée que les risques d’insécurité.

AP : On peut donc dire qu’il peut y avoir une tension entre le bien-être et la liberté que vous n’êtes pas en mesure de résoudre avec certitude.

TC : Vous dramatisez un peu les choses. Tout est question d’un juste équilibre entre ces deux valeurs. C’est le rôle du Comité international d’éthique d’assurer un équilibre entre ces deux principes.