Résumé : Ce document vise à présenter les principales références théoriques sur lesquelles s’appuie la construction d’une philosophie de terrain fictionnelle.

1. Ecriture fictionnelle et philosophie

1.1. Aspects historiques

La fiction apparaît comme un support philosophique à différentes époques et sous différentes formes. On peut établir une liste de quelques formes fictionnelles utilisées :

– le dialogue (Platon, Leibniz, Diderot …)

– l’allégorie (Platon)

– le conte philosophique (Voltaire)

– l’essai romanesque (Kierkegaard)

– la prose poétique (Nietzsche)

1.2. Aspects contemporains :

La philosophie analytique s’est appuyée en particulier sur un type de récit fictionnel qui est « l’expérience de pensée ».

On trouve également en dehors de la philosophie analytique, chez plusieurs philosophes contemporains un recours à la fiction spéculative. C’est le cas chez des éco-philosophes comme Donna Harraway (Vivre dans le trouble) ou Vinciane Despret (Autobiographie d’un poulpe), mais également chez un philosophe des techniques comme Pierre Cassou-Nogues (La bienveillance des machines).

1.3. Philosophie de terrain fictionnelle.

La notion de philosophie de terrain a été développée par Christiane Vollaire. Elle peut être appliquée à des travaux de philosophie tels que ceux Baptiste Morizot (Manières d’être vivants) ou en philosophie de l’éducation au travail de Sebastien Charbonnier (Que peut la philosophie?).

En combinant, la fiction spéculative en philosophie et la philosophie de terrain, il est possible d’élaborer une philosophie de terrain fictionnelle. Celle-ci peut recourir aux outils classiques de la recherche qualitative, comme l’éthnographie.

Il est possible de noter qu’il existe une forme d’ethnographie pratiqué par des éthnologues qui repose sur un terrain fictionnel. C’est le cas de l’ethno-fiction chez Marc Augé. L’ethnographie peut s’appuyer sur trois méthodes principales : l’entretien, l’observation ethnographique et la recherche documentaire. Dans le cas de Marc Augé, elle prend la forme d’une observation ethnographique fictionnelle comme dans Journal d’un SDF.

On peut remarquer qu’Autobiographie d’un poulpe de Vinciane Dépret recours à la fabrication de documents fictionnels.

L’entretien ethnographique peut être rapproché du dialogue en philosophie qui est une forme d’enquête philosophique fictionnelle. Une variante de l’entretien peut être le focus group fictionnel.

2. Constructions de terrains philosophiques fictionnels :

2.1. Mondes fictifs et philosophie

De même qu’il existe des formes d’écriture fictionnelles en philosophie, il existe une tradition de réflexion sur les mondes fictifs. Il est possible de dégager deux formes.

– Les mondes possibles : On trouve cette notion entre autres chez Leibniz. Elle est reprise chez des philosophes contemporains comme Goodman (Manières de faire des mondes) qui lit théorie de l’art et mondes possibles.

– L’utopie : La notion apparaît chez Thomas More. Le terme signifie « nulle part » et renvoie à un texte décrivant une société et un régime politique fictionnel dans un objectif philosophique.

2.2. Les sources utilisables pour la création d’un monde possible en philosophie de terrain fictionnelle

Les mondes possibles peuvent être construits en s’appuyant sur les matériaux suivants  (non exhaustif) :

– utopies

– travaux en théorie sociale et politique

– travaux de prospective

– futurologie (livres, documentaires…)

– œuvres de fiction, entre autres science fiction (livres, films…)

ect…

Différence entre prospective et futurologie: Nous faisons un usage plus large du terme « futurologie », relativement à celui de prospective. La futurologie désigne dans le cadre de la construction de mondes possibles, tout discours qui vise à tenir un discours sur le futur. Il peut s’agir d’essais s’appuyant sur des données scientifiques, des documentaires ou autres… Ces « matériaux futerologiques » constituent une base pour la constitution de mondes philosophiques possibles.

2.3. Focus sur monde possible récurent : L’éco-technocapitalisme

Dans différentes sources en futurologie actuelle, on trouve un monde récurent que l’on peut appeler l’éco-technocapitalisme. Il combine avancée technologiques, capitalisme et réflexion environnementale.

On le trouve dans des documentaires ou dans des ouvrages qui peuvent aller de l’essai journalistique, à la futurologie pour entreprise juqu’à des philosophes. Voir par exemple des auteurs à succès comme Jéremy Riffkins, Luc Ferry…

3. La construction des personnages avec lesquels sont menés les entretiens :

La construction des personnages s’appuient sur le perspectivisme. Il s’agit de mettre en lumière plusieurs perspectives philosophiques possibles sur la réalité. Ces personnages constituent des positions philosophiques possibles qui peuvent se dégager

4. La contribution éducative de la philosophie de terrain fictionnelle :

Dans quelle mesure la philosophie de terrain fictionnelle peut-elle ressortir d’une démarche éducative ?

Il est possible de souligner plusieurs dimensions :

– le rôle de l’expérience fictionnelle dans l’éducation philosophique de soi : Cette dimension a été mise en lumière par exemple par Sandra Laugier au sujet de la lecture ou des séries télévisées, à la suite des travaux du philosophe Stanley Calvel sur le cinéma. La fiction joue donc un rôle dans l’autoformation existentielle du sujet.

– la philosophie comme éducation des adultes : Pierre Hadot a souligné comment la philosophie pouvait constituer une éducation des adultes. La pratique philosophique joue donc un rôle dans l’autoformation existentielle.

– L’éducation au futur : Nicolas Hervé a mis en lumière dans ses travaux « l’éducation au futur » comme champ de recherche en sciences de l’éducation. La philosophie de terrain fictionnelle peut donc constituer une pratique d’éducation au futur.

5. Le méta-discours philosophique

Les entretiens philosophiques peuvent servir de base à un méta-discours philosophique à partir des différentes perspectives qui ont été discutées au cours de l’enquête philosophique de terrain fictionnel.