Celle qui n’était pas Rosa Parks

Source: https://images-e.esidoc.fr/-1553/334/978224 6785286.jpg

En 2015, Tania de Montaigne, écrivaine française, écrit Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin, un roman biographique. Dans son récit, l’autrice décide de raconter l’histoire d’une jeune fille que peu de gens connaissent malgré son acte héroïque. Cette écrivaine noire, née à Paris, met en scène en 2019 son propre roman avec l’écrivain Stéphane Foenkinos dans un spectacle où elle accepte de se présenter devant le public pour s’emparer de son propre texte et faire davantage connaître son héroïne.  (Teaser du spectacle)

Jeune fille de 15 ans originaire de l’Alabama et oubliée de l’Histoire, c’est le passé de Claudette Colvin que cherche à nous faire découvrir Tania de Montaigne à travers son récit. Cette adolescente de 15 ans est victime, elle, ainsi que tous les noirs des années 1950 à Montgomery, des loi Jim Crow, lois qui imposent la ségrégation raciale aux Etats-Unis. Une de ces lois consiste à ce que les premiers sièges d’un bus soient réservés aux blancs et ceux de l’arrière aux noirs ! Qui plus est, un blanc ne peut rester debout, dès lors le noir assis se doit de donner sa place et les autres noirs de la rangée doivent se lever afin de ne pas se mélanger aux blancs. Cette loi sera respectée par tous, de manière quotidienne, comme une routine, une habitude, comme si cela était normal… jusqu’en 1955, date à laquelle une femme refusera de céder sa place ! Cela ne vous rappelle pas une figure emblématique de la ségrégation raciale aux Etats-Unis ? En effet, Rosa Parks est devenue une icône dans le monde en refusant de céder sa place à un homme blanc alors que, 9 mois auparavant, Claudette Colvin, cette jeune fille de 15 ans, avait fait la même action, dans le même bus, au même arrêt ! Mais son histoire est restée dans l’ombre et est tombée dans l’oubli… Ce roman vous invite à découvrir son histoire. 

« Séparés depuis le berceau jusqu’au cimetière »

Captivant dès le début, ce roman s’adresse directement à nous, lecteurs et lectrices, avec le pronom « vous ». On se retrouve alors dans la peau d’un noir de l’Alabama des années 1950, ce qui m’a facilité l’entrée dans l’histoire. En effet, j’ai été emmenée loin de ce que je connais en tant que personne qui n’est pas touchée par le racisme. De plus, la compréhension de ce récit est très simple puisque chaque chapitre correspond à un moment-clé de la vie de Claudette. L’histoire de cette jeune fille originaire de Montgomery est très prenante puisque c’est une histoire vraie. A mes yeux, le geste de Claudette Colvin est héroïque et j’admire son courage : elle est la toute première, en tant que femme noire, à défier ces lois indignes ! Bien que ce roman soit éponyme, il n’est pas uniquement centré sur la biographie de la jeune fille. On y découvre aussi l’histoire de célèbres personnages comme Rosa Parks et Martin Luther King, ce que j’ai particulièrement aimé. Ainsi, Tania de Montaigne resitue le destin de Claudette dans l’Histoire et plus précisément celle de la lutte pour les droits civiques. Lors de ma lecture, je suis passée par différentes émotions, tout d’abord la colère et l’incompréhension face aux conditions de vie des noirs à cette époque. J’avais conscience que, pendant les années 1950, ils n’étaient pas considérés comme égaux aux blancs, toutefois je n’imaginais pas que ces inégalités et injustices paraissaient aussi banales pendant cette période et s’appliquaient dès la naissance jusqu’à la mort !

Malheureusement, le courage de Claudette ne sera pas retenu contrairement à celui de Rosa Parks, à cause de son jeune âge, de sa couleur de peau plus foncée et de sa grossesse. Claudette n’avait pas comme destin d’être connue de tous mais d’être l’inspiration de Rosa Parks. 

 

Pourquoi « noire » et pas « personne de couleur » ?

Tania de Montaigne au festival Atlantide au Lieu unique à Nantes en mars 2017.
Source: https://upload.wikimedia.org/wiki pedia/commons/thumb/a/a3/ Tania_de_Montaigne_-_Atlantide_2017.jpg/1200px-Tania_de_Montaigne_-_Atlantide_2017.jpg

En écrivant ce roman, Tania de Montaigne ne nous fait pas seulement découvrir l’histoire d’une courageuse adolescente de quinze ans, pour moi elle mène aussi un combat derrière son roman en tant que personne noire. En effet, je pense qu’en nous rappelant la ségrégation que subissaient ces personnes elle nous rappelle aussi que, presque soixante-dix ans après, les noirs subissent encore des injustices à cause de leur couleur de peau ! Et cela commence dès le nom que nous leur donnons. Effectivement, dans son roman et même dans ses interviews, l’autrice nous explique que pour désigner une personne noire nous voulons toujours passer par quatre chemins en utilisant les termes « personne de couleur » ; « black » ; « africain » comme si le mot « noir » était péjoratif alors que au contraire ce sont les noms que nous leur donnons qui le sont.

Soulignons qu’en 2015 Tania de Montaigne remporte le prix Simone Veil grâce à son ouvrage qui nous fait découvrir la vie d’une femme marquante de l’Histoire, qui a osé se dresser face à l’injustice. Selon moi ce prix est amplement mérité ! Par ailleurs, ce qui m’a particulièrement marquée pendant ma lecture est le fait que l’autrice nous raconte avec franchise les événements, sans aucun filtre, pour nous faire comprendre la vie que menaient ces milliers de noirs de l’Alabama. Néanmoins, ce roman n’évoque pas uniquement l’événement du bus, il se focalise aussi sur le procès de la jeune fille et c’est cet événement, lors de ma lecture, qui m’a interpellée. Pour moi, l’injustice remplace la justice étant donné qu’elle finit par perdre son procès alors que toutes les chances étaient de son côté ! Malheureusement – ne l’oublions pas – Claudette Colvin est une jeune fille noire de l’Alabama dans les années 1950, c’est-à-dire qu’elle était destinée à perdre ce procès puisque noire, au mauvais endroit et au mauvais moment. 

Pour toutes ces raisons, j’attribue la note de quatre étoiles. Même si ce roman n’est pas un coup de cœur à proprement parler, il reste tout de même enrichissant en nous faisant découvrir ou redécouvrir l’histoire de cette héroïne grâce à l’autrice Tania de Montaigne. 

Bonne lecture à vous !

Montaigne, Tania de. Noire : la vie méconnue de Claudette Colvin. Grasset, 03/2015. 171p

Vanessa SANAT, 1ère2

Laisser un commentaire