Introduction. Ruptures et continuités XIXe-XXe (4): les avant-gardes au début du XXe.

Introduction. Ruptures et continuités XIXe-XXe (4): les avant-gardes au début du XXe.

V. L’ Entrée dans le XXe siècle : Les avant – gardes du début du siècle.

V. 1. Nouveaux scandales : les avant-gardes prolongent et accentuent les ruptures du XIXe siècle.

Les jeunes peintres au début du XXe siècle se réclament des « exclus » du XIXe : Van Gogh, Gauguin, Cézanne mais aussi de « maîtres » plus anciens dont ils constatent l’originalité et qu’ils considèrent comme précurseurs (Ingres). Des expositions rétrospectives accentuent cette filiation.

1901 / Expo Van Gogh à Paris (Derain dit « C’est une grande figure de notre époque »).

1903 : Exposition rétrospective Gauguin.

1907 : Exposition rétrospective postume de Cézanne au Salon d’Automne (57 tableau dont :

Paul Cézanne Gustave Geffroy. Entre 1895 et 1896. Huile sur toile 110×89 cm Musée-dOrsay.

Sur Cézanne et le portrait lire cours de khâgne  ici : https://docs.google.com/presentation/d/1zejTfTml29asFVcFuu_t0oZ6Wt2PWwupSVHaBA-kH3U/edit?usp=sharing

1905 : 3e salon d’automne au Grand Palais : C’est la 3e et dernière grande rupture après 1874 (exposition impressionniste) et 1888 (Vision après sermon de Gauguin et la couleur détachée du ton local, càd de l’imitation de la nature).

(Sur les salons parallèles voir cours introductif partie IV. Le nouveau contexte de création, d’exposition et du marché de l’art vers la fin du XIXe ici :

https://lewebpedagogique.com/hida/?p=23822

Et l’histoire du salon d’automne ici :

https://www.salon-automne.com/fr/historique/

Document annexe : la salle Cézanne du Salon d’Automne de 1904 :

Salon d’Automne 1905.

La Salle 3 du Salon, photographe français, 1905, Grand Palais.

Le Président de la République Émile Loubet refuse d’inaugurer le salon.

« Il contient des œuvres « inacceptables ». (salle VII) Le critique Louis Vauxcelles dit « c’est la cage aux fauves » On parle de « brosses en délire »…

– Fauvisme héritiers de Van Gogh : Matisse, Derain, Raoul Dufy.

Henri Matisse, La Femme au chapeau (Madame Matisse), 1905, 80.6 x 59.7 cm, San Francisco, Museum of Modern Art.

Fichier:Les Fauves, Exhibition at the Salon D'Automne, from L'Illustration, 4 November 1905.jpg — Wikipédia

Page de l’Immustration consacrée au Salon d’Automne 1905.

Henri Matisse définit le fauvisme (et surout la place centrale de la couleur dans sa démarche picturale.

« Si, sur une toile blanche, je disperse des sensations de bleu, de vert, de rouge, à mesure que j’ajoute des touches, chacune de celles que j’ai posées antérieurement perd de son importance. J’ai à peindre un intérieur : j’ai devant moi une armoire, elle me donne une sensation de rouge bien vivant, et je pose un rouge qui me satisfait. Un rapport s’établit de ce rouge au blanc de la toile. Que je pose à côté un vert, que je rende le parquet par un jaune, et il y aura encore, entre ce vert ou ce jaune et le blanc de la toile des rapports qui me satisferont. Mais ces différents tons se diminuent mutuellement. Il faut que les signes divers que j’emploie soient équilibrés de telle sorte qu’ils ne se détruisent pas les uns les autres. Pour cela, je dois mettre de l’ordre dans mes idées : la relation entre les tons s’établira de telle sorte qu’elle les soutiendra au lieu de les abattre. Une nouvelle combinaison de couleurs succédera à la première et donnera la totalité de ma représentation. Je suis obligé de transposer, et c’est pour cela qu’on se figure que mon tableau a totalement changé lorsque, après des modifications successives, le rouge y a remplacé le vert comme dominante. Il ne m’est pas possible de copier servilement la nature, que je suis forcé d’interpréter et de soumettre à l’esprit du tableau. Tous mes rapports de tons trouvés, il doit en résulter un accord de couleurs vivant, une harmonie analogue à celle d’une composition musicale »

Lettre de Derain à Vlaminck envoyée depuis Collioure où il séjourne avec Matisse : « je me suis laissé aller à la couleur pour la couleur ».

– cubisme : Picasso Braque se consacrent plutôt à un travail sur la forme plutôt que sur la couleur.
– abstraction : Kupka, Kandinsky, Malevitch, Delaunay, Malevitch.

Il s’agit donc après les ruptures de 1874 (Impression soleil levant de Monet),  de 1888 Gauguin (Vision après sermon -> Couleur non imitative qui devient un « signe plastique »), d’une autre rupture en 1905 : un salon qui exacerbe de nouveau les tensions et marque le début du XXe.

 Le succès est de plus en plus marqué malgré le soi disant scandale, (Matisse vend La femme au chapeau à Gertrude Stein pour 500Frs (écrivaine, poétesse, amatrice d’art, elle soutient le cubisme et Picasso et apprécie particulièrement Matisse qui lui fait un portrait emblématique :

Gertrude Stein assise sur son canapé sous son portrait par Picasso et deux autres tableaux cubistes.

Tableaux de la période bleue (1902-1903) et rose de Picasso (1905) dans le salon de Gertrude Stein : Jeune Garçon au cheval (National Gallery de Washington,)L’Acrobate à la boule du Musée Pouchkine de Moscou,   (dans la série de tableaux annexes de sa grande oeuvre de la période rose : la Famille de Saltimbanques.

Toujours chez Gertrude Stein, la Femme au chapeau de Matisse, son portrait par Picasso, Un Grand nu debout de la période rose toujours de Picasso.

Entre 1903 et 1910, la démarche de Matisse traverse des étapes : d’abord le pointillisme, la couleur dégagée de l’imitation et enfin peinture linéaire aux traits de plus en plus simplifiés (La danse).

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/thumb/0/07/Matisse-Luxe.jpg/728px-Matisse-Luxe.jpg

Henri Matisse , Luxe calme et volupté, 1904, huile sur toile, Centre Georges Pompidou, Paris.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/a/a7/Matissedance.jpg

Matisse La Danse, 1909, huile sur toile 260 cm x 391 cm Ermitage Saint-Pétersbourg.
Ici, presque nulle trace des couleurs éclatantes, des « brosses en délire » « fauves’ de Matisse, Derain ou de Vlaminck fustigées par le critque Louis Vauxcelles au Salon d’Automne de 1905.

Figures et fond fusionnent dans un un même espace pictural.

Le jeune Picasso arrive à Paris en 1901 et cherche un style personnel comme en témoignent ses autoportraits :

Autoportrait Yo Picasso, Paris 1901, Huile sur toile 73,5 x 60,5 cm Coll. particulière.

Pablo Picasso, Autoportrait bleu Paris 1901 huile toile 81 x 60 cm Musée Picasso Paris.

Il se présente tel qu’il se voit,  le regard trouble, triste, douloureux. Il a conservé ce tableau toute sa vie en souvenir de la crise survenue au moment où son principal soutien, l’industriel catalan Manyac qui l’avait recommandé à Ambroise Vollard, lui coupe les vivres car ses premiers  tableaux bleus lui plaisaient moins. Le tournant esthétique mais aussi thématique avec les images d’une humanité en souffrance morale et sociale étaient loin d’intéresser la clientèle.

Pablo Picasso, Pauvres au bord de la mer Barcelone 1903 huile sur bois 105 x 69 cm National Gallery Washington.

Ce fut une expérience douloureuse puisque ce divorce avec un amateur d’art le plongea dans la misère. Picasso choisit de porter cette même barbe que dans l’autoportrait en haut-de-forme en ajoutant une moustache qu’il n’a jamais eu…Il choisit de se donner cet aspect hâve, creusé par la faim.

Après la période rose (1903-1905), il se lance dans de nouvelles expérimentations autour du portrait que nous verrons avec l’exposé.


Pablo Picasso, Portrait de Gertrude Stein. Paris printemps 1906 huile toile 100 x 81 cm MOMA. New York.

Paris. Voir Picasso et le primitivisme :

http://lewebpedagogique.com/khagnehida/archives/23422

https://www.cineclubdecaen.com/peinture/peintres/picasso/meneurdechevalnu.htm

Picasso, Le meneur de cheval nu, entre 1905 et 1906 1,30 m x 2,21 m, huile sur toile, The William S. Paley Collection, New York.

Il cherche son inspiration dans les arts primitifs, dans le hiératisme des statues grecques archaïques, refuse le colorisme fauve et finit par choquer…même les avant-gardes.

Picasso, Les Demoiselles d’Avignon Paris juin juillet 1907 huile sur toile 244 x 234 cm MOMA New York.

Par ce « chef d’oeuvre » d’expérimentations et de subjectivité, Picasso répond à Matisse, revisite le Bain turc et invente un nouveau langage pictural à la croisée de Cézanne et de l’art primitif.

La modernité aggrave la rupture avec la société et avec l’État (IIIe République) : en 1912 le « kubisme » (le k renvoie au mépris pour ce « style prussien ») est déclaré « attentatoire à la dignité nationale ». Que leur reproche-t-on ? Peindre au mépris des règles des Beaux Arts et de l’imitation des apparences réelles.

Les avant-gardes en rupture avec l’ordre esthétique et moral.

Les expressionnistes en Allemagne et en Autriche ( Egon Schiele) et les futuristes en Italie sont également exclus des salons.

Egon Schiele, Le Cardinal et la none, huile sur toile, 70 × 80,5 cm Vienne,Collection Leopold.

Schiele s’inspire directement du baiser de Klimt :

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/4/40/The_Kiss_-_Gustav_Klimt_-_Google_Cultural_Institute.jpg/765px-The_Kiss_-_Gustav_Klimt_-_Google_Cultural_Institute.jpg

Gustav Klimt, Le Baiser,1908-1909, Huile et feuille d’or sur to. ile,180 × 180 cm, Österreichische Galerie Belvedere, palais du Belvédère, Vienne

Deux tableaux peints dans des contextes différens :

    Klimt est un artiste de la Sécessuion reconnu, il explore depuis 1902 un peinture bi-dimensionnelle oresque abstraite et teintée d’un symbolisme ésotérique alors que Schiele a touts les caractères du eintre maudit. Accusé à tort de pédophilie, il sera innocenté, fait qulques jours de prison pour « diffusion de dessins immoraux ». Cette expérience ne fait qu’accentuer sa révolte contre l’ordre établi et il exprime son mépris de la société dans un certain nombre d’œuvres provocantes, dont Cardinal et Nonne.

Une composition quasi identique :

     Personnages de Schiele sont placés au centre de la toile et se détachent d’un fond de couleur plus sombre. Mais les couleurs et les motifs des deux tableaux sont contrastés

Le Baiser fait partie de la « phase dorée » Klimt  : l’emploi de l’or a à la fois une dimension ésotérique et une dimension matérielle qui transforme le tableau en objet précieux.

L’aura dorée qui entoure les personnages est comme un écrin qui les réunit et les isole du monde extérieur représenté par le fragment de prairie en fleur, stylisé. ainsi, la scène est intemporelle, sans référence au réel. Il s’agit d’une représentation du couple dans son essence spirituelle en lien avec la nature et le cosmos. Formes anguleuses de l’homme, plus douces et arrondies pour la femme.

Schiele, élève et ami de Klimt, revoit l’œuvre du maître dans un style beaucoup plus tourmenté. Couleurs « crues », rouge de la passion associé au noir des ténèbres, scène du secret et du péché.  Mais Schiele inscrit la scène dans le réel : le rouge de la robe de cardinal et noir de l’habit de nonne. Schiele provoque ouvertement le pouvoir clérical. Il est dans une autre dimension de critique sociale. Il s’agit d’une étreinte interdite dans un demi-jour qui expose le couple enlacé et coupable au regard du spectateur.

Des positions et des expressions différentes

Le couple du Baiser est isolé dans sa bulle d’or et replié sur lui-même : l’homme détourne la tête et la femme ferme les yeux, comme entièrement absorbée par ce moment. Couple est spectateur sont dissociés ce qui laisse une grande liberté au spectateur.

La position à genoux de la femme du Baiser évoque l’abandon total au plaisir, mais cette même position reprise dans le tableau de Schiele prend un caractère plus subversif.

Mains jointes et position à genoux des personnages évoquent clairement la prière. Leur union est donc sacrilège et relève du péché d’où la position crispée des personnages et le regard furtif de la nonne vers le spectateur – voyeur. Pas d’amour idéalisé donc ici mais un sombre désir, comme une passion ardente et coupable.

La critique est partagée, une petite partie seulement de l’opinion reconnaissant son talent, l’autre part allant même jusqu’à qualifier ses œuvres d‘« excès d’un cerveau perdu ».
On voit bien que Schiele vise à provoquer le pouvoir de l’Église. L’artiste viennois, tourmenté de l’intérieur, n’hésite pas à susciter le scandale.

Egon Schiele : « Femmes renversées «   1915 Crayon et détrempe sur papier, 32,8 x 49,7 cm, Graphische Sammlung, Albertina Vienne.

Die Brücke, Le Pont entre « l’ancien et le moderne » dans une Allemagne encore imprégnée d’académisme.

Comme en France, les artistes cherchent à dépasser l’impressionnisme pour saisir le réeel de manière subjective et peindre des toiles qui reflètent leurs propres sensations. Bref, exprimer plutôt que représenter.

Ernst Ludwig Kirchner invite « toute la jeunesse à se ressembler » pour l’obtention d’une « liberté d’action et de vie face aux puissances anciennes et bien établies ». Créateurs qui vivent en autarcie « jouisseurs », ils cherchent une vie intense « On ne peut pas peindre des intérieurs avec des hommes qui lisent et des femmes qui tricotent. On peindra des êtres respirent, qui sentent, qui souffrent et qui aiment. »

 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/9/98/Ernst_Ludwig_Kirchner_-_Three_bathers_-_Google_Art_Project.jpg/567px-Ernst_Ludwig_Kirchner_-_Three_bathers_-_Google_Art_Project.jpg 

Ernst Ludwig Kirchner Trois baigneuses 1913, huile sur toile (215,2 × 165 cm), galerie d’art de Nouvelle-Galles du Sud, Sydney.

Voir aussi Emil Nolde (1867-1956) exposition à Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 2011. (documents audio ici) :

Emil Nolde (1867-1956) Ronde endiablée, 1909 Huile sur toile – 71 x 87 cm Kiel, Kunsthalle zu Kiel.

Emile Nolde, Masks, 1911, The Nelson-Atkins Museum of Art, Kansas City.

Voir d’autres œuvres de Nolde et Kirchner :

https://docs.google.com/presentation/d/1q8y8o5mA0kFD5X3od_Rz2GSiKGoslwMeGlf2f94ysfU/edit?usp=sharing

Et commentaire : https://drive.google.com/open?id=0ByMLcNsCNGb5WlBROVpHTElkbm8

Dans la lignée de Degas ou de Toulouse Lautrec, les jeunes artistes un peu partout en Europe, s’intéressent au rapport entre les sexes, et un rapport qui passe par un corps « physique » et cru voire par le commerce de la chair. « Tout est pourri, et les hommes et les arts » en Europe, société et arts compris disait Gauguin. Les jeunes artistes suivent son idée. -> Primitivisme càd l’expression d’un dégoût moral et politique.

Les musées français ne s’inquiètent pas que les Matisse, les Picasso quittent en masse le territoire français pour les collections privées allemandes, danoises ou américaines.

En 1907 la rupture entre avant-gardes et Salon officiel déclenchée au Salon d’Automne de 1905 est déjà consommée : Le Salon des indépendants est qualifié d’« hommage à Cézanne » mort en 1906. C’est à Cézanne que les cubistes se réfèrent d’abord.

A Paris le galeriste Daniel-Henry Kahnweiler défend deux peintres « cubistes » d’origine espagnole : Picasso et Juan Gris.

Portrait de Daniel-Henry Kahnweiler dans l’atelier de Picasso du 11 boulevard de Clichy, 1910, Musée Picasso

https://lewebpedagogique.com/khagnehida/files/2011/01/Portrait-Daniel-Henri-Kahnweiler-PAris-automne-hiver-1910-huile-toile-100x73cm-Chicago-Art-Institute-e1296382184665.jpg

Picasso, Portrait de Daniel-Henry Kahnweiler. Paris Hiver1910 huile sur toile 101,1 x 73,3 cm The Art Institute of Chicago.

Deux exigences du portrait disparaissent : la ressemblance, que Matisse, Gauguin ou Cézanne n’ont pas sacrifiée, ne tient plus qu’à des indices épars. L’autre élément transgressé est le contour qui disparaît aussi, les volumes glissant les uns dans les autres. Picasso semble tester ici les limites de la transgression de traditions et des goûts. Dans le portrait de Kahnweiler il pousse plus loin encore la dissolution de la figure dans l’espace, la différenciation chromatique ne se fait pas, le visage étant aussi dans les tons bistre clair et gris. Les courbes de la chevelure bien peignée, un trapèze comme emplacement des yeux et de la bouche, deux mains croisées se repèrent sur une surface accidentée, creusée par des ombres sur la quelle certains ont reconnu une bouteille ou la coiffe d’une sculpture canaque achetée par Picasso et visible sur la photo de Picasso au Bateau-Lavoir.

Avec Derain Braque Léger et Matisse ils exposent en Allemagne, aux États-Unis, en Russie ou à Vienne. Ils suscitent controverses et vocations.

Juan Gris, Bouteille et couteau 1911-12 Huile sur toile, 54.6 x 46 cm Rijksmuseum, Amsterdam.

« … des fragments d’espace illusionniste dans une syntaxe cubiste » ( Pierre Daix, Dictionnaire Picasso, R. Laffont, 1995).

Les réactions sont virulentes on parle de « Kubisme », terme par lequel on désignait dans une certaine presse nationaliste cet art « barbare », sûrement germanique, surtout pendant la guerre où on ajoute le terme « art « boche » » dans la presse populaire.

Cependant Picasso, même s’il pousse loin le processus d’abstraction, reste attaché à la figuration et ne bascule jamais vers l’art abstrait.

V. 2. De nouvelles approches de l’art pictural.

La couleur de Henry  Matisse et de Guy Derain ne reproduit pas le ton réel mais le transpose. La couleur devient un signe plastique ou est utilisée pour elle même.

Picasso et Braque fragmentent et dispersent les formes (cubisme analytique) avant de les assembler par « papiers collés » (cubisme synthétique).

Les futuristes recherchent comment insuffler au tableau la vitesse de la vie moderne.

Les futuristes ou le culte de la vitesse : rejet violent de la tradition artistique.

Luigi Russolo – La Rivolta, 1911 [La Révolte] Huile sur toile, 150,8 x 230,7 cm Gemeentemuseum La Haye

Giacomo Balla,  Dynamisme d’un chien 1912 huile sur toile 90×110 cm Art Gallery, Buffalo, Etat de N.York.

– très influencés par les découvertes d’Einstein sur la relativité de la vitesse, du temps et de l’espace et par le philosophe Henri Bergson (art-action).
Voir dossier de l’Exposition du centre Pompidou :
http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-futurisme2008/ENS-futurisme2008-00-intro.html

Le futurisme à Paris. Qu’est ce que le futurisme ? par centrepompidou

Le Manifeste suivant, composé par l’écrivain Filippo Tommaso Marinetti est considéré comme étant le texte fondateur du mouvement futuriste. Il a été publié par le magazine Figaro le 20 février 1909.

(…)

2. Les éléments essentiels de notre poésie seront le courage, l’audace, et la révolte.

(…)

4. Nous déclarons que la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à l’haleine explosive… une automobile rugissante, qui a l’air de courir sur de la mitraille, est plus belle que la Victoire de Samothrace.

5. (…) C’est en Italie que nous lançons ce manifeste de violence culbutante et incendiaire, par lequel nous fondons aujourd’hui le Futurisme parce que nous voulons délivrer l’Italie de sa gangrène d’archéologues, de cicérones et d’antiquaires…

F. T. Marinetti, Le Figaro le 20 février 1909.

– culte de la violence, de la saleté, goût de la provocation : « Nous voulons glorifier la guerre – seule hygiène du monde (…) les belles Idées qui tuent, et le mépris de la femme.« 

– volonté de détruire tous les fondements de l’art et de la culture occidentales (musées, littérature, antiquités)

prônent un art nouveau débarrassé des références au passé

– culte du mouvement, du dynamisme de la machine, de l’élan vital, de l’action

– style : représentation de la durée du mouvement dans le tableau qui s’inspire du cinéma et de la chronophotographie (voir ici)

Les avant-gardes voient l’acte de création comme un combat contre la tradition, comme la recherche permanente de l’invention, de la rupture (même si le rejet de l’académisme ne signifie pas obligatoirement rejet de l’héritage classique.

(cf. série des Baigneuses de Cézanne, la Joie de vivre de Matisse ou les références à Ingres chez Picasso, Matisse et Derain dans les années 1905 – 1908 etc.) et le « retour à l’ordre » des années ’20 :

Pablo Picasso, Trois femmes a la fontaine, Fontainebleau 1921 huile toile 204 x 174cm MOMA New York.

 V. 3 La peinture est devenue un art expérimental…

Au milieu du XIXe siècle, l’artiste reste encore un homme qui maîtrise les principes du beau tels qui se sont fixés à partir du XVIe siècle. Courbet, en affirmant qu’il était à la recherche de sa propre vision du réel, avait déjà sonné la révolte même s’il recherchait la réussite au salon. Il a organisé sa propre exposition d’œuvres en 1855, acte d’affirmation de soi mais aussi signe de l’émergence d’un marché de l’art indépendant.

Si les impressionnistes et les symbolistes s’appuient encore sur la tradition picturale, les « avant-gardes » au début du XXe siècle, refusent la culture de la majorité. Les années 1900-1914 voient apparaître des ruptures plastiques radicales comme le cubisme, l’art abstrait, dada et le surréalisme.

La période qui va de 1850 à 1914 est donc fondamentale pour comprendre l’art moderne.
Comme à la Renaissance, l’art est révolutionné par des artistes novateurs qui expérimentent de nouvelles voies, mais cette fois dans une rupture radicale avec la tradition. Le progrès technique, en particulier la photographie, les nouvelles formes d’expression (lithographie, affiches) font que les peintres ne sont plus les seuls à imiter le réel et la photographie leur offre de nouveaux moyens (cadrages originaux : cf. Degas).

L’acte même de peindre change de nature au XXe siècle avec l’utilisation de la couleur expressive comme chez Gauguin et Van Gogh, puis pour elle même par les fauves.

Avec les collages de Picasso – Braque qui utilisent des matériaux issus de la banalité du quotidien (papier journal, fragments d’affiches arrachées, cordes, serpillères) la frontière entre réel et représentation devient floue. L’outil remplace le pinceau, le fragment d’objet récupéré remplace le marbre dans la sculpture, l’installation remplace les supports traditionnels.

Les débats esthétiques acharnés entre tenants de la tradition du « grand art » et artistes « contemporains » traversent tout le XXe siècle sur fond de société de consommation qui transforme l’œuvre d’art en « bien culturel ». L’oeuvre d’art elle-même est interrogée d’abord par les papiers collés de Picasso et Braque puis par les « ready mades » de Marcel Duchamp.

Exemple : l’esprit d’invention de Picasso.

C’est peut-être à la Samaritaine que Picasso découvre la toile cirée à motif de cannage de paille qui est la première introduction d’un élément d’origine industrielle dans une peinture en 1912. C’est la Nature morte à la chaise cannée.

Picasso Nature morte a la chaise cannée, Paris printemps 1912 huile toile cirée sur toile encadrée de corde 29 x 37 cm Paris Musée Picasso.

A première vue la toile ovale ressemble à d’autres natures mortes cubistes : pipe, journal, (non collé en tant que tel mais ici signifié par des lettres et des effets picturaux : plis de papier blanc peint), verre, couteau, citron éclatés en facettes multiples sont posés sur une chaise cannée.

Mais pour la première fois au lieu de peindre le cannage il emploie la toile cirée à motif de cannage de paille. Premier collage serré dans une grosse corde qui entoure le panneau faisant office de cadre. Seul Apollinaire proclame en évoquent les recherches de Braque et Picasso « sur la matière » :

« On peut peindre avec ce qu’on voudra, avec des pipes, des timbres-poste, des cartes postales ou des cartes à jouer, des candélabres, des morceaux de toile cirée, des faux cols, du papier peint, des journaux ».

Les artistes eux mêmes quittent les formations académiques pour se former dans des ateliers de décoration ou d’artistes novateurs, voire s’auto-former y compris en allant étudier les grands maîtres au Louvre mais sans passer par les structures académiques de plus en plus décriées. Le système des Beaux Arts est la grande victime de cette rupture.

Alors que les premiers peintres de la modernité au XIXe pouvaient se réclamer de Rubens, de Delacroix, voire d’Ingres, la génération du premier XXe siècle se réclame plus de Van Gogh (cf. exposition hommage de 1901), de Gauguin ou de Cézanne (exposition rétrospective un an après sa mort), voire d’artistes « primitifs » africains, une véritable provocation !

Sur ce dernier point, voir séries d’esquisses et de tableaux de Picasso avant les Demoiselles :

Pablo Picasso Nu a la draperie Paris 1907 huile toile 152×101 cm Ermitage, Saint-Pétersbourg.

Figure totémique aux formes schématiques et motif des stries inspirés de l’art et des masques africains.

V. 4. …Pour amateurs internationaux ouverts à la modernité.

Tout d’abord, les artistes eux-mêmes voyagent de plus en plus, et convergent essentiellement vers Paris, même si d’autres centres existent (: Vienne, Berlin, Munich, Milan).

L’art « national » du XIXe siècle s’oppose désormais un art cosmopolite où les oeuvres et les artistes voyagent comme Gauguin qui traverse le globe à la recherche de son art, les futuristes italiens qui s’installent à Paris aux côtés d’une myriade d’artistes de différentes nationalités.

Si la commande publique ne disparaît pas, c’est de plus en plus vers le monde des amateurs, des marchands, des collectionneurs et des critiques que l’artiste cherche reconnaissance.

Caractéristique est la relation entre Gertrude Stein, Matisse et Picasso. le collectionneuse dépasse la rivalité entre les deux artistes en achetant des oeuvres de l’un et de l’autre.

Le Salon de Gertrude, rue de  Fleurus à Paris. (1906 – 1907)

Gertrude Stein et son portrait par Picasso.

Man Ray 1923 Gertrude Stein and Alice B. Toklas in the Atelier at 27 Rue de Fleurus.

Entre démarches individuelles (Picasso et Modigliani au Bateau-Lavoir) et manifestes collectifs (futurisme) cette effervescence artistique au début du XXe siècle marque une rupture majeure dans l’histoire de l’art occidental d’où sortiront des tendances beaucoup plus radicales remettant en cause les fondements même de l’art occidental, en particulier l’art abstrait (Kandinsky, Kupka), le tableau relief et  les constructions – assemblages de Picasso ainsi que les ready mades de Duchamp.

Bibliographie  :

Philippe Dagen, Françoise Hamon, Histoire de l’Art, Époque contemporaine, Flammarion.

Cachin, Francoise, L’art du XIXe siècle. 1850-1905 Citadelles & Mazenod

Pierre Francastel, Galienne Francastel Histoire de la peinture française, 1990 coll. Médiations, Denoel

Hans Belting, Le chef d’oeuvre invisible, Editions Jacqueline Chambon (2003).

Suite : Qu’est-ce que l’art moderne ?

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