La sculpture gothique tardive : le thème de la déploration ou lamentation.

La sculpture gothique tardive : le thème de la déploration ou lamentation.

Exposé LOPEZ  GARCIA Alba, BUCHHOLTZ Teanna, HIMBERT Tatiana (HK-AL 2020-21).

Diaporama : https://drive.google.com/open?id=1c3XI9Cs6FGIIcUi8qDgTk6Al0jugnRgG2bjS9Nyaue8

Le texte : https://docs.google.com/document/d/1siDaYIVEgarIprM_Q6SEe721nanVYhV-Ykh9_XzuMrE/edit?usp=sharing

Images et quelques extraits de l’ouvrage La Sculpture (sous la dir. de Georges Duby) : https://goo.gl/photos/wz2pn1JsB16EQYyw9

Nicolo dell’Arca : (église Santa Maria della Vita, Bologna) confronter avec Mantegna : Le Christ mort. (images ici)

Guido Mazzoni : Lamentation (voir ici)

– Le pathétique dans d’autres sujets : Donatello (: Descente de croix de la chaire de San Lorenzo (voir images ici), Sainte Madeleine pénitente).

Le Christ de douleur,

la Pietà.

– Élargissement : Expression de la douleur dans la peinture : Giotto, Mantegna : Christ mort. Hans Holbein le Jeune : Le Christ mort (Kunstmuseum de Bâle)

Le « passage du monde médiéval à la Renaissance s’inscrit dans des temporalités différentes entre l’Italie et l’Europe du Nord. Permanences gothiques et syncrétismes stylistiques entre gothique tardif et Renaissance caractérisent la période qui va du XVe au milieu du XVIe siècle et ce des deux côtés des Alpes.

L’exposé de Valentine Schirmer et Laura Studler (HK-ENS 2016-2017) :

https://drive.google.com/file/d/0ByMLcNsCNGb5bWIzcWdOYUZyeXc/view?usp=sharing

https://docs.google.com/document/d/1MesgrgE03VL8kAcEi8IBBy8y3PXLhokfGo9MtS1CNRE/edit?usp=sharing

Les permanences gothiques (images et gros plans sur les visages réunis par Manon Bayard et Sarah Dujonquoy (HK-Lyon 2011)  :

https://docs.google.com/presentation/d/1c3XI9Cs6FGIIcUi8qDgTk6Al0jugnRgG2bjS9Nyaue8/edit

Le thème de la Déploration du Christ et son traitement en Italie et en France est révélateur des permanences gothiques et du passage tardif à la Renaissance notamment en France de la première moitié du XVIe siècle. Par l’expressivité, le caractère dramatique qui arrive parfois jusqu’au paroxysme le traitement plastique de ce thème iconographique est un des sommets de la sculpture européenne au XVe et au XVIe siècles.
Voici l’exposé de Livia Michel, Vicky Buring et Ophélie North (HK-ENS 2014-2015)
Diaporama :
 
Texte (indispensable) :
 
L’exposé doit être complété par les réflexions ci-dessous :
1. La Déploration du Christ.
Sujet particulier car ce moment n’est pas cité dans les Évangiles. L’action se situe entre la descente de croix et la mise au tombeau, elle n’apparaît pas dans les quatre évangiles mais dans un évangile apocryphe. L’iconographie est probablement une création franciscaine (cf. Saint François d’Assise). Quant aux deux personnages masculins qui accompagnent la scène  il s’agit de Joseph d’Arimathie et de Saint Jean. Parfois s’ajoute un troisième Nicodème qui avait aidé à descendre le Christ de la croix.
 
Déploration de Niccolò dell’Arca, Santa Maria della Vita, Bologne 1462 – 1463.
http://www.bluffton.edu/~sullivanm/italy/bologna/pieta/pieta.html
L’iconographie ne change pas. Mais souvent un des protagonistes est représenté sous les traits du commanditaire : Dans le cas de la Déploration de Mazzoni il s’agit d’Alphonse II d’Aragon roi de Naples.
http://www.wga.hu/frames-e.html?/html/m/mazzoni/guido/index.html
Pour élargir :
Un petit article sur l’extraordinaire Christ mort d’Andrea Mantegna (Milan Pinacothèque Brera) ouverutre vers la peinture de la même époque.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Lamentation_sur_le_Christ_mort
Autre article intéressant sur un grand sculpteur lorrain Ligier Richier et son impressionnante Déploration du Christ (avec des anges, c’est une particularité lorraine et champenoise à la Renaissance) de l’église Saint-Etienne à Saint Mihiel (ville de la Meuse, Lorraine.
Les explications de Clémence Despinois (HK-ENS) 2016-2017 :
 
2. Deux manières de représenter la douleur psychique et dévotionnelle : Italie – France
La question stylistique sur les deux tendances contradictoires, expressivité exacerbée ou tristesse retenue, semble indépendante du mouvement de la Renaissance qui part de Florence (Donatello – Ghiberti).
Donatello, père de la ronde-bosse moderne à l’antique et initiateur de la Renaissance, lui même, n’hésite pas à employer le pathos dans des oeuvres comme le maître d’autel de Saint Antoine de Padoue :
Donatello Mise au tombeau 1447-50, marbre 139 x 188 cm Basilique Sant’Antonio, Padoue.
Regarder derrière les hommes qui portent le corps du Christ pour le placer dans le sépulcre,  des femmes libèrent le désespoir dans un expressionnisme démesuré en s’arrachant les cheveux, en écartant les bras et en hurlant. (Une expression emphatique de la douleur psychique qui se prolonge jusqu’à Guernica n’est-ce pas ?).  Même chose dans la Descente de Croix de la chaire Sud de l’église San Lorenzo à Florence du même Donatello.
Le premier artiste en Occident à représenter ce geste de tragédie des bras levés  (le threnos byzantin selon Panofsky hérité de la tragédie grecque) est Giotto  dans la Chapelle Scrovegni à Padoue.
Ce geste pourrait avoir été inspiré par un sarcophage dit de Méléagre (Louvre) :

On voit bien ici le même geste par une des femmes qui pleurent Méléagre mort.
Relief, dit La Mort de Méléagre. II e siècle après J.-C. Marbre, H. : 42 cm. ; L. : 56 cm. ; Pr. : 10 cm. Rome, Collection Borghèse. Louvre
L’histoire de Méléagre : (Dictionnaire héros et mythes de l’Antiquité):
Vasari, qu’on ne peut pas soupçonner de défendre l’art du Moyen Age, dit au XVIe : « Les oeuvres inspirées par la fureur poétique sont les seules vraies et supérieures à celles qui naissent laborieusement ».
L’expression des passions humaines (qu’on qualifie à tort d’expressionnisme ») est dont dans l’air du temps à la fin du Moyen Age. La fureur d’inspiration prend dans ces oeuvres une tonalité pathétique qui n’est pas en contradiction avec l’humanisme et le retour à l’antique. L’emportement et l’agitation des figures est en parfait accord avec la religiosité du temps basée sur l’affectivité (devotio moderna) .
Dans l’ouvrage « La sculpture », Geneviève Bresc-Bautier  et Bernard Ceysson parlent de « déréliction », ce tourment intérieur du sentiment d’abandon, de solitude.

En Italie il peut s’exprimer par l’emphase de la lamentation chez Dell’Arca. Dans un certain sens, on peut dire que la fameuse « terribilità » des figures de Michel-Ange (voir par exemple son puissant Moïse) découle de ce type d’approche très expressive de l’homme (et de la femme…).

En France, et singulièrement en Champagne, il l’est par la tristesse retenue comme celle des belles figures du champenois Maître de Chaource (Mise au tombeau à l’église de Chaource, près de Troyes en Champagne ou à Sainte Madeleine de Troyes voir Catalogue « Le beau XVIe siècle » ici) ou du lorrain Ligier Richier (1500-1567) (Déploration de l’église Saint Étienne à Saint Mihiel dans la Meuse).

Dans le domaine de la représentation de la douleur, l’Antiquité offre deux exemples emblématiques :  groupe sculpté du Laocoon (voir ici) et le « voile de Timanthe » qui posent la question théorique de fond : qu’est-ce que l’art doit-il montrer de la douleur et comment.

L’histoire du peintre Timanthe est emblématique de cette question de sémiotique et d’esthétique.

Le sacrifice d’Iphigénie d’après le célèbre tableau de Timanthe, mosaïque d’après original grec du IVe siècle. Pompéi Ier siècle ap. JC. Péristyle de la maison du poète tragique.

La jeune fille se tient au centre. Ulysse et Diomède l’entraînent de force vers le lieu du sacrifice. A gauche, son père Agamemnon, la tête voilée, affligé, se couvre le visage pour ne pas voir le sacrifice ; à droite, le grand prêtre Calchas, terrifié, hésite. En haut, Artémis accueille sur son nuage la jeune fille sur le dos d’une biche.

Le récit, rapporté par Pline dans Histoires naturelles, est devenu un topos du débat théorique sur l’expression de la douleur.

« (…) Que dirais-je de cet autre peintre non moins célèbre qui présenta le sacrifice si douloureux d’Iphigénie ? Après avoir placé autour de l’autel Calchas l’air abattu, Ulysse consterné, Ménélas poussant des plaintes, il couvrit d’un voile la tête d’Agamemnon : n’était-ce pas avouer que l’art ne saurait exprimer la douleur la plus profonde et la plus amère ? Il nous montre un aruspice, un ami, un frère en pleurs, son tableau est comme mouillé de leurs larmes ; mais il laissa la sensibilité du spectateur mesurer la douleur du père (…)

Valère Maxime, Actions et paroles mémorable.

[…] n’étant pas sûr de pouvoir montrer [la douleur] encore plus grande dans le visage du père en deuil, il fit en sorte qu’il se le couvrît par un drap de lin, à savoir par un morceau de ses vêtements ; cependant, dans cela Timanthe préserva très bien la dignité : car étant Agamemnon le père, il sembla qu’il ne dût pas pouvoir souffrir de voir avec ses propres yeux le meurtre de sa fille.

Lodovico Dolce (humaniste et théoricien de la peinture), Dialogo della pittura [] dit l’Aretino, Venise, appresso Gabriel Giolito de’ Ferrari, 1557

Préserver la dignité en distribuant la douleur par degrés deviendra une des règles canoniques de la représentation de ce thème.

AInsi l’ANtiquité fournit non seulement l’iconographie, le choix des sujets représentés, mais offre également matière à réflexion sur la manière de les représenter. C’est de ces lectures des textes antiques que va se nourrir toute la réflexion esthétique que mettreont en oeuvre les académies.

C’est ce qu’avait réalisé Konrad Witz :

Konrad Witz (cercle) Pieta?, vers 1440, tempera et huile sur toile, 33×45 cm, The frick Collection, New York.

D’autres évoquent le savoir-faire de Timanthe parce qui aurait épuisé les « types » de représentation de douleur et d’affliction avec Ulysse, Ménélas et Kalchas ou le fait que Timanthe était « incapable de rendre dignement la douleur du père ». D’autres parce que l’art est impuissant face à la douleur extrême, celle d’un père qui doit sacrifier sa fille.

Dans le cas de la Vierge, des critiques s’expriment au XVIIe siècle par des religieux ou même des artistes comme le hollandais Van Hoogstraten (élève de Rembrandt) qui cite ici l‘évêque d’Utrecht : c’est ici. Lire sur deux pages  le Pathos est en effet proscrit au nom de la dignité d’une Mère qui, quoique touchée au plus profond de son cœur par les douleurs infligées au Fils de Dieu, elle endurait « sans trouble et dans une entière tranquillité ». L’image dite de la « Pâmoison de la Vierge » si courante, notamment dans l’explosion du dolorisme christique du  XVe, encore au siècle du baroque, est dénoncée au nom de la dignité.

Ligier Richier (1500-1567)., Pâmoison de la Vierge soutenue par Saint Jean, Groupe en noyer (faisant partie d’une Crucifixion perdue), 1531. Eglise abbatiale Saint-Michel de Saint-Mihiel.

4. Les premiers sculpteurs français de la Renaissance (ou plutôt du maniérisme)
Pour voir le basculement total dans le style de la Renaissance en France, il faut aller du côté de Jean Goujon (né vers 1510 mort vers 1565 à Bologne), un des plus grands du XVIe siècle français, et de son bas-relief de la Déploration du Christ qui, avec les quatre évangélistes, décorait le jubé de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois à Paris (face au Louvre) conçue par Pierre Lescot en forme d’Arc de triomphe et détruite en 1745.
Goujon, Jean France, Musée du Louvre, Département des Sculptures du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes, MR 1731 – https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010091940 – https://collections.louvre.fr/CGU
Lamentation (ou déploration) du Christ mort.
En réalité le gothique tardif (qui se prolonge en France jusqu’au Maître de Chaource au début du XVIe siècle) suit des directions différentes avant que le modèle de la Renaissance italienne ne s’impose en Europe. Les influences circulent grâce aux marchands, un commerce des oeuvres existe même entre l’Italie du Nord, le monde germanique, les Pays-Bas et la France.
Par ailleurs, le mouvement de la nouvelle piété et dévotion parties de l’Allemagne du Sud (la devotio moderna) dès la fin du XIVe siècle et diffusé dans tout l’Occident favorise de telles représentations des sentiments. N’oubliez pas la pratique des Mystères et du Théâtre sacré et des « tableaux vivants » exprimant la nouvelle manière de rapprocher les fidèles du sacré.
J’ai scanné quelques pages tirées de l’ouvrage « La Sculpture » (CDI)  sur le sujet (notamment sur le contexte liturgique et dévotionnel

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