Dissertation n1 Rembrandt un hérétique en peinture ?

Dissertation n1 Rembrandt un hérétique en peinture ?

Eleve de Rembrandt Artiste peignant un vieil homme plume encre brune brosse 9x14cm Paris Institut neerlandais

Elève de Rembrandt, Artiste peignant un vieil homme, plume à l’encre brune et brosse, 9x14cm Paris Institut néerlandais

Voici le sujet de dissertation à rendre (soit manuscrite soit dactylographiée par mail) pour la rentrée de novembre (mardi12/11).

« Le grand Rembrandt n’a suivi ni Titien, ni van Dyck,
Ni Michel-Ange, ni Raphaël
Mais il a préféré s’illustrer dans le vagabondage
Pour être le premier hérétique en peinture(…)
C’est une honte pour l’Art
Qu’une main si bonne
N’ait pas fait meilleur usage de ses dons innés (…)
Hélas plus noble est l’esprit, plus il  court librement
S’il ne bâtit pas sur des fondements communs et s’il ne reconnaît pas les règles
Mais qu’il essaie de tout découvrir par lui même
. »

Gérard de Lairesse (1640-1711, peintre qui a connu Rembrandt vers la fin de sa vie). Un des plus grands représentants de la peinture académique aux Pays-Bas (allégories, mythologie et histoire e l’Antiquité…). Devenu aveugle, il rédige des traités du dessin et de la peinture (« Le Grand livre de la Peinture » en 1707) où il fait l’éloge de Poussin tout en fustigeant Rembrandt « prêt à laisser ruisseler les couleurs le long de sa toile comme des excréments ». il fut également un grand graveur d’illustrations de livres littéraires.

Pour bien traiter le sujet, il faut que vous vous documentiez sur la technique de Rembrandt. Je vous donnerai des photocopies (Laneyrie-Dagen chapitre la technique de Rembrandt p. 50-57) ) une  lecture de l’introduction et de la conclusion du livre d’Anne Challard-Filaudeau « Rembrandt au fil des textes ». La lecture doit être plus attentive pour la partie consacrée aux contemporains de Rembrandt (Sandrart, Hoogstraten, Léraisse).

Pour un condensé des écrits sur Rembrandt on peut voir aussi du côté du site de l’Encyclopédie de l’Agora :

http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Rembrandt

A la fin du Mazenod il y a aussi deux pages de citations sur Rembrandt. L’introduction et la conclusion du Wright dans le Mazenod, de Svetlana Alpers ainsi que l’ouvrage « Dans l’Atelier de Rembrandt » de Jan Blanc peuvent donner des éléments de réponse.

Commentaire.

Le sujet demande à réfléchir sur l’originalité de la démarche picturale de Rembrandt et sur sa réception mélange d’admiration et de répulsion. « Hérétique en peinture » (l’était-il vraiment ?), artiste aux « dons innés » qui veut « tout découvrir par lui même » voici quelques éléments à discuter et à développer. Entre héritages et  invention il s’agit de caractériser l’art de Rembrandt dans toutes ses composantes et de le situer dans le contexte artistique de son époque.

Bon courage

Emmanuel Noussis

Quelques réflexions complémentaires après la correction :
Le sujet permettait d’aborder l’ensemble de l’œuvre de R. dans sa composante technique mais aussi dans ses pratiques d’atelier, et sa place dans la création artistique des Provinces Unies (voir plus largement de la peinture européenne du XVIIe).

La critique dans un style poétique de Lairesse est tout à fait caractéristique du regard porté sur la « maniera » Rembrandt à l’origine du mythe Rembrandt. Elle est aussi typique de la vision de l’art de la peinture : le bon peintre est celui qui copie les maîtres. L’imitation doit l’emporter sur l’invention, la tradition sur la rupture. Rembrandt un « anti-Raphaël » ? Le terme d ‘hérétique invite à rappeler les « règles » académiques érigées en doctrine canonique (d’où l’expression « hérétique »).
Peinture d’histoire (le grand genre), manière lisse (fijnschilder), peinture claire, perfection qui masque tout le  travail manuel de l’artiste (donnant  l’impression de facilité -> Raphaël). C’est de prime abord tout ce que semble récuser Rembrandt. A l’ars que les grands peintres italiens ont laborieusement conquis au XVe siècle il semble préférer la technè aristotélicienne. Les empâtements marqués de ses dernières années sont là pour expliquer l’opinion de Lairesse. Mais cette technique lui était-elle vraiment propre ? Dans quelle mesure n’a-t-elle pas contribué aussi au mythe Rembrandt dès son vivant ? D’autres peintres comme Frans Hals, portraitiste réputé,  ont suivi une évolution analogue.

Mais la comparaison avec Van Dyck prend aussi une dimension sociale en se référant à la carrière de l’artiste. Van Dyck est le peintre réussi par excellence côtoyant les grands mécènes, installé à demeure dans la cour d’Angleterre, comme l’avaient fait avant lui Titien avec l’empereur Charles Quint et Philippe II roi d’Espagne, Michel Ange et Raphaël dans la cour pontificale de Jules II et de Léon X.  C’est justement cette idée de rupture avec l’héritage de la Renaissance qu’il fallait discuter, d’autant plus que les mêmes arguments ont servi également aux adversaires du classicisme quand au XIXe siècle Rembrandt devient l’archétype du « peintre maudit » artiste libre et incompris.

Dans la mesure où il s’agit de discuter une affirmation, un plan dialectique est le plus simple.

Qu’est-ce qui dans l’art de peindre de Rembrandt a pu heurter les tenants dela peinture académique ? La gravure est implicitement exclue du sujet même si on doit y faire ponctuellement référence en particulier pour sa faculté de jouer avec les nuances de lumière, de texture, sa faculté de saisir la vie, les instants dramatiques, l’émotion) . Couleur, lumière, touche, iconographie doivent être évoquées dans un développement qui doit aussi tenir compte de l’évolution de sa technique.

Cependant, Rembrandt est un peintre aux dons « innés ». Une allusion au génie propre de l’artiste. Ce qui a fait qu’à un moment il a été admiré. (Huyguens, portraits, oeuvres bibliques des années 30). Sa voie n’était pas si « libre que cela ». Il a dès ses débuts cherché à se positionner par rapport à ses maîtres et d’autres grands peintres y compris italiens (je pense en particulier à Raphaël, à Titien ou à des artistes d’Europe du nord (Rubens, Elsheimer…) mais en ayant toujours l’intention de s’en démarquer soit par sa technique particulière soit par des des détails iconographiques (pensez aux autoportraits).

Enfin, la postérité montre qu’il faut sortir de cette vision de « peintre maudit »  qu’utilisaient à la fois ses détracteurs académiques (de Lairesse est le plus violent mais il n’est pas  le seul, pensons à )  et ses admirateurs qui voient en lui le précurseur de la modernité. Il n’est bien sûr ni l’un ni l’autre. Il n’a cessé d’accueillir des jeunes peintres dans son atelier, malgré la baisse des commandes à la fin de sa vie. Son influence, quoi qu’en dise Lairesse a été immense. Des amateurs d’art ont admiré ses tableaux et encore plus ses gravures qui ont donné naissance au premier catalogue raisonné de l’histoire de l’art.

Le choix des oeuvres était bien sûr libre. Dans un sujet aussi vaste on peut s’appuyer sur plusieurs oeuvres caractéristiques de son art.

En annexe, voici comment l’historiographie rembranienne récente  considère la place de Rembrandt dans l’art de son temps. (notes d’après Svetlana Alpers, L’atelier de Rembrandt.)

Jan Emmens, spécialiste hollandais de R. dans les années 1960 publie le premier ouvrage qui rompt avec l’image anachronique héritée du XIXe d’un génie incompris et solitaire qui se tourne vers l’intériorité à mi-carrière face au rejet de son œuvre par les mécènes et amateurs d’art.
Il s’en prend au « mythe Rembrandt » du XIXe quand la rupture avec le classicisme a fait reprendre par ses opposants (romantiques, préraphaéliets) les mêmes arguments que les défenseurs de celui-ci au XVIIe siècle (dont bien sûr Gérard de Lairesse) rejetant l’art de Rembrandt comme non conforme au canon esthétique de l’académisme.
D’autres auteurs « classicistes » voyaient en lui un peintre caractéristique d’une époque « préclassique » cherchant non pas à le différencier mais plutôt à le rapprocher d’autres artistes de son temps.
Mais Emmens, après une étude théorique approfondie, arrive à la conclusion que Rembrandt appartient à une approche « préclassique » de la peinture, donc non fondée sur une théorie de l’art. La peinture dans ce cas est, conformément à  la conception aristotélicienne, une technè et un inné  à la fois (exercitatio et ingenium) et non pas un ars.
Partant de ce travail fondateur, deux écoles se sont opposées : la première de Hessel Miedema qui affirme que derrière l’apparent empirisme de la peinture de Rembrandt il y a une théorie de l’art. Et celle-ci nous pouvons la chercher dans ce qui a été écrit sur lui (y compris dans le genre vasarien des Vite ) comme chez les détracteurs de Rembrandt qui le comparaient aux théories classiques de l’art pour mieux le critiquer.
Si cette première voie donnait un crédit excessif aux textes, la deuxième les ignorait au profit du tableau. Depuis 1969, le Rembrandt Research Project s’efforce à définir une fois pour toutes l’œuvre de Rembrandt. Procédant à une description et une interprétation minutieuse des œuvres (à l’image du travail du maître sur la couleur), les historiens de l’art hollandais affirment qu’une bonne  partie des chefs d’œuvre qui lui étaient attribués sot en réalité des œuvres d’atelier. En réalité, ce que ce travail met en évidence, c’est la diffusion et l’influence de la manière de peindre de Rembrandt qui dépasse largement son œuvre autographe.
En effet, il était le peintre le plus influent de son époque en Hollande. Sa technique de la touche épaisse, non seulement n’était pas « exceptionnelle » mais, bien au contraire, très répandue. La surface peinte par Rembrandt est caractéristique de la peinture hollandaise du XVIIe.

Ces deux approches sont finalement caractéristiques de la démarche de tout historien de l’art. Mais une troisième approche du maître est celle d’une reconsidération de sa vie. Gary Schwartz a étudié avec minutie l’entourage de R., ses mécènes, ses clients, l’histoire de  sa famille. Cet éclairage, pour intéressant qu’il soi, débouche sur la conclusion que Rembrandt a été un « raté de l’école latine », un frustré de la reconnaissance sociale. R. a-t-il été un Rubens ou un Van Dyck raté ? Les relations difficiles avec les commanditaires et sa dépendance du marché ont-ils été la cause de son échec ? Mais comment expliquer la profusion de gravures, de dessins souvent oubliés ?
Svetlana Alpers affirme le contraire. En entrant dans l’œuvre par le biais de l’atelier, elle démontre que la réussite de R. se reflète dans la maîtrise remarquable sur la production de son atelier et dans la création dune « valeur Rembrandt » sur le marché des œuvres d’art.

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