Croquis d’un voyage
à travers le roman Soie d’Alessandro Baricco …
Je m’inquiète, ces derniers temps les œufs, mis à l’incubation comme à l’ordinaire, n’éclosent plus ou ne donnaient naissance qu’à des vers languissants, dont la plupart disparaissaient peu à peu. Je pense demander conseil à mon ami Baldabiou qui m’a autrefois mis sur la voie.
« Aux premiers jours de mai, les œufs s’ouvraient, libérant une larve qui, après trente jours d’alimentation forcenée à base de feuilles de murier, travaillait à se réenfermer dans un cocon, pour s’en évader ensuite définitivement deux semaines plus tard en laissant derrière elle un patrimoine équivalant en fil à mille mètres de soie grège et en argent à une quantité considérable de francs français […]. »
Ce que je préfère au café de Verdun ce sont les lumières dans la pénombre lorsque je quitte tard le café, les dernières lumières guidant mes pas et mes pensées, m’accompagnant dans les tourments comme dans les moments de joie.
« Nuit d’aout, passé minuit. A cette heure-là, d’habitude Verdun avait déjà fermé depuis longtemps. Les chaises étaient renversées, alignées, sur les tables. Son comptoir, il l’avait nettoyé, et le reste aussi. Il n’avait plus qu’à éteindre les lumières, et à fermer. »
La structure des locomotives m’intrigue et me fascine, le génie humain atteint de telles prouesses que nous sommes aujourd’hui capable de parcourir de nombreux kilomètres en très peu de temps. C’est une avancée exceptionnelle et c’est grâce à elle que je peux aujourd’hui me déplacer aussi rapidement. Je ne me lasserai jamais de dessiner de telles prouesses techniques mêlant l’artistique à la technique.
« Il passa la frontière près de Metz, traversa le Wurtemberg et la Bavière, pénétra en Autriche, atteignit par le train Vienne puis Budapest et poursuivit jusqu’à Kiev. »
La quiétude de ce lieu m’inspire un vent léger me porte des odeurs nouvelles, la simplicité de vie des habitants me fait ressentir une certaine forme de paix intérieure, la brume mystérieuse semble arrêter le temps, se déversant tranquillement sur les habitations environnantes.
« A pied, en empruntant des routes secondaires, il traversa les provinces d’Ishikawa, Toyama, Niigata, pénétra dans celle de Fukushima et arriva près de la ville de Shirakawa, qu’il contourna par l’est, puis attendit pendant deux jours un homme […]. »
Je n’ai osé toucher cette tasse pendant de longues minutes me contentant de la contempler, gravant dans mon esprit l’endroit exact touché par ses lèvres.
« Lentement, elle la tourna jusqu’à avoir sous ses lèvres l’endroit exact ou il avait bu. […] Elle écarta la tasse de ses lèvres. La replaça doucement là ou elle l’avait prise. »
Sa robe semble ne faire qu’un avec le vent, ses cheveux lâchés ondulant tel les doux remous du lac lui faisant face. Le regard lointain, perdu je n’ose m’approcher plus.
« On voyait un lac une trentaine de mètres plus bas. Et sur la rive de ce lac, accroupis sur le sol, dos tourné, Hara Kei et une femme vêtue d’une robe orange, les cheveux dénoués aux épaules. »
La beauté de ces paysages me saisit à chaque instant je ne peux retranscrire la magie qui s’opère face à moi chaque fois que le soleil se lève et chaque fois qu’il se couche disparaissant derrière les montagnes pour faire place à la nuit et sa brume dévalant les plaines pour se déverser tranquillement sur les lacs.
« La vie bourdonnait à mi-voix, elle bougeait avec une lenteur pleine de ruse, comme un animal traqué dans sa tanière. Le monde semblait à des siècles de là. »
Sa solitude m’inspire, cet homme simple toujours vêtu de noir semble constamment enveloppé dans un voile de solitude. C’est comme s’il attendait quelque chose, son lien avec la nature est remarquable et profond, le vol des oiseaux semble guider chacun de ses pas et leurs battements d’ailes léger est semblable à la démarche lente d’Hara Kei.
« Ils gravirent ensemble le flanc de la colline, avant d’arriver dans une clairière ou le ciel était comme sillonné par le vol de dizaines d’oiseaux aux grandes ailes bleues.[…] Hara Kei continua de marcher, d’un pas lent auquel ne s’attachait aucune fatigue. Autour de lui, il y avait le silence le plus absolu, et le vide. Comme par une injonction particulière, ou qu’il aille, cet homme allait dans une solitude inconditionnelle et parfaite. »
La grâce de ces oiseaux est saisissante, leur vol me captive comme une danse enivrante dont il serait impossible de détourner le regard, la majesté de leur plumage semble ne faire qu’un avec l’environnement dans lequel ils évoluent. Il est difficile pour moi de décrire et dépeindre avec exactitude la beauté de ce spectacle tellement il est saisissant, c’est en les regardant voler que l’on prend pleinement conscience de notre nature humaine et à quel point nous sommes insignifiant face au spectacle et à la beauté de la nature.
« Les oiseaux volaient avec lenteur, montant dans le ciel puis redescendant, comme s’ils avaient voulu l’effacer, méticuleusement, avec leurs ailes. »
Sa beauté est saisissante, comme figée dans le temps tranchant avec son regard assuré, le regard d’une femme ayant connu mille et une guerres. C’est en la contemplant que je comprends pourquoi tant d’hommes se pressent pour venir la voir.
« Madame Blanche était assise dans un grand fauteuil, non loin de la fenêtre. Elle était vêtue d’un kimono fait d’une étoffe légère: entièrement blanc. A ses doigts, comme autant de bagues, elle portait des petites fleurs d’un bleu intense. »
Le dernier regard lancé par Hara Kei me suivra toute ma vie, c’était le regard non pas d’un homme mais celui d’un sage, d’un chef sur les épaules duquel pesait à présent la vie et l’avenir des habitants du village, un regard m’incitant à retourner vers une vie de paix, une vie qui était à présent derrière lui.
« Il sentit ces sons s’éloigner, le canon du fusil s’écarter, et la voix d’Hara Kei dire doucement – Allez-vous-en, Français. Et ne revenez plus jamais. »
