Aller au contenu

De : soleimanvoyage@gmail.com

À : jamalbrother@gmail.com

Objet : Mon dernier courriel

Date : 8 janvier 2007

Salut Jamal. Comment vas-tu ? Moi, ça va. Je m’en suis bien sortie. Je pense à toi tous les jours tu sais. Je parle de toi à Boubakar de temps en temps. Bien sûr je ne lui fais savoir que le meilleur de toi. Je suis certain que tu l’apprécierais. Il est celui qui m’a aidé le premier quand tout allait mal. Mais tout va bien maintenant, tu n’as pas à t’inquiéter. Je suis sain est sauf de l’autre côté, comme tu me l’avais demandé.

Il y a eu des hauts et des bas pendant mon voyage. Des choses que je n’ai pas envie de te raconter pour ne pas t’effrayer. Mais sache que j’ai réussi. C’est d’une part grâce à toi mon frère. Tu m’as donné la force de continuer, de ne pas abandonner et de tout faire pour atteindre mon objectif. Même le pire. C’est aussi grâce à Boubakar et les autres migrants qui nous accompagnaient. Ils ne le savent peut-être pas mais… ils m’ont sauvé la vie. À plus d’un titre. Je ne les remercierai jamais assez pour m’avoir offert un tel cadeau. Et tu ne me croiras peut-être pas mais je l’ai rencontré…je lui ai même donné ton collier de perles vertes. Tu ne m’en veux pas j’espère ? Je suis sûr que Massambalo en prendra soin. J’étais au plus bas avant de le rencontrer tu sais ? Mais quand je l’ai aperçu, seul au milieu de ce groupe, j’ai eu une pensée pour toi. Me disant que c’était peut-être toi qui me l’avait envoyé. Au fond je ne sais pas vraiment si cela est vrai. J’étais sûrement devenu à moitié fou après tous mes périples. Bref…tout cela importe peu mais…je voulais tout de même te remercier. Au cas où il fut véritablement face à moi grâce à toi.

Tu sais… il m’est parfois arrivé de me demander ce que toi tu aurais fait. Si tu n’avais pas attrapé cette maladie, qu’aurais-tu fait ? Si elle ne t’avait pas empêché de venir avec moi, l’aurais-tu fait ? Est-ce que toi aussi tu aurais été capable des pires atrocités pour survivre ? Toutes ces questions tournent en boucle dans ma tête chaque matin quand je me réveille et chaque soir quand je m’endors. Sans jamais qu’aucune réponse ne leur en soit donnée.

Je repense à tout dans les moindres détails aussi. À notre vie d’avant, avec maman, au village. Je pense au jour où j’ai dû lâcher ta main pour la première et dernière fois de ma vie. Ce jour où ta maladie l’a emporté sur la vie. Je sais que tu ne le souhaitais pas. Je l’ai lu dans tes yeux. Mais ce jour-là, quand tu as fait marche arrière, tu as emporté une partie de mon cœur et de mon âme avec toi.

J’ai beaucoup réfléchi après ton départ. Et j’ai pris une décision capitale. La vie que j’ai décidé de mener t’appartient. C’est toi le moteur de mon histoire. Tu n’es pas ici avec moi. Mais tu restes dans mon cœur pour toujours. C’est pour toi que je me suis battu. C’est pour toi et cette liberté que tu voulais tant que j’ai appris à ne pas lâcher prise, que j’ai continué, que je n’ai pas abandonné. Je sais très bien ce que tu vas dire… je sais que cette liberté, tu la possèdes toi aussi. Et ce depuis le jour où tu m’as quitté. Mais j’aime l’idée de me battre pour nous deux. Pour toi et moi, des frères d’armes qui se sont tout promis mais qui ne tiendront pas ces promesses.

Puis-je te poser une question ? As-tu déjà entendu parler de l’Eldorado ? Certains disent que c’est un paradis. Le crois-tu ? Pour tout te dire je ne sais quoi en penser moi-même. En vérité si, je sais. Tu es mon Eldorado, mon frère. J’ai beau ne pas encore avoir connu la mort, je sais ce qu’il se passera ensuite. Je te rejoindrai tout simplement. S’il faut te chercher je le ferais. S’il faut traverser l’enfer, je courrai te rejoindre. Je serais prêt à tout pour toi. N’oublie jamais Jamal, tu es mon Eldorado.

J’espère que je te manque même de la où tu te trouves. Que toi aussi, tu ne m’oublies pas, que tu penses à moi chaque jour. Je ne t’oublie pas Jamal. Je vis pour toi. Peut-être se reverra-t-on ? En tout cas je l’espère. Je prie pour te revoir au moins une fois.

Je ne sais si ce mail te parviendra. Partons du principe que oui. Quand le tu liras je serais loin. Mais tu resteras près de moi à jamais.

Je vais bien mon frère. Car tu le sais…tant que nous serons deux, tout sera bien.

Ton frère qui t’aime,

Bien à toi Soleiman.

Image créée avec l’Intelligence Artificielle Craiyon.

1 commentaire pour “E-MAIL DE SOLEIMAN A JAMAL”

  1. Mon coeur !
    Je t’assure qu’il a tremblé pour ton texte. Il est doux, si plein d’espérances et rempli d’émotions, comme une grosse éponge que l’on aurait jeté à la mer ; mais je sais que cette éponge ne se videra jamais de ses sentiments. Cette éponge-ci n’est pas un nuage : les émotions qui y sont exprimées ne peuvent s’écouler de tes mots ; car elles sont là, c’est un fait.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

buy windows 11 pro test ediyorum