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LETTRE DE TOBIE À DÉBORAH 3/4

Des années. C’est le temps qui s’est écoulé depuis ton départ. Et pourtant, j’ai l’impression que tu es toujours là.

Tu sais, quand tu m’as amené au bord du Mignon les jours précédant ton décès, je t’ai observé comme je ne l’avais jamais fait auparavant. Je remarquais pour la première fois chaque trait de ton visage. Ce visage si doux qui connut tant de chagrins et ces yeux qui laissèrent s’échapper tant de larmes… je n’y ai pas prêté attention assez tôt. Je prends conscience maintenant de toutes les questions sans réponses que tu m’as laissées et je ne peux en vouloir qu’à moi-même. Je repense souvent à toutes les épreuves que tu as endurées tout au long de ta vie, je me demande comment tu as fait pour y survivre. La perte de maman et la tienne sont pour moi insurmontables, insupportables. Comment as-tu fait pour survivre, toi ? Toi qui a vu l’océan te prendre ta famille, toi qui n’a jamais vu ton mari te revenir, toi qui a perdu tes filles. Si j’avais ne serait-ce que le quart de ton courage, je serai un homme prêt à affronter ciel et terre. Tu n’as peut-être pas répondu à toutes mes questions mais je vois ton silence comme une quête que je dois poursuivre, comme un coffre à trésors que je dois découvrir…

Depuis ton départ, j’ai beaucoup grandi tu sais… Je suis parti en voyage avec mon ami Raphaël. Mon père m’a demandé d’aller jusqu’à Bordeaux pour régler une de ses affaires. Sur notre chemin, nous avons fait la rencontre d’une jeune fille à la beauté divine. Sarra n’avait rien d’ordinaire, un sort lui avait été jeté mais tu sais qu’il en faut plus pour m’effrayer. Sarra était terrifiée d’elle-même, apeurée de son pouvoir non réclamé : elle donnait la mort à chaque jeune homme qui venait s’approcher trop près de son cœur.

Mais, tu le sais bien, la mort ne m’est plus inconnue. Elle ne m’est plus inconnue depuis qu’elle est venue te chercher toi ainsi que ma mère. Sarra était peut-être effrayée par son reflet mais moi j’étais émerveillée de sa beauté. J’ose espérer que tu l’aurais apprécié si seulement tu étais encore à mes côtés. Je vais te rendre visite de temps à autre, j’observe les hélianthes qui jaillissent du sol comme pour témoigner de ta présence. Je sais que tu n’es pas loin, tu restes tout près de moi pour me protéger comme tu aurais aimé qu’on le fasse pour toi dans les moments difficiles.

Mais ne t’en fais pas pour moi, tout ira bien. Je suis toujours accompagné de mon fidèle compagnon à 4 pattes, il ne me quitte jamais ! Je t’ai aussi parlé de Raphaël quelques lignes plus haut… mais ces quelques mots ne peuvent pas témoigner de la gratitude que j’éprouve envers lui. Tu sais bien que je n’ai jamais eu beaucoup d’amis, je ne me suis jamais senti très proche des autres enfants de ma classe. Mais avec Raphaël… c’était différent. C’est comme si notre rencontre, qui fut le fruit du hasard, était tout de même programmée. C’est grâce à lui que j’ai pu rencontrer Sarra, c’est grâce à Raphaël que mon père a retrouvé la paix. Car oui, c’est Raphaël qui a retrouvé l’esprit perdu de ma mère. Je lui en serai éternellement reconnaissant. Pour te dire la vérité, Raphaël me fait beaucoup penser à toi. Il m’a aidé et guidé comme tu as pu le faire quand tu étais encore à mes côtés. Et puis, comme toi, il a fini par disparaître en l’espace d’un instant. 

Je t’écris cette lettre en sachant parfaitement que tu ne liras jamais ces mots. Mais je la déposerai tout de même près des hélianthes jaunes, là où tu reposes. Je sais que tu es tout près mais il est temps que tu te reposes. Je reviendrais te voir bientôt.

Merci pour tout,

Tobie

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