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MAIL DE SOLEIMAN A BOUBAKAR

 

 

De : Soleiman 
CC : Boubakar
Objet : Lettre de bonne année 
Date : 01/01/2007

       

      Bonjour Boubakar, 

J’espère que tu vas bien. Cela fait maintenant 1 mois que nous ne nous sommes pas vus et que nous n’avons pas pris le temps de nous parler et aujourd’hui, nous commençons une nouvelle année et je trouvais important de venir prendre de tes nouvelles pour de nombreuses raisons : 

Tout d’abord, nous nous sommes rencontrés lorsque je me suis fait voler tout mon argent que mon cher frère m’avait donné pour pouvoir passer la frontière et commencer une nouvelle vie. J’étais désespéré à l’idée d’avoir perdu ce bien qui m’étais très précieux pour pouvoir commencer une nouvelle vie. Mais je n’étais pas le seul à m’être fait dépouiller et battre, toi aussi. Après avoir échangé une discussion, tu m’as gentiment proposé de venir avec toi, t’accompagner dans ce périple de ta vie depuis 7 longues années. J’ai donc accepté et je me souviens encore de « la première fois où tu t’es relevé et que tu as commencé à marcher. Je t’ai vu boiter, et je me souviens avoir rigolé, non pas du fait que tu boites, mais de me dire qu’un boiteux et un homme tabassé marche vers l’Algérie, le Maroc et l’Espagne, sans rien sur le dos, sans eau, sans nourriture, sans carte, je n’avais plus d’argent ni de force.  Mais je t’ai suivi.” (1) “Arrivée devant le camion, je n’avais rien pour payer, mais tu a pris l’initiative, seul, sans m’en parler de payer pour nous. Sans rien me demander en retour alors que j’aurai pourtant trouvé normal que tu montes dans le camion seul et que tu me laisses derrière toi. En plus, je pensais qu’il ne te restait plus d’argent, que toi aussi comme moi tu t’étais fait dépouiller.” (2)

Nous avons donc fait le voyage ensemble, quand “j’ai vu, lorsque j’étais dans la ville de Ghardaïa, les policiers, j’ai tout de suite compris qu’il y aurait un assaut de prévu pour nous. J’ai immédiatement su que je devais retourner au camp pour te prévenir. Pendant la nuit, j’ai vu les phares des voitures et j’ai entendu leurs cris, j’ai donc compris qu’ils étaient là et que nous n’avions pas une seconde à perdre. Ils frappaient et lançaient leurs chiens pour nous débusquer comme du gibier. Puis ils mirent le feu, c’était une horreur. La panique était présente. Et c’est toi, Boubakar qui m’a sauvé, encore une fois, tu étais là pour moi. Tu as insisté pour que nous quittions la forêt. Cela me paraissait aberrant. Mais tu avais raison car c’est la forêt qui les intéressait. Nous avons couru comme des rats pendant la nuit. J’avais peur mais je savais que je pouvais compter sur toi, mon ami. Je me souviens m’être dit que je resterai avec toi quoi qu’il advienne. J’avais confiance en toi plus qu’en quiconque. Les autres te trouvaient bizarre mais moi je savais qui tu étais, tu étais l’homme qui avait survécu pendant 7 ans.” (3)

“Une fois que nous étions arrivés au camp, l’alarme avait déjà été donné, “les marocains sont de retour !” Les chefs du camp se sont réunis pour prendre une décision sur ce qu’il fallait faire et ils ont décidé de passer.” (4)  Le grand jour était arrivé. J’avais peur mais hâte que ce cauchemar se termine. “En effet, le but était de les prendre de vitesse. Nous avons essayé de passer le lendemain soir. Je me souviens m’être inquiété pour toi lorsque tu m’as dit que tu allais courir, avec ta jambe en vrac. Je voyais ça comme de la folie, mais toi tu y croyais. Nous avons ensuite construit des échelles pour pouvoir passer de l’autre côté de la barrière.” (5)“Nous avons attendu la nuit, et pendant cette fameuse nuit, je t’ai menti, je t’ai promis quelque chose que je ne comptais pas faire et que je n’ai pas tenu. Tu m’as demandé de courir le plus vite possible, de ne pas m’occuper de toi. Je ne voulais pas répondre. Ce que tu me demandais était horrible car nous avions passé énormément de temps ensemble, plusieurs mois. Je devais ne pas me soucier d’un homme qui m’a aidé, qui sans lui, je ne serai jamais monté dans ce camion par manque d’argent ? Non, cela m’était inconcevable, j’ai finalement acquiescé lorsque tu m’as dit : “Si tu tombes Soleiman, ne compte pas sur moi pour revenir sur mes pas. C’est fini. Chacun court. Nous sommes seuls, tu m’entends”. J’ai donc promis, promis d’oublier que cela faisait 8 mois que tu veillais sur moi.” (6)

 “Vers 3 heures du matin, l’attaque était lancée. J’ai couru si vite, j’ai grimpé si vite et je t’ai vu. Je t’ai vu sur une échelle, à quelques mètres de moi. Tu étais accroché aux barbelés.  J’ai vu des assaillants, sous toi, commençaient à hurler, ils voulaient te faire tomber et que tu cèdes ta place. Je n’ai pas réfléchi, je suis descendu vers ta direction pour t’aider. Une fois que je t’ai décroché des barbelés, je t’ai hurlé de te dépêcher. Puis nous sommes arrivés tous les deux au sommet. J’ai tiré ta jambe pour la faire passer de l’autre côté du grillage pour ensuite que nous descendions et que nous arrivions sur cette nouvelle terre que nous avons tant attendu.” (7) “Il nous restait ensuite un dernier grillage. Entre les deux grilles, ce n’était que cris et bagarre pour tenir debout.” (8) “Soudain, j’ai vu une brèche dans la grille, une occasion parfaite pour passer. Tu es passé en premier puis c’était à mon tour. Les barbelés nous griffaient de partout, nous faisait super mal, et je me souviens qu’ils m’ont labouré la chair des os du dos. Enfin, nous voilà de l’autre côté. Tu t’es mis à pleuré, après 7 années de torture, à tout faire pour passer sur cette nouvelle terres, tu avais réussi, nous avions réussi ! Je me suis évanoui tellement j’avais enduré des choses, et que je n’en revenais pas d’être passé de l’autre côté.” (9)

Aujourd’hui, nous voila dans ce nouveau monde, fiers, heureux, et épanoui. Je te dis merci, car sans toi je n’aurais pas réussi à trouver un camion, je n’aurais probablement pas réussi à survivre mais tu as été là, du début à la fin, et je ,e t’en remercierai jamais assez. Ce voyage a été dur et épuisant mais nous en sommes sortis plus fort, nous avons vu l’horreur, la méchanceté de l’homme, vécu les conditions de vies difficiles, la perte d’argent. Mais nous avons réussi ! Ce voyage nous aura permis de vivre de nombreuses choses difficiles, qui nous ont marqué à vie, mais grâce à ce voyage nous avons une nouvelle vie devant nous. Nous sommes plus forts que nous l’étions au début du voyage. Nous compatissons et pensons aux personnes qui n’ont pas réussi, ce jour là, à passer. Nous leur souhaitons bien du courage et je leur souhaite tout particulièrement de trouver une personne comme toi, Boubakar. Une personne qui a su me redonner de l’espoir quand j’avais tout perdu, qui m’a sauvé bien de nombreuses fois, et qui a toujours été là pour moi. 

C’est notre première année dans un pays dont nous rêvions tant et je ne peux m’empêcher de penser à toi et d’avoir un pincement au cœur de ne pas te voir. C’est pour toutes ces raisons que je te dédie ce mail, et que je reprends contact avec toi car je ne veux pas perdre un si bel ami. Nous devons nous revoir ! Après l’eldorado, ce voyage vers ce monde fabuleux, plein de délices et de richesses, avec des conditions de vie plus qu’agréables pour nous. Un voyage qui nous a transformés, qui nous a cultivés, qui nous a inculqués de nombreuses choses. Nous devons nous revoir ! 

Je te souhaite une bonne année, une bonne santé, et plein de nouvelles bonnes choses ! 

Bien à toi. 

Ton cher ami. Soleiman. 



  1. : p. 123
  2. : p. 141
  3. : p. 174-175
  4. : p. 176
  5. : p. 177-178
  6. : p. 180-181
  7. : p. 182-183-184
  8. : p. 201
  9. : p. 202

J’ai choisi ces citations pour recontextualiser les faits, retrouver les sentiments de Soleiman afin d’écrire à Boubakar leurs histoires, revenir sur les faits du passé en se remémorant ce qu’ils ont vécu ensemble. Les hauts et les bas. Les joies et les malheurs. Toutes leurs  histoires ensemble.

2 commentaires sur “MAIL DE SOLEIMAN A BOUBAKAR”

  1. Je trouve ton mail très intéressant. Il retrace bien le parcours de Soleiman à partir de sa rencontre avec Boubakar et comment Boubakar a impacté son périple qui est devenu petit à petit leur périple. En effet, ils fusionnent en un duo.
    J’aime beaucoup le choix de ton concept, le nouvel an. Je trouve que c’est une très bonne idée car c’est une période joyeuse qui est signe de renouveau. Ils ont commencé cette nouvelle vie ensemble en traversant la barrière de Ceuta. De plus, c’est aussi une période où on reprend contact avec ses proches. Boubakar est devenu comme une frère pour Soleiman.
    Je trouve que tu évoques bien les sentiments de Soleiman ce qui est très intéressant.
    J’ai juste une incompréhension sur l’utilisation des guillemets. Je n’ai pas bien compris si c’était pour citer le texte ou autre chose car les guillemets sont très présents dans ton texte.

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