Corrigé devoir TL2 mémoires de l’occupation

 Corrigé : étude de documents : les Français et les mémoires de l’occupation. Penser à développer vos réponses, être précis, à citer des faits. Attention à l’expression.

1ère partie : questions

   1.Les documents 1 et 2 transmettent une mémoire triomphante de la Résistance. Félix Gouin, président de l’assemblée consultative lors du gouvernement provisoire de la république française, à la tête duquel siège le général de Gaulle, glorifie dans son discours du 15 mai 1945, soit quelques jours seulement après la capitulation allemande du 8 mai, la Résistance. Il rappelle l’équation gaullienne « la Résistance c’est De gaulle, De Gaulle c’est la France, donc la Résistance c’est la France ». Dans cette phrase «  l’homme dans lequel la France tout entière s’est reconnue et retrouvée », Félix Gouin laisse entendre que tous les Français se sont engagés dans la Résistance «  toute une prodigieuse moisson de héros » et participe ainsi au mythe « du résistancialisme », terme employé pour la première fois par l’historien français Henri Rousso.

    La cérémonie du 11 novembre 1945, date hautement symbolique puisque marquant l’armistice de la Première Guerre mondiale, s’inscrit elle aussi dans ce discours. On calque cette commémoration des combattants de la Seconde Guerre mondiale (corps de résistants, prisonniers de guerre…) sur celle du transfert du soldat inconnu sous l’arc de triomphe. On veut rappeler avec insistance « l’unité de la nation » dans la lutte contre l’occupant nazi en regroupant ces 15 dépouilles autour d’un des hauts lieux de la mémoire nationale. La France a été unie entre 1939 et 1945 comme elle l’a été entre 1914 et 1918 semble vouloir dire l’Etat quitte à passer sous silence Vichy et les collaborateurs. Il s’agit de reconstruire au plus vite, de réaffirmer l’autorité et l’unité de la nation et en cela même si l’on ne peut nier l’existence d’une épuration légale la France a besoin de tous ses cadres même ceux qui ont pu « collaborer » avec Vichy voire avec l’Allemagne.

  2.Robert Paxton, historien américain, écrit en 1973 un ouvrage de référence sur le régime de Vichy « la France de Vichy ». Il démontre que Vichy a cherché à collaborer étroitement avec l’Allemagne Nazie, «  [Vichy] a insisté auprès des Allemands pour que ceux-ci acceptent une politique de collaboration », d’ou la rencontre entre Pétain et Hitler à Montoir le 24 octobre 1940. Il n’a jamais cherché à s’opposer à l’Allemagne nazie, « Vichy n’a jamais pratiqué…une quelconque résistance à l’occupant » et au contraire a participé activement aux arrestations de résistants et à la déportation des Juifs depuis la France. Vichy a mis en place en 1940 et 1941 une législation antisémite sans aucune pression de l’Allemagne. Le régime de Vichy est par nature un régime antisémite, xénophobe et autoritaire.

  3. Les historiens qui ont travaillé sur cette période se sont opposés à plusieurs mémoires provenant de plusieurs groupes.

Tout d’abord ils se sont confrontés à la mémoire gaulliste, soutenue par les Communistes même si les raisons ne sont pas les mêmes, relayés par de nombreuses commémorations comme celles du 11 novembre 1945 ou encore celle de la panthéonisation des cendres de Jean Moulin du 19 décembre 1964. De Gaulle a très rapidement a cultivé l’image d’une France entièrement résistante réduisant Vichy à une parenthèse sans importance et les collaborateurs à une poignée de traitres. La vérité est moins à l’avantage des Français et surtout plus complexe. Résistants et collaborateurs étaient peu nombreux, même si l’on peut penser que beaucoup de Français soutenaient à leur manière les Résistants. L’immense majorité des Français était en définitive attentiste, ils essayaient de survivre. Ils ont pris à partir de 1942 leur distance vis-à-vis de Vichy, malgré l’avoir soutenu pour beaucoup jusqu’à cette période, au moment où celui-ci intensifie sa traque des Juifs.

Les historiens doivent aussi déjouer la mémoire proposée par la droite conservatrice du rôle joué par Vichy pendant le conflit. Raymond Aron, historien de droite, développe la thèse selon laquelle De gaulle était « l’épée » de la France alors que Pétain en aurait été « le bouclier » lui permettant de subsister en attenant l’issue de la guerre entre l’Angleterre et de l’Axe. Pétain ou Laval n’ont nullement cherché à s’opposer à l’Allemagne nazie comme l’affirme Robert Paxton.

  4. Le concours national de Résistance et de la Déportation met en valeur les mémoires des résistants et des déportés.

Par déporté, le concours distingue déportés politiques et raciaux. Il est demandé aux candidats de cerner les différents types de déportation et de persécutions. Le concours ne cultive pas une mémoire unique de cette période où l’on ne pourrait faire la différence entre le sort des résistants arrêtés et celui des Juifs destinés à être assassinés et cela de façon systématique. Les Juifs pendant la guerre ont été victimes d’un génocide, la shoah. Il s’agit de maintenir cette mémoire vivante malgré la disparition progressive de ceux qui ont vécu ces épreuves.

  5. La France depuis la fin des années 90 assume son histoire. Si en 1994, F Mitterrand refuse de reconnaître la responsabilité de la France dans le génocide juif, en 1995 Jacques Chirac, nouvellement élu chef d’Etat, lors de la commémoration de la rafle du vélodrome d’hiver du 17 juillet 1942 tient un tout autre discours et reconnaît la part de responsabilité de la France dans ce crime. Et en particulier celle de « l’Etat français ». A la suite de cette reconnaissance l’Eglise, la police ont demandé pardon mais pas encore la SNCF. En 2000 a été créée la Fondation de la mémoire de la Shoah dont la présidente est Simone Veil et en 2005 était inauguré par Jacques Chirac le Mémorial de la Shoah où l’on peut trouver le mur des noms, mur où sont gravés les 76 000 noms des Juifs déportés depuis la France vers les camps de la mort.

Ainsi la question de Vichy fait partie intégrante de la mémoire française, Maurice Papon a été jugé en 1997 et 1998, ainsi que la responsabilité de la France et de « l’Etat français »dans le génocide juif. Mais la vigilance reste de mise face aux agissements de mouvements négationnistes ou antisémites.

2de partie : réponse organisée. Penser à proposer une introduction (3 à 5 lignes, le plan n’est pas à annoncer). Il faut structurer votre développement en deux ou trois parties. En conclusion répondez à la question posée par le sujet. La réponse peut être nuancée.

Plus de 60 ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, le conflit et son cortège d’horreurs sont encore très présents dans les mémoires. Il suffit de rappeler la cérémonie présidée par Nicolas Sarkozy le 25 août 2008 commémorant le massacre de la population de Maillé il y a plus de 60 ans. Mais comment ces mémoires de l’occupation en France ont-elles évolué depuis 1945 ?

Lorsque les troupes allemandes quittent le territoire national entre 1944 et 1945, plusieurs dizaines de collaborateurs sont assassinés et de nombreuses femmes à qui on reproche d’avoir eu une relation avec l’occupant sont tondues. La priorité du gouvernement provisoire qui se met en place à partir du 25 août 1944 et présidé par le général de Gaulle et de rétablir à la fois l’autorité de l’Etat et de faire taire les divisions qui ont déchiré les Français pendant l’occupation. Ainsi très vite De Gaulle monopolise la mémoire de l’occupation en instaurant le mythe d’une France unanimement résistante, une France qui s’est tout entière battue contre l’Allemagne nazie. De nombreuses cérémonies viennent relayer ce discours officiel comme celle du 11 novembre 1945 où les dépouilles de 15 prisonniers de guerre, résistants de l’intérieur, combattants de la France libre sont rassemblés autour de l’Arc de triomphe et du corps du soldat inconnu. Le 19 décembre 1964, une nouvelle cérémonie vient renforcer le discours gaulliste. Jean Moulin, émissaire de De Gaulle est panthéonisé. Cela permet à André Malraux, ministre de la culture de De Gaulle, de rappeler l’équation gaullienne : « la Résistance c’est De Gaulle, De Gaulle c’est la France, donc la Résistance c’est la France ». Ce mythe du résistancialisme, terme utilisé par l’historien Henri Rousso, défendu par De Gaulle et soutenu par les communistes va confisquer la mémoire de l’occupation jusqu’à la fin des années 60. Le cinéma à travers des films comme « l’armée des ombres » ou « la bataille du rail » ne remettent pas en cause cette lecture du passé loin de là. Cette mémoire gaullienne occulte toutes les autres mémoires comme celle de la Shoah qui ne trouve pas sa place ou autorise un discours autour de Vichy faux et dangereux. Des historiens comme Raymond Aron soutiennent que Pétain et de Gaulle étaient complices. De Gaulle était l’épée et Pétain le bouclier

A partir des années 1970, la mémoire de l’Occupation change. Le départ et le décès du général de Gaulle, le déclin du parti communiste, l’arrivée d’une nouvelle génération d’historiens bouleversent l’approche traditionnelle de cette période. Robert Paxton, historien américain, dans son livre « la France de Vichy » démontre que le régime de Pétain avait recherché la collaboration avec l’Allemagne nazie et qu’il n’avait jamais résisté à l’occupant. Vichy n’a donc pas été « le bouclier «  qui protégeait les Français de la brutalité de l’occupant il en a plutôt été son complice en instaurant par exemple une législation antisémite dès 1940 et 1941. De plus, Robert Paxton par le titre de son livre « la France de Vichy » laisse entendre que nombreux étaient ceux qui soutenaient le régime. Ainsi la grande majorité des Français ont soutenu Pétain en 1940et ce n’est qu’en 1942 que l’opinion publique se détourne du régime à la suite de l’intensification de la politique de répression à l’encontre des Juifs. Ce nouveau discours des historiens est relayé par le cinéma. Marcel Ophuls dans son film «  le Chagrin et la pitié » en 1971montre que des Français avaient fait le choix de collaborer avec l’occupant. Ophuls brise à sa façon le mythe d’une France entièrement résistante. « Lacombe Lucien » de Louis Malle en 1974 rappelle aux Français toute la complexité et les ambigüités de cette période des «  années noires ».

Aujourd’hui, la question de Vichy ne divise pratiquement plus les Français et fait partie intégrante de la mémoire française. Le procès Touvier en 1993 et de Maurice Papon, ancien fonctionnaire de la préfecture de Bordeaux, en 1997 et 1998 ont quasiment achevé ce travail de mémoire. Si en 1994 François Mitterrand refuse de reconnaître la responsabilité de la France dans le génocide juif, l’année suivante, Jacques Chirac, nouveau chef d’Etat, répare cette erreur et reconnaît pleinement la responsabilité de la France et en particulier celui de l’Etat français dans la Shoah. En 2000 La Fondation de la mémoire de la Shoah était créée et en 2005 le Mémorial de la Shoah était inauguré par Jacques Chirac. Dans l’enceinte du Mémorial sur le parvis on peut trouver le mur des noms où sont gravés les 76000 juifs déportés de France et assassinés dans les camps de la mort. A l’extérieur du mémorial un nouveau mur a vu le jour celui des Justes rendant hommage aux Français qui ont cherché à protéger les juifs qui étaient alors traqués par l’occupant allemand mais aussi par la police française.

En plus de 60 ans les mémoires de l’occupation ont beaucoup évolué. Vichy n’empoisonne plus la mémoire de l’occupation et la France a reconnu sa responsabilité dans la Shoah. Pour autant la vigilance est de mise face à la progression de l’antisémitisme. Enfin, encore aujourd’hui, la résistance, même si elle n’a pas été le fait de tous les Français reste un symbole fort. En effet, Nicolas Sarkozy s’est rendu peu de temps après son élection sur le plateau des Glières, un des hauts lieux de la résistance en Haute Savoie, et de plus a décidé que soit rendu hommage dans les lycées chaque année à Guy Môquet, jeune résistant communiste de 17 ans fusillé par l’occupant allemand. Cette décision n’a pas manqué de susciter de nombreuses polémiques, ce qui signifie que la période de l’occupation reste encore un enjeu de mémoire.

Laisser un commentaire