Rencontre avec Sabrina Souchon, cadre au bloc opératoire

Le domaine de la santé est en grande difficulté aujourd’hui du fait du manque de soignants, ce que nous avons pu découvrir surtout en période Covid. En effet, nous savons que pendant les vagues de Covid de nombreuses opérations ont été annulées. Nous allons donc nous intéresser aujourd’hui plus particulièrement au bloc opératoire notamment à celui de Bagnols-sur-Cèze, son fonctionnement, le rôle du personnel et les difficultés qu’il peut rencontrer, en interviewant une cadre de bloc opératoire,  Sabrina Souchon.

Débutons par une courte présentation :

L’hôpital actuel date de 1974.

850 personnes y travaillent dont 100 médecins.

  • 16000 séjours par an en médecine, chirurgie et obstétrique.
  • Nouveau bloc en 2017 avec 6 salles d’opération et 2 salles d’endoscopie.
  • 50 personnes travaillent au bloc : infirmiers (anesthésistes et de bloc opératoire), aides-soignants, agents de service hospitalier, brancardiers et 20 chirurgiens pour plus de 5000 opérations par an.

Questions à Sabrina Souchon

Quel a été ton parcours pour devenir cadre ?

J’ai d’abord obtenu le diplôme d’infirmière en 1998 après 3 ans d’études puis j’ai travaillé au bloc opératoire. Je suis retournée à l’école pour obtenir le diplôme spécialisé d’infirmière de bloc opératoire ainsi qu’un Diplôme Universitaire d’infirmière hygiéniste en 2002. Ensuite j’ai repris mon activité au bloc opératoire jusqu’en 2007 où j’ai intégré l’institut de formation de cadre de santé pour obtenir le diplôme en 2008 ainsi qu’une licence en sciences sanitaires et sociale. En 2015, après 17 ans d’exercice dans le secteur privé je suis allée travailler au bloc du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze où j’occupe le poste de cadre de santé du bloc opératoire.

En quoi consiste ton métier ?

Mon métier consiste à coordonner les moyens humains et matériels afin d’avoir une prise en charge optimale du patient au bloc opératoire de son arrivée au bloc à son départ de la salle de réveil, dans le respect des règles d’hygiène et de sécurité. Je m’occupe des plannings des différents personnels du bloc afin de pouvoir prendre en charge 24h sur 24 les patients tout en permettant aux professionnels de concilier vie privée et vie professionnelle. J’organise les plages opératoires et l’ordre des interventions en fonction du degré d’urgence, de la disponibilité des chirurgiens et de la spécificité du matériel lié à chaque intervention. J’interviens pour résoudre tout dysfonctionnement que les professionnels peuvent rencontrer dans l’exercice de leur fonction : informatique, matériel, problème d’identité, ou autre. Je manage les équipes et impulse les projets : développement durable, amélioration des conditions d’attente des patients… Je fais le lien entre l’équipe médicale : chirurgiens, anesthésistes et paramédicale : infirmiers de bloc, infirmiers anesthésistes, aides-soignants, brancardiers et également le lien avec les autres services : stérilisation, pharmacie, services de chirurgie, urgences, service biomédical, service technique, blanchisserie. Enfin le lien avec les intervenants extérieurs : laboratoires, représentants de matériel et médicaments, spécialistes des prothèses ou autre.

Quel est le rôle de chaque professionnel au bloc opératoire ?

Le chirurgien : il travaille au bloc opératoire où il pratique des opérations chirurgicales en fonction de sa spécialité. Il opère des patients qui ont une fracture, pose des prothèses par exemple en orthopédie ; retire des tumeurs ou des organes malades en digestif, urologie, ou gynécologie, remplace le cristallin par un implant en ophtalmologie… Ses missions sont nombreuses. Il rencontre les patients dans un premier temps lors d’une consultation, pose un diagnostic sur la base d’examens médicaux avant de déterminer l’opération la mieux adaptée à la pathologie de son patient. Il réalise ensuite l’opération puis prescrit les soins et effectue le suivi post-opératoire. Il est aussi amené à intervenir sur des urgences parfois vitales.

 L’anesthésiste : son rôle est d’endormir le patient avec une anesthésie générale ou de superviser l’infirmier anesthésiste qui la pratique, ou bien d’endormir une partie du corps du patient avec une anesthésie loco-régionale afin que le chirurgien puisse pratiquer une opération. Sauf urgence, il rencontrera le patient quelques jours avant l’intervention pour vérifier ses antécédents, s’il prend un traitement et s’il a des allergies. Après l’opération, il prescrit des traitements antalgiques afin que le patient n’ait pas mal.

Le gastro-entérologue : c’est un docteur spécialiste des problèmes de l’appareil digestif. Au bloc opératoire, il réalise des examens : gastroscopie ou coloscopie pour faire un diagnostic ou traiter les problèmes comme enlever des polypes.

L’infirmier de bloc opératoire : il organise, réalise des soins et des activités en lien avec le geste opératoire, en pré, per et post opératoire auprès des personnes bénéficiant d’interventions chirurgicales à visée diagnostique et/ou thérapeutique. Il y a plusieurs rôles :

L’infirmier circulant est en salle d’intervention mais n’est pas habillé en stérile, son rôle consiste à préparer et vérifier le matériel puis ouvrir de façon aseptique les boites et les sachets où se trouvent les instruments stériles nécessaires à l’intervention. Il réalise la préparation cutanée du patient puis connecte tout le matériel indispensable en fonction de l’opération : aspiration, irrigation, bistouri électrique, caméra, câble de lumière, cordon de thermofusion ou autre.

L’infirmier instrumentiste : son rôle consiste, sur les interventions importantes en termes de difficulté ou de grande quantité de matériel, à préparer le matériel : mèche sur une perceuse, vis sur une visseuse par exemple en traumatologie, et à faire passer au chirurgien les instruments dont il a besoin en anticipant son geste.

L’infirmier aide-opératoire : vérifie également le matériel et la disponibilité des implants par exemple puis s’habille de façon stérile et récupère le matériel stérile pour le disposer sur une table d’instrumentation stérile. Il positionne les champs opératoires avec le chirurgien puis l’aide pour tenir la caméra ou les écarteurs par exemple lors de l’intervention.

L’infirmier assistant : seuls les IBODE diplômés peuvent occuper ce rôle qui en plus des actes d’aide opératoire peuvent réaliser les sutures cutanées, poser des drains, réaliser l’hémostase ou l’aspiration.

L’infirmier anesthésiste : il accueille le patient en salle d’opération, installe les appareils de surveillance et perfuse le patient puis réalise son anesthésie en préparant les produits anesthésiques selon les indications du médecin anesthésiste. Il assure la surveillance des paramètres vitaux des patients en salle d’opération et adapte le traitement en fonction des besoins. Il assure le transfert en salle de réveil et échange des informations avec l’équipe qui prend le relai.

L’infirmier de salle de réveil : accueille le patient généralement encore endormi. Il installe les appareils de surveillance des fonctions vitales, réalise les surveillances selon les transmissions de ses collègues et administre les médicaments, notamment en prévention de la douleur sur prescription du médecin anesthésiste.

L’aide-soignant : il peut avoir des rôles très différents. Un AS est en charge de la pré-désinfection du matériel après une intervention ainsi que de sa traçabilité, un autre réalise la désinfection de matériel spécifique en urologie appelé urétéroscope utilisé par le chirurgien urologue pour regarder dans les uretères reliant les reins à la vessie. L’AS a pour mission également de ranger le matériel provenant de la pharmacie et le matériel stérile provenant de la stérilisation tout en vérifiant à date fixe les dates de péremption de l’ensemble du matériel.

Le brancardier : sur demande des infirmiers et en suivant l’ordre du programme opératoire, il assure le transfert du patient des services de soin au bloc opératoire avec le mode de transport le plus adapté : à pied, en fauteuil ou en brancard puis raccompagne le patient en chambre après son réveil ou au service de radiologie s’il y a eu pose de matériel lors de l’intervention. Le brancardier va également chercher du matériel si besoin à la pharmacie ou les produits sanguins au laboratoire.

L’agent de service hospitalier : il effectue un entretien avant le début du programme dans toutes les salles d’opération mais également entre chaque opération du mobilier et du sol avec un entretien plus approfondi en fin de programme. L’ASH évacue les déchets et sort de la salle, après nettoyage, le matériel qui ne sera pas utile à l’opération suivante. L’ASH réalise l’entretien de l’ensemble des locaux du bloc opératoire : couloirs y compris les murs, vestiaires, bureaux, salles de stockage du matériel…

Comment cela s’est-il passé pendant la période Covid ?

En période Covid toutes les interventions ont été annulées sauf urgences et cancérologie.

Les locaux ont été réagencés : la salle de réveil est devenue une salle de soins continus prenant en charge les patients Covid nécessitant des soins lourds avec assistance respiratoire. Deux salles de bloc opératoire ont été transformées en salle de réveil. Le circuit a été repensé afin d’isoler la zone Covid.

La majorité du personnel du bloc a été réaffectée à d’autres postes : les infirmiers anesthésistes, infirmiers de bloc opératoire et aides-soignants ont travaillé aux soins continus Covid avec des changements de planning en 12h jour/nuit au lieu de 8h de journée (sauf astreinte) en temps normal.

Ce qui était le plus difficile était le port de la tenue avec masque FFP2 pendant plusieurs heures, entraînant des blessures au visage mais surtout le sentiment d’impuissance devant le décès de patients qui se dégradaient soudainement sans possibilité de les sauver. Mes équipes ont au bloc opératoire un travail très technique qui consiste à s’occuper de patients sur un temps court et les décès sont rarissimes. La prise en charge de patients Covid a été une épreuve très douloureuse d’autant que les soignants passaient énormément de temps en vase clos auprès des patients qui ne pouvaient pas voir leur famille et qu’ils étaient seuls à accompagner jusqu’au bout.

Les équipes, malgré les difficultés, sont restées motivées en réalisant une prise en charge des patients la meilleure possible en fonction des moyens.

Quelles sont les difficultés qui persistent ?

L’organisation pour les locaux et le personnel du bloc est revenue comme avant la crise.

Les difficultés qui persistent sont le grand nombre d’annulations d’interventions pour patient Covid asymptomatiques ou absence de test qui oblige à une réorganisation de dernière minute des plages opératoires au quotidien.

Nous devons également rester vigilants sur la prise en charge en urgence au bloc de patients positifs afin d’éviter les risques de contamination des autres patients et du personnel.

Persiste également le problème du sous-effectif ponctuel lié à la contamination du personnel dans la sphère privée mais qui sera absent environ une semaine du fait de la positivité.

Eliot Laurens

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