le mythe de la mobilité sociale aux EtatsUnis in le Monde diplomatique

Le mythe de la mobilité sociale aux Etats-Unis

Si même l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) l’admet (1)… C’est donc certain, la mobilité sociale est encore moins grande aux Etats-Unis qu’en Europe. Quand un père se situe dans le groupe des 20% d’Américains les plus pauvres, il y a 40% de chances que son fils n’arrive pas à faire mieux. Au Danemark et au Royaume-Uni, les proportions respectives sont de 25% et de moins de 30% (2).

D’un bout à l’autre de l’échelle des revenus, les parents transmettent à leurs enfants leur éducation, leurs réseaux d’influence, la qualité de leur accompagnement médical… mais aussi leur fortune. Et le recul de l’Etat social joint à la baisse continue de la fiscalité progressive (le « bouclier fiscal » tout juste voté par le Parlement français va dans ce sens) ont puissamment contribué à cette installation de classes héréditaires que certains désormais assimilent à un nouveau système de castes.

Simultanément, les écarts de revenus ne cessent de se creuser presque partout dans le monde. En France, selon une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), le salaire moyen net de l’ensemble des salariés à temps complet se situe aux alentours de 22 000 euros par an, contre 2,2 millions d’euros en moyenne pour chacun des patrons d’entreprises cotées au CAC 40, soit un écart de 1 à 100 (3). Les classes héréditaires ont donc de beaux jours devant elles.

L’OCDE préfère parler d’un « accroissement de la dispersion salariale (4) ». Il y a moyen de s’en accommoder avec la conscience tranquille. En expliquant, par exemple, que les inégalités comportent aussi des avantages. James Sherk, chercheur à la Heritage Foundation (proche de la droite républicaine), vient d’expliquer que lorsque les fondateurs de Google se sont énormément enrichis grâce à leur succès, ils ont ipso facto accru les inégalités de revenus et de fortunes aux Etats-Unis, mais en améliorant la vie de chaque Américain (5). Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

En réalité, l’OCDE est sur la même ligne. Au moment même où elle fait mine de s’inquiéter de la situation américaine, n’indique-t-elle pas aux trente Etats membres de l’organisation : « La pression fiscale ayant atteint le “seuil de la douleur” dans la plupart des pays, il n’y a guère d’autres solutions que d’engager de nouvelles réformes visant les systèmes de retraite ainsi que les dépenses de santé et de soins de longue durée. S’agissant des dépenses de retraite, deux orientations revêtent sans doute une importance particulière : retarder la cessation d’activité et accroître les revenus de retraite de source privée (6). » Comme ces orientations correspondent précisément au « modèle américain », on mesure à quel point l’organisation internationale prend au sérieux les données qu’elle rappelle sur le recul aux Etats-Unis de la mobilité sociale.

(1) « Intergenerational Transmission of Disadvantage : Mobility or Immobility across Generations ? A Review of the Evidence for OECD Countries » (PDF), OECD Social Policy, Employment and Migration Working Papers n° 52. Voir le résumé en anglais et en français.

(2) Cf. « Inequality in America », International Herald Tribune, 12 juillet 2007.

(3) « Le salaire des chefs d’entreprises, moyennes et grandes », Insee Première n° 1150, juillet 2007.

(4) Perspectives économiques de l’OCDE – Vol. 2007-1, n° 81, mai 2007, p. 184.

(5) James Sherk, « An Upside to Inequality », Business Week, 9 juillet 2007.

(6) OCDE, op. cit., p. 56.

About GhjattaNera

prufessore di scienze economiche e suciale a u liceu san Paulu in Aiacciu

Category(s): COURS TES, inégalités, inégalités-conflits-cohésion sociale, Non classé

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