un tres long dossier (1) sur la réforme des retraites

Attention plus de 20 pages si vous voulez le tirer papier

La réforme des retraites

 

 un débat ouvert avec, Henri Sterdyniak  directeur du département économie de la mondialisation à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), professeur associé à l’Université Paris-Dauphine, et les lecteurs de la Provence …

vous trouverez sous ce lien un long article de Henri STERDYNIAK

http://www.rce-revue.com/IMG/pdf/Article_Sterdyniak.pdf

Henri Sterdyniak Bonjour et merci de venir dialoguer sur la question des retraites, qui nous concernera tous un jour.

angebleue13 monsieur  bonjour,pensez vous vraiment que cette mesure sur la retraite est nécessaire sans prendre part pour un parti politique juste a donnant votre avis ?
pensez vous que si la gauche repasse au pouvoir en 2012 ils ont les bons arguments pour trouver les fonds nécessaire pour la ramener a 60ans ?
merci

Henri Sterdyniak Il faut rappeler qu’il y a déjà eu une réforme des retraites en 2003 et que cette réforme prévoyait l’allongement progressif de la durée de cotisation à 42 ans. On peut penser qu’il aurait fallu laisser vivre cette réforme qui obligeait déjà ceux qui ont commencé à travailler à 20 ans à aller jusqu’à 62 ans.
Et les cadres qui commençaient à travailler à 23 ans, à aller jusqu’à 65 ans. Le problème de la réforme actuelle est qu’elle frappe surtout ceux qui ont commencé à travailler jeune, entre 18 et 20 ans et qu’elle intervient brutalement en période où le chômage est élevé.

si la gauche revient au pouvoir, il est probable qu’elle retournera à la réforme de 2003, c’est-à-dire différencier l’âge de départ à la retraite selon l’âge de début de carrière. Ceux qui ont travaillé après 20 ans devront alors aller jusqu’à 62 ans.

MamieJosette Mr Sterdyniak pensez vous qu’enterrer la ré forme de la retraite soit une solution idéale pour l’avenir ? et surtout avec l’allongement de la durée de vie!! sans cette réforme existera t-il encore une retraite ?

Henri Sterdyniak Bien sûr il faut tenir compte du fait que l’espérance de vie à 60 ans sera bientôt de l’ordre de 24 ans, donc il faudra inéluctablement reculer l’âge moyen de départ à la retraite, simplement il faut le faire de manière progressive lorsqu’effectivement il y a des emplois disponibles, de manière différenciée selon la pénibilité du travail.

Ce doit être l’occasion pour repenser le déroulement des carrières dans les entreprises, la formation permanente et la pénibilité du travail.

Bernard 13

Bonjour,
Ma question est simple.

J’aurai 60 ans en 2018, et j’ai commencé à travailler à l’âge de 18 ans. Donc, si on m’applique cette réforme, à 62 ans, j’aurai cotisé 44 ans, alors que le nombre légal sera devenu 41, 5 années en 2018. Je ne suis certainement pas seul dans mon cas. A mon époque (allez papy Smilie: ;) …! ) nombre de jeunes commençaient à travailler juste après le bac. Soit vers 18, 19 ans. Honnêtement, ne devons-nous pas nous sentir les principaux lésés,
dans l ‘affaire ? Merci d’éclairer la lanterne d’un (futur ?) vieux quant à la » justice » de cette loi

Henri Sterdyniak C’est effectivement les gens qui ont commencé à travailler à 18 ans qui sont les plus grands perdants de la réforme car ils ne bénéficient pas du dispositif « carrières longues » et ils sont directement touchés par le report à 62 ans de l’âge légal.
Si on avait maintenu le principe d’une durée requise de 42 ans, vous auriez pu partir à la retraite à 60 ans. La réforme touche ceux qui ont commencé à travailler entre 16 et 18 ans : eux devront effectuer 44 années de carrière. C’est l’un des aspects les plus injustes de la réforme.

averell

Cette réforme est-elle vraiment injuste ?

Henri Sterdyniak Un des aspects les plus injsutes de la réforme est le passage de 65 à 67 ans de l’âge ouvrant droit à une retraite à taux plein. Ceci ne peut pas avoir d’effet favorable pour l’emploi car personne ne travaille au delà de 65 ans.
Le seul effet est de diminuer de façon très importante la retraite de femmes à carrières courtes qui attendaient 65 ans pour liquider leur retraite et qui devront maintenant attendre 67 ans.
Certains mouvements féministes ont déposé des recours devant la Halde ou à la COmmission européenne contre cette mesure qui frappe en quasi totalité les femmes.

patrick13012

moi je pense que l’âge légal pour la retraite devrait être de 65 ans et la il n’y aurait plus de problème pour augmenter le minimum vieillesse

Henri Sterdyniak Certes, dans beaucoup de pays européens, lâge légal de la retraite est de 65 ans mais dans tous les pays, il existe des dispositifs de pré retraite ou d’invalidité qui permettent en fait de partir à la retraite dès 60 ou 62 ans.
En Allemagne, par exemple, l’âge affiché est de 65 ans mais l’âge moyen est de 61,5 années contre 59,5 en France. On n’échappe pas à la nécessité de prévoir des dispositifs pour tous ceux qui ne peuvent pas de maintenir en emploi au delà de 60 ans. Donc l’objectif doit être de reculer en moyenne l’âge de départ à la retraite de 2 ans.
Nicolas Sarkozy a déjà annéoncé que le minimum vieillesse allait être augmenté de 25%, le minimum vieillesse ne concerne que 600 000 personnes, ce n’est pas l’élément le plus coûteux du système de retraite français.

asb13 qu’envisage la réforme sur la retraite des professions libérales et notamment des médecins libéraux car en temps que que spécialiste secteur 1 je payE 9800 Euros de CARMF par an et je n’en verrai certainement pas la couleur en 2025 date de mes 60 ans; pour ma profession ( anesthésiste réanimateur) la retraite à plus de 65 ANS est tout simplement inenvisageable pour moi et les patients surtout
merci

Henri Sterdyniak Il faut être conscient du fait que les professions libérales ont des espérances de durée de vie à 65 ans de l’ordre de 25 ans, pour des durées d’activité de l’ordre de 40 ans. Il faut donc obligatoirement qu’elles payent des cotisations élevées pour avoir des retraites satisfaisantes durant 25 ans.

Naturellement, ces cotisations élevées leur ouvrent des droits, la retraite est un droit social garanti par l’Etat et les partenaires sociaux et naturellement les personnes qui atteindront 60 ou 65 ans en 2025 auront une retraite, plus élevée en pouvoir d’acaht que celles actuelles, plus faibles relativement par rapport aux salaires de 2025 mais ils toucheront plus longtemps.

Un autre problème est que dans certaines professions, il est impossible de travailler au delà d’un certain âge, c’est pourquoi il serait souhaitable qu’il y ait des négociations au niveau des branches professionnelles pour aménager les fins de carrières en fonction des caractéristiques des emplois.

Dans certains métiers pénibles, il faudrait maintenir la possibilité de retraite précoce; pour d’autres il faudrait prévoir des évolutions de carrière à aprtir de 45/50 ans, de sorte , par exemple, que les conducteurs de bus deviennent à un certain âge responsable de ligne ou guichetier.

Verceuil La gauche française vivant dans son anachronisme permanent est : soit de mauvaise foi en rejetant toutes les réformes necessaires parce que c’est la droite qui est obligée de les faire, soit elle croit vivre dans un micro climat au pays de Candy qui nous exonèrerait de faire ce qu’on fait tous les pays développés pour sauvegarder les retraites : repousser l’age de départ.
Il y a une autre solution: mettons au service des salariés du privé l’équivalent de la PREFON qui est une retraite complémentaire par capitalisation (dont seuls les fonctionnaires bénéficient )

Henri Sterdyniak Les salariés du privé bénéficient déjà du PERP qui est l’équivalent total de la PREFON et qui donen le smêmes avantages fiscaux. Mais la retraite ne peut être basé sur la capitalisation facultative.

Les gens n’ont pas conscience du montant énorme de capital qu’il faut avoir accumulé à 60 ou 62 ans pour financer une vingtaine d’années de retraite. L’épargne ne peut être qu’un complément pour les cadres qui ont effectivement la possibilté de mettre de l’argent de côté. Pour la masse de la population, il faut un dispositif obligatoire.

grouchomarx Dans le reste de l’Europe, on travaille plus ou moins qu’en France ?

Henri Sterdyniak Il existe des pays qui font moins bien que la France, tant pour le travail des femmes que pour le travail des seniors : la Belgique, l’Italie, la Grèce. Il existe des pays plus performants : les pays scandinaves ou le Royaume Uni. Le Royaume Uni est le contre modèle : les pensions sont très faibles pour une grande partie des salariés qui n’ont pa eu la chance de travailler dans une grande entreprise ou une banque. Donc, les britanniques sont obligés de travailler longtemps et beaucoup complètent leur retraite par un petit boulot.
Les pays scandinaves ont réussi un modèle plus satisfaisant : les entreprises ont aménagé les conditions de travail et conservent plus longtemps les salariés. C’est vers ce modèle qu’il faut aller.
Dans la période récente, l’Allemagne a réussi a faire travailler plus longtemps ses salariés mais en se rapporchant britannique : paupérisation des retraités et hausse du chômage parmi les 55 / 65 ans.

dan08

a partir du moment ou tous les pays developes ont releves l’age de la retraite la france ne peut pas rester seule dans son coin donc pourquoi annuler la reforme pour faire pire dans 10ans?

Henri Sterdyniak La France a quand même la particularité d’avoir conservé un taux de fécondité satisfaisant, de l’ordre de deux enfants par femme alors que la fécondité a baissé de manière dramatique en Allemagne, Italie ou Espagne. De ce point de vue, la France s’est mieux préparé que ses voisins à la question du vieillissement de la population.

On n’échappera pas à l’allongement de la durée des carrières mais il faut essayer de la conditionner avec l’évolution du marché du travail. Certains pays annoncent qu’ils relèveront l’âge de la retraite de 65 à 67 ans alors même que rien ne garantit que les personnes de plus de 63 ans seront un jour employées. Ce n’est que des moyens détournés de faire baisser le niveau des retraites.

La France a actuellement un des systèmes de retraite les plus généreux du monde, que ce soit du point de vue du niveau des retraites, que de l’âge du départ. En contre partie, les Français acceptent de payer des cotisation relativement élevées : il faut faire évoluer progressivement ce système mais il n’y a aucune raison d’envisager sa disparition.

grouchomarx

Le gouvernement peut-il encore reculer ?

Henri Sterdyniak Certes, le gouvernement ne peut plus reculer : d’une part, les pays du G20 n’ont pas pris les mesures nécessaires pour faire reculer la domination des marchés financiers et des agences de notation. Aussi, tous les pays doivent prouver qu’ils font des efforts pour réduire les déficits publics. C’est une stratégie suicidaire car si tous les pays font des politiques d’austérité, la demande ne va pas repartir et l’europe va connaître une longue période de croissance lente avec la persistance d’un chômage élevé. Compte tenu des rapports de force en Europe, la France n’a pas été capable d’imposer une stratégie plus volontariste et donc nous sommes obligés de montrer patte blanche aux agences de notation.
D’autre part, politiquement, le gouvernement en a fait le symbole de sa volonté de changer la société française, d’inciter les salariés à travailler plus. Le problème est qu’actuellement, ce n’est pas le désir des salariés de travailler plus qui manque mais les emplois.

grouchomarx

Les socialistes sont-ils sérieux quand ils affirment qu’ils abrogeront la réforme s’isl arrivent au pouvoir en 2012 ?

Henri Sterdyniak Les socialistes pourraient abroger certains aspects de la réforme, en particulier maintenir à 65 ans l’âge ouvrant droit à la retraite à taux plein. Ils pourraient faire porter l’effort sur la durée de cotisation plutôt que sur l’âge mais cela signifie que ceux qui ont commencé à travailler après 20 ans devraont de toues façons travailler jusqu’à 62 ans.

Par ailleurs, et ceci dépend avant tout des partenaires sociaux, le gouvernement quel qu’il soit devrait favoriser la négociation au niveau des branches et des entreprises pour aménager les carrières et régler la question des métiers pénibles. Le reste est une question de choix social, les Français sont ils prêts à payer 4 ou 5 points de cotisation pour maintenir un départ à la retraite relativement précoce et maintenir un niveau de retraite relativement satisfaisant.

galak75

La Gauche a-telle vraiment fauté en repoussant cette réforme qu’elle aurait pu faire par exemple quand Jospin était chef du gouvernement ?

Henri Sterdyniak La gauche est arrivée au pouvoir avec un taux de chômage extrêmement élevé de l’ordre de 12%. Grace à la réduction du temps de travail, et aussi à la reprise économique mondiale, elle a réussi à faire baisser le chômage à 9%. Durant cette période, elle a reculé la réforme des retraites en se disant que la priorité était de réduire le taux de chômage et d’augmenter l’emploi, en particulier celui des jeunes. Ce n’était pas une mauvaise stratégie. Ce n’est que lorsque le taux de chômage baisse nettement qu’on peut prendre des mesures fortes pour allonger la durée des carrières et pour inciter les entreprises à conserver des seniors. En 2007, le taux de chômage avait baissé à 7%, c’était le bon moment, malheureusement, la crise financière de 2008/2009 a fait repartir le chômage à la hausse de sorte que la réforme de 2010 arrive à un mauvais moment. Il ne faudrait pas que les seniors restent dans les entreprises au détriment de l’embauche des jeuneS.

loutcho

pourquoi ne parles t’on pas des avantages que garde à vie les ex ministres ou sénateurs ext…. qui n’on fait qu’un passage et qui gardent à vie une compensation.
exemple:un maire ou sénateur ou ministre pour qui on à voté et est élu pendant 3 ou 4 ans toucheras une compensation de x€ à vie ? ?
est-ce juste? est-ce normal ? en tout les cas il y à silence,de tous bords.

Henri Sterdyniak

Bien sûr il faut un système juste et cond il faut remettre en cause tous les avantages injustifiés dont bénéficient certaines catégories de la population. Il y a le scandale des retraites chapeau que s’octroyent les patrons des grandes entreprises et il y a les retraites trop favorables des parlementaires et ministres.
Des réformes ont déjà eu lieu sur ces deux sujets. Les ministres et les parlementaires n’ont droit à la retraite qu’à partir de l’âge légal mais dans certains cas, ilspeuvent cumuler cette retraite avec une retraite de fonctionnaire : c’est un abus qui devrait être corrigé à l’occasion de cette réforme. Par ailleurs, le gouvernement a décidé de taxer très fortement les retraites chapeau, ce qui va dans le bon sens.

laprovence.com

Merci à tous pour vos questions et à très bientôt pour d’autres tchats sur LaProvence.com

Henri Sterdyniak

Merci de vos questions. Je vous souhaite à tous un travail intéressant et qui vous permette une carrière longue et une retraite heureuse. Mais la grande question aujourd’hui, c’est quand même celle de l’emploi, et de l’emploi des jeunes !

Sur la réforme des retraites, un renoncement peut en cacher un autre

Article paru dans l’édition du 23.09.10

Dans Le Monde du 9 septembre, une vingtaine de personnalités, intellectuellement marquées à gauche, publient une tribune affirmant qu’« une autre réforme des retraites est possible »(voir à la suite) . Nous leur donnons entièrement raison. Après six mois de faux débats, ponctués d’inusables contrevérités du gouvernement pour tromper l’opinion et de propos destinés à rassurer les marchés financiers, la vérité se dévoile peu à peu. Le projet de loi abaissera considérablement le niveau des pensions, parce que peu de salariés pourront cotiser pendant quarante-et-un ou quarante-deux ans.

Il pénalisera encore davantage qu’elles ne le sont aujourd’hui les femmes, dont les carrières sont morcelées et précaires, les jeunes qui entrent tardivement dans l’emploi, tous ceux et celles qui auront commencé à travailler avant 18 ans et qui devront cotiser au moins quarante-quatre ans ou bien qui auront exercé des métiers pénibles dont la reconnaissance légale est refusée. Toutes ces dégradations proviendront essentiellement du recul des deux âges légaux de départ à la retraite et de l’allongement de la durée de cotisation. Le gouvernement ne s’y est pas trompé : il a lui-même désigné les « fondamentaux » de son projet.

Une autre réforme est donc nécessaire et aussi possible. Mais laquelle ? Assurément pas une réforme instituant un système de retraite à deux vitesses, comme le proposent les auteurs de la tribune citée ci-dessus. Au nom de la justice, ils distinguent un « volet contributif financé par des cotisations sociales » qui symboliserait le fait que « la pension de retraite est partie intégrante du contrat salarial » et un « volet solidaire, financé par une fiscalité plus progressive », qui constituerait un « revenu de citoyenneté ». Cette proposition soulève au moins deux objections fondamentales.

La première porte sur l’acceptation de l’allongement de la durée du travail. Nos auteurs expliquent que « le nouveau système devra prendre en compte l’augmentation progressive de l’espérance de vie, à la fois par l’augmentation de la durée de cotisation et, si nécessaire, des taux de cotisation ». D’abord, les auteurs déplorent le relèvement de l’âge de la retraite à 62 ans, ensuite ils en acceptent le corollaire, le fait de travailler plus longtemps. On aura beau habiller cette contrainte de la « liberté de choix » ou de la « retraite à la carte », le résultat sera le suivant : soit condamner les salariés au travail forcé, soit baisser le montant de la pension s’ils n’ont pas la durée de cotisation requise, abandonnant ainsi l’idée que les gains de productivité futurs puissent être utilisés en partie pour réduire le temps de travail.

La deuxième objection renvoie à la séparation entre une retraite dont le fondement serait contributif et une retraite d’assistance. Elle revient à aggraver considérablement la coupure entre les retraités dont les droits expriment la continuité de leur salaire et les retraités dont la vie (la survie) ne devrait qu’à la bienveillance de la collectivité. Il s’agit dans cette conception de faire en sorte que la pension reflète le plus possible ce que le salarié aura versé durant sa vie active, et rien de plus.

C’est une rupture fondamentale avec la logique profonde de la répartition qui permet, sous certaines conditions d’âge et de cotisation, de garantir un niveau de pension connu à l’avance, et qui prolonge le salaire en maintenant sensiblement le niveau de vie acquis pendant la vie active. Le principe même du contrat salarial, qui fait de la pension une continuation du salaire par la socialisation de la masse salariale que permettent les cotisations, serait ainsi vidé de sa substance par le renforcement de la contributivité. Et la redistribution des revenus assurée par le régime par répartition, même si elle est insuffisante, disparaîtrait.

Les auteurs indiquent ainsi vouloir prendre en compte pour le calcul de la retraite l’ensemble de la carrière des salariés pour « supprimer la pénalisation dont sont aujourd’hui victimes les salariés aux carrières longues et aux faibles progressions ». L’argument laisse songeur. En effet, même pour un salarié dont la carrière progresse peu, prendre en compte l’ensemble de la carrière, au lieu des meilleures années, aboutit à une baisse du niveau de la pension, cette baisse étant d’autant plus forte que le déroulement de carrière est important. Au nom d’une réduction des inégalités, on ramène tout le monde vers le bas !

Cette conception accepte finalement une société où le chômage et la précarité sont installés de façon pérenne et où une fraction significative du salariat, notamment les femmes, ne pourra plus avoir accès à un emploi décent, à temps complet, avec une évolution de carrière significative, permettant d’accéder à une retraite correcte. Le volet non contributif de la retraite ne serait alors que le masque d’une nouvelle « loi sur les pauvres » destinée à atténuer les méfaits d’un capitalisme débridé.

Il y a derrière tout cela un oubli fondamental. Ce que ne disent jamais nos auteurs, c’est que, au fond de l’affaire des retraites, figure la question de la répartition de la richesse produite. Celle-ci s’est dégradée pour les travailleurs depuis trois décennies dans une proportion équivalente à l’envolée des dividendes : 5 points de pourcentage si l’on compare la situation actuelle à celle d’avant 1973 (cf. « Le rapport Cotis », 2009). Nous affirmer, reprenant l’antienne patronale et gouvernementale, que, « si nous vivons plus longtemps, il faut travailler plus longtemps », masque le problème essentiel de la répartition entre travail et capital, qui reste la pierre d’angle de l’évolution du capitalisme contemporain, et dont, pour notre part, nous voulons inverser l’évolution en soumettant à cotisations les dividendes versés aux actionnaires et tous les profits financiers.

Il y a une cohérence dans les propositions que nous critiquons ici. Travailler plus longtemps malgré les gains de productivité et le chômage, individualiser la condition des salariés et des retraités, au risque de vider de son contenu la notion de droit, et dissoudre le lien social permis par la socialisation d’une partie de la richesse sont le paravent du refus de poser dans le débat public l’enjeu fondamental du débat sur le financement des retraites : ce financement ne devient un problème que si on fige dans l’avenir la répartition du gâteau qui a prévalu depuis l’avènement du capitalisme financiarisé. Et, derrière cet enjeu, s’en profilent d’autres : est-on condamné à travailler toujours davantage, au mépris de notre condition humaine et de l’équilibre écologique et ne peut-il exister un temps de la vie hors de toute subordination dont la place croissante donnerait un nouveau sens au progrès ?

Alors que la confrontation actuelle sur les retraites n’est pas terminée parce que la population est majoritairement hostile au projet du gouvernement, il vaut mieux éviter de préparer des renoncements futurs, porteurs de nouvelles régressions sociales.

Gérard Filoche, Jean-Marie Harribey, Pierre Khalfa, Frédéric Lebaron, Christiane Marty, Willy Pelletier, Dominique Plihon, Henri Sterdyniak, Aurélie Trouvé

 

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Une autre réforme des retraites est possible !

Article paru dans l’édition du 09.09.10

Le projet du gouvernement accroît les injustices sociales et salariales

systèmes de retraite par répartition sont confrontés aux défis du vieillissement de la population comme aux conséquences d’une situation de l’emploi dramatique, lestée par les effets de la récente crise financière. Leur équilibre financier doit rester une préoccupation majeure des pouvoirs publics comme des partenaires sociaux si nous ne voulons pas ouvrir un boulevard à la retraite par capitalisation.

Pour autant, le projet de réforme des retraites proposé dans l’urgence par le gouvernement pour répondre aux exigences de la notation financière et crédibiliser la signature de la France sur le marché de la dette publique, ne garantit pas, à long terme, la pérennité de notre système par répartition. Bien au contraire, il aggrave les injustices. Sa mesure phare, le relèvement de l’âge minimum de départ à la retraite de 60 à 62 ans, accroît les inégalités et restreint les possibilités de choix des salariés sur qui repose l’essentiel des efforts consentis.

Ce sont les salariés aux carrières incomplètes qui vont le plus pâtir de la réforme en voyant leur âge de départ à taux plein reculer de 65 à 67 ans à partir de 2016. Ce sont surtout les femmes qui seront concernées et il ne fait aucun doute que le nombre de femmes pauvres va augmenter alors qu’elles forment déjà les gros bataillons des retraités les plus défavorisés.

Dans un pays où, depuis plusieurs décennies, les jeunes servent souvent de « variable d’ajustement » comme en témoignent la précarisation et l’appauvrissement d’une grande partie de la jeunesse, la réforme proposée ne rééquilibre pas non plus les rapports entre les générations, ne prévoyant pas de financement au-delà de 2020.

De leur côté, les salariés ayant commencé à travailler jeunes, souvent les moins diplômés et les moins bien payés, occupant les emplois les plus pénibles, devront cotiser plus longtemps sans voir pour autant leur pension s’améliorer. Désormais, ceux qui ont commencé à travailler entre 14 ans et 18 ans devront cotiser quarante-trois ou quarante-quatre ans. Or, chaque année, près de 100 000 jeunes commencent à travailler à 18 ans ou moins.

L’efficacité financière de la réforme proposée est aussi en question. Après 2018, les déficits continueront de se creuser, alors que les ressources du Fonds de réserve des retraites destiné à faire face, à partir de 2020, à l’arrivée à la retraite de la génération du baby-boom, auront été mal utilisées. Pour préparer l’avenir, ce fonds aurait dû, au contraire, voir ses ressources augmentées plutôt que dépensées avant terme.

Quant à la question de l’emploi des seniors qui conditionne pourtant en grande partie le financement des retraites, les mesures avancées ignorent les questions fondamentales des conditions de travail et des aménagements de fin de carrière. Avec le relèvement de l’âge de départ à 62 ans, les seniors qui se trouvent déjà majoritairement hors de l’emploi devront rester au chômage, au RSA, en maladie ou en invalidité plus longtemps, avec des allocations bien souvent plus faibles que leurs droits à la retraite. Plutôt que de réduire la dette publique, on nous propose un jeu de passe-passe entre comptes sociaux.

L’avenir de notre système de retraites nous invite à engager une réforme globale afin de corriger les inégalités, développer les possibilités de choix individuels et pérenniser le système par répartition.

Une telle réforme passe par la convergence de tous nos systèmes de base, aujourd’hui éclatés en plus de trente régimes différents aux règles illisibles pour nos citoyens. Alors que 40 % des nouveaux retraités ont cotisé dans au moins deux régimes différents de base, la complexité actuelle mine leur confiance dans le système, car elle facilite la remise en cause des droits de retraite acquis et entrave l’effort de solidarité envers ceux qui en ont le plus besoin.

La pension de retraite est partie intégrante du contrat salarial, elle est aussi un revenu de citoyenneté. Aussi, notre système de retraites doit évoluer en distinguant nettement son volet contributif, financé par des cotisations salariales, de son volet solidaire, financé par une fiscalité qui doit être plus progressive, en mettant davantage à contribution les revenus du capital et les hauts revenus.

Le nouveau système devra prendre en compte l’augmentation progressive de l’espérance de vie, à la fois par l’augmentation de la durée de cotisation et si nécessaire, des taux de cotisation. Mais, si nous vivons plus longtemps en meilleure santé, et si nous devons travailler plus longtemps pour sauver nos retraites, c’est le principe de la retraite au choix (à la carte) qui devrait prévaloir.

Cette évolution de fond permettrait non seulement d’enregistrer les droits de retraite acquis, mais aussi de faciliter les départs progressifs ou de permettre d’effectuer des pauses tout le long du parcours professionnel. Une telle clarification permettrait aux salariés de disposer d’une véritable liberté de choix, fondée sur une bonne connaissance de leurs droits, dans un cadre collectif protecteur.

Car seule la protection de la collectivité permet les véritables choix. En prenant en compte l’ensemble de la carrière des salariés, le nouveau système se doit de supprimer la pénalisation dont sont aujourd’hui victimes les salariés aux carrières longues et aux faibles progressions salariales. La solidarité nationale pourrait être mise à contribution pour mieux intégrer dans le calcul de retraite les périodes de congé maternité, de chômage ou de formation.

En outre, une véritable réforme des retraites ne peut se concevoir isolément d’une vigoureuse politique de l’emploi qui permette le maintien des seniors comme l’accès des femmes et des plus jeunes à des emplois stables.

Enfin, l’amélioration de la retraite des femmes passe par des progrès en matière d’égalité salariale et professionnelle, une politique familiale véritablement favorable à l’emploi des femmes et qui encourage un partage équitable du travail domestique entre hommes et femmes. Il faut, à la fois, développer massivement les modes de garde des jeunes enfants et prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher une gestion de la main-d’oeuvre qui pénalise les femmes trop souvent contraintes d’interrompre leur carrière pour s’occuper de leurs enfants ou de leurs parents.

Le droit à la retraite est un droit fondamental et notre système de retraite, fondé sur la solidarité entre les générations, un élément constitutif de notre pacte social. Son évolution doit se construire par le dialogue et la recherche de consensus, mais surtout dans un esprit de justice. Une telle réforme globale de notre système de retraite implique une sérieuse préparation et un large débat avant de la soumettre aux Français lors d’une prochaine échéance nationale.

C’est seulement ainsi que l’on pourra restaurer la confiance de toutes les générations dans l’avenir de notre système solidaire par répartition.

Michel Aglietta, Claude Alphandéry, François Chérèque, François Dubet

 

 

 

 

 

la réforme des retraites en Europe

un papier paru dans le Monde du 06/09/10

retraites en europe

Le projet de loi sur la réforme des retraites en France entre en débat à l’Assemblée mardi 7septembre, sans que les syndicats et le gouvernement soient parvenus à sortir du dialogue de sourds auquel ils tentent d’échapper depuis plusieurs mois. La Commission européenne estimait, dans son Livre vert sur les réformes des retraites publié en juillet, qu’il était nécessaire de repousser l’âge légal de départ à la retraite dans toute l’Europe.

La plupart des Etats membres s’y sont déjà attelés, mais la question a soulevé et soulève les mécontentements quasiment partout: en Allemagne, les sondages ont montré que 80% de la population était opposée à cette mesure, pourtant adoptée en 2007; la même année, en République tchèque, les syndicats n’ont accepté un report d’âge qu’en échange du maintien d’un système par répartition; en Grèce, c’est l’état d’urgence économique qui a eu raison, cet été, de l’opposition de la population.

Mais toute l’Europe n’a pas renoncé à se battre contre ce changement, jugé inéquitable par la plupart des syndicats. Une journée de mobilisation est prévue le 29septembre à Bruxelles, organisée par la Confédération européenne des syndicats. Le même jour, ce sera la grève générale en Espagne, où le gouvernement a finalement décidé de reporter la réforme à la fin de l’année. En France, les organisations syndicales, qui ont regretté l’absence de négociations sur ce point de la réforme, manifesteront pendant l’examen du texte.

Face au vieillissement de la population et aux déficits publics aggravés par la crise, l’urgence de la réforme fait l’unanimité, en France comme ailleurs. Mais les organisations syndicales ambitionnent une réforme mieux négociée pour pouvoir l’inscrire sur le long terme, tandis que les gouvernements sont contraints à un objectif de court terme pour assurer l’équilibre budgétaire.

« On peut lancer le débat du changement de système [de retraite], mais ce n’est pas la réponse pour la France aujourd’hui, expliquait le ministre du travail, Eric Woerth, le 2 septembre, devant l’Association des journalistes économiques et financiers. Nous pensons que la manifestation du 7 septembre sera très importante, mais ce n’est pas cela qui nous fera changer la réforme », affirmait-il encore. Le passage en force doit-il être la règle ?

Anne Rodier

 République tchèque : les limites du compromis

En 2020, un citoyen tchèque sur quatre sera âgé de plus de 60 ans. Face à ce constat démographique, les gouvernements tchèques ont longtemps joué les autruches au grand dam des institutions financières internationales – Fonds monétaire international (FMI) et Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en tête -, qui rappellent aux intéressés la nécessité de réformer le système de retraites, dont le financement s’essouffle.

Si le cabinet social-démocrate avait constitué, en 2005 ,une commission d’experts économiques de tous bords pour faire des propositions, il avait repoussé à plus tard la réforme du système, refusant les recettes libérales prônées par les économistes.

C’est le gouvernement libéral de Mirek Topolanek, privé d’une majorité stable au Parlement, qui avait franchi le premier pas en créant, début 2007, une commission politique. Les cinq formations parlementaires représentées – communistes, sociaux-démocrates, Verts, chrétiens-démocrates et libéraux – ne sont toutefois parvenues qu’à un accord a minima.

Partageant le refus de recourir à l’immigration pour financer le système, elles se sont entendues pour prolonger la durée de cotisation et reporter progressivement l’âge de la retraite à 65 ans pour les hommes et les femmes sans enfant.

Ce changement a été accepté par les syndicats et les partis de gauche contre la garantie du maintien du système par répartition et d’un niveau de pension moyen équivalent à 45 % du salaire moyen. Les sociaux-démocrates, qui avaient déjà dû renoncer à toucher aux retraites lorsqu’ils étaient aux affaires en 2003 face à une forte mobilisation des syndicats, se sont en revanche opposés à l’introduction des fonds de pension obligatoires.

Mais Petr Necas, devenu cet été premier ministre à la tête d’un cabinet ultralibéral et fort d’une confortable majorité parlementaire, compte bien « achever » la réforme en créant de tels fonds. Quitte à passer outre l’opposition politique et syndicale.


Age légal Depuis 2009, l’âge de la retraite est progressivement relevé. Il devra atteindre 65 ans en 2030 pour les hommes, et entre 63 et 65 ans pour les femmes, selon le nombre d’enfants, à partir de 2043.

Annuités Le nombre requis est passé de 25 à 35 années de cotisations.

Martin Plichta (Prague, correspondant

 

la grece de la colère à la resignation  

 

Accepter de travailler plus longtemps pour des pensions moindres, ou s’exposer à ne plus toucher de retraite pour cause de faillite d’un système qui absorbe déjà 13,5 % du produit intérieur brut (PIB) : c’est en plaçant les Grecs devant cette fausse alternative que le gouvernement a pu faire adopter une réforme qui avait jusque-là toujours été ajournée face à la pression de la rue et de l’électorat.

Mais, cette fois, « l’état d’urgence » économique décrété par le premier ministre, Georges Papandréou, face au risque de banqueroute du pays et aux pressions des bailleurs de fonds, a remporté la mise. La réforme, qui devait au départ conclure un long dialogue, vite refusé par les syndicats et l’opposition, a finalement été bouclée en juillet, avant l’échéance fixée.

Les trois grèves générales organisées depuis le printemps par les deux grandes centrales syndicales n’ont pas mobilisé les foules et, malgré une forte résistance interne, la majorité socialiste a soutenu seule le texte au Parlement.

Par sincérité ou par habileté politique, le ministre de la protection sociale avait d’abord semblé vouloir se démarquer des diktats de l’Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI). L’avant-projet restait très flou sur le sort réservé aux femmes, pourtant plus menacées. Mais Bruxelles a rappelé Athènes au respect des engagements pris en contrepartie du prêt de 110 milliards d’euros consenti au pays.

Résultat de décennies de bureaucratie et de clientélisme, la complexité du système, voire son aberration quand il permettait à des fonctionnaires de partir à 45 ans, a aussi incité les Grecs à un certain fatalisme. Nombre d’entre eux ignorent encore combien d’années de travail supplémentaires ou combien d’euros de pension en moins le nouveau régime leur réserve. Le mécontentement pourrait s’exprimer a posteriori, une fois les mesures en vigueur. Dans l’immédiat, il s’est traduit par une explosion des départs anticipés, notamment dans l’éducation.

Age légal Pour les femmes, il sera aligné sur les hommes, de 60 à 65 ans, d’ici à 2015. Les exemptions permettant un départ anticipé sont supprimées.

Annuités D’ici à 2015, elles passent de 37 à 40.

Montant Il sera réduit de 7 % en moyenne à la même date.
Catherine Georgoutsos (Athènes, correspondance)

italie droite gauche à l’initiative des changements

Une amende de 714 000 euros par jour de retard ! C’est ce que pourrait payer l’Italie si elle n’obéit pas, d’ici au 1er janvier 2012, à l’injonction de la Commission européenne de mettre fin à la différence de régime de retraites dans sa fonction publique : les hommes doivent travailler jusqu’à 65 ans, les femmes jusqu’à 60.

Cette adaptation prévue sera une nouvelle phase d’un processus engagé et mené presque sans interruption depuis quinze ans, consistant à allonger la durée de cotisation. Entre « concertazione » et ruptures, grèves et dialogue, l’Italie, confrontée à un faible taux de natalité et à un endettement colossal (aujourd’hui autour de 1 800 milliards d’euros), a entrepris d’indexer l’âge de la retraite sur les progrès de l’espérance de vie. L’objectif est de repousser l’ouverture des droits à 69 ans à l’horizon de 2050.

Dès 1995, l’âge de départ a été porté à 65 ans et le régime de la « pension d’ancienneté » – les travailleurs ayant cotisé trente-cinq ans pouvaient faire valoir leur droit au départ, tout en cherchant une nouvelle activité – commence à être aligné sur celui de la pension vieillesse. Très avantageux, notamment pour les fonctionnaires, ce double système était aussi très onéreux.

Toutefois, la réforme ne s’appliquant qu’aux nouveaux entrants sur le marché du travail, son impact financier est limité. La réforme devrait aboutir à la quasi-fusion des deux systèmes en 2013 : seuls quarante ans de cotisation ouvriront alors droit à pension sans condition d’âge.

Ce chantier a bénéficié d’une dialectique droite-gauche qui, si elle l’a parfois retardé, lui a permis d’aboutir à un consensus. Les gouvernements de Silvio Berlusconi ont cherché à accélérer la réforme, au risque de braquer les syndicats, mais les gouvernements de Romano Prodi n’y ont pas renoncé, tout en accordant des concessions.

Résultat, si le système italien est sans doute, aujourd’hui, l’un des plus complexes d’Europe, il a aussi été l’un des plus souvent réformés, sans trop de heurts.

 Deux systèmes cohabitent.

Pension vieillesse L’âge de départ est fixé à partir de 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes.

Pension d’ancienneté Au départ allouée après 35 ans de cotisations (40 ans en 2013), elle est progressivement alignée sur la pension vieillesse et doit disparaître.

Philippe Ridet (Rome, correspondant)

espagne : une bombe à retardement

Huit mois après l’annonce d’une prochaine réforme du système des retraites, le gouvernement espagnol n’est pas encore décidé à affronter les conséquences d’une mesure impopulaire.

Fin février, cette annonce avait rompu la paix sociale qui régnait jusqu’alors et le président du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero, avait essuyé sa première manifestation syndicale en six ans de mandat. Selon les organisateurs, 200 000 manifestants étaient alors descendus dans les rues de toute l’Espagne pour défendre les retraites.

Aujourd’hui, concentré sur le vote du budget, M. Zapatero a dû repousser à la fin de l’année la réforme des retraites. Il espère aussi affaiblir la grève générale prévue le 29 septembre, les syndicats en ayant fait l’un des principaux thèmes de la mobilisation.

Malgré tout, le président socialiste souhaite encore trouver un consensus politique. Pour cela, il compte sur le renouvellement du pacte de Tolède. Voté en 1995 par tous les partis politiques et approuvé par les principaux acteurs sociaux, ce document analysait les problèmes structurels du système de sécurité sociale et les principales réformes qui devaient être mises en oeuvre.

Depuis le début de l’année, la commission parlementaire du pacte de Tolède examine les propositions du gouvernement, et ce dernier s’est engagé à ne présenter son projet qu’une fois rendu le rapport de la commission.

Mais rien n’indique qu’elle parviendra cette fois à un consensus, d’autant plus qu’au printemps ses membres s’étaient insurgés contre un décret-loi visant à geler les retraites pour 2011, sur lequel ils n’avaient pas été consultés.

M. Zapatero « nous demande maintenant un accord sur les pensions alors qu’il vient de détruire celui qui existait », avait déclaré le président du Parti populaire (PP, droite), Mariano Rajoy. Pour Ignacio Fernandez Toxo, le secrétaire général du principal syndicat espagnol, les Commissions ouvrières (CCOO), M. Zapatero a oublié le « consensus social ». – (Intérim.)


Age légal Il devrait passer de 65 à 67 ans, à partir de 2013, sur douze ans.

Préretraite L’âge minimum légal passerait de 52 à 58 ans.

Montant Les prestations seraient calculées non plus sur les quinze mais sur les vingt dernières années de salaires.

allemagne : un cycle entamé en 1992

Malgré une situation démographique beaucoup plus préoccupante qu’en France, les retraites ne constituent pas, en Allemagne, une bombe sociale à retardement. Peut-être justement parce que le déclin démographique a contraint, depuis près de deux décennies – la première réforme majeure date de 1992 -, les responsables politiques à réformer le système pour lui donner une chance d’être pérenne. Certes, en arrivant au pouvoir en 1998, Gerhard Schröder (SPD) annule la réforme lancée par son prédécesseur, Helmut Kohl (CDU), l’année précédente, mais les mesures qu’il prend en 2001 et 2003 sont dans la ligne de ce qu’avaient décidé les conservateurs.

En 2001, le ministre du travail, Walter Riester, introduit notamment un système de retraites par capitalisation original : si les contribuables les plus aisés peuvent déduire cette épargne de leurs revenus imposables, les plus modestes reçoivent, au contraire, une aide de l’Etat qui peut représenter jusqu’à 90 % de leur capital.

Lors de la grande coalition qui dirige le pays de 2005 à 2009, ce sont aussi des personnalités du SPD qui portent, en 2007, la réforme aujourd’hui la plus emblématique : le recul progressif de l’âge de la retraite à 67 ans entre 2012 et 2029. La loi est donc votée par les députés de la CDU et du SPD (à l’exception de treize d’entre eux). Avec les lois dites « Hartz IV », adoptées au début de la décennie pour rendre l’Allemagne plus compétitive, ce recul de l’âge de la retraite doit parachever l’image d’un SPD réformateur mais responsable, quitte à s’éloigner du syndicat dont il est proche, le DGB.

Mais auprès des électeurs, la réforme passe mal. Selon les sondages de l’époque, près de 80 % des Allemands la désapprouvent et les manifestations du 1er mai 2007 font le plein contre ce recul social. S’il n’y a pas de grève, c’est surtout parce que la loi l’interdit, puisqu’il ne s’agit pas d’un conflit lié au travail. L’électorat de gauche s’en souviendra : beaucoup voient dans cette réforme la cause de la retentissante défaite électorale du SPD en septembre 2009.

Du coup, préparant la prochaine échéance électorale nationale, prévue pour 2013, le nouvel homme fort du SPD, Sigmar Gabriel, vient d’éteindre le mécontentement qui montait dans le parti en reportant tout début de réforme à 2015 et en y mettant comme condition qu’à cette date, 50 % des salariés de plus de 60 ans aient un travail. Ce qui n’est le cas que de 21,5 % d’entre eux aujourd’hui.


Age légal De 2012 à 2029, il sera progressivement porté de 65 à 67 ans, sauf pour les assurés justifiant d’au moins 45 années de cotisations obligatoires. L’âge légal de départ sera ajusté à l’évolution démographique.

Comptes L’équilibre financier du régime sera assuré jusqu’en 2040 au moins.

Frédéric Lemaître (Berlin, correspondant)

royaume -uni : un dossier au faible impact politique

Au Royaume-Uni, à l’exception de grèves et de manifestations qui surgissent ici et là, la réforme des retraites ne provoque guère d’émoi. Ce calme relatif est en partie lié à la dualité public-privé du système. Le financement des pensions ne dépend pas tant de l’équilibre budgétaire des régimes publics ou des perspectives démographiques, que du taux d’épargne des ménages et du niveau de pauvreté aux âges élevés, ce qui prête peu à la mobilisation. 

Le faible niveau de la pension universelle forfaitaire d’Etat – de l’ordre de 100 livres (120,4 euros) par semaine -, à laquelle s’ajoute un petit régime complémentaire, peut être compensé par l’accès à des fonds de pension d’entreprises et à des plans privés investis en Bourse. Sans parler du placement immobilier, très répandu dans cette nation de petits propriétaires pour lesquels le produit de la vente de leur logement est un élément important du pécule final.

Résultat, le royaume n’a pas de problème de soutenabilité budgétaire de ses régimes de retraite : les pensions servies par les régimes publics ne représentent que 6 % du produit intérieur brut (PIB). Et le consensus politique est de ne pas augmenter les pensions d’Etat pour résoudre le problème de la pauvreté des personnes âgées, car les prélèvements obligatoires sont perçus comme confiscatoires et pénalisants pour les jeunes.

En 2001, toutefois, une réforme a prévu le passage de l’âge de la retraite à 65 ans pour les femmes entre 2010 et 2020, l’amélioration du régime complémentaire des salariés modestes et la création de produits d’épargne retraite.

Une seconde réforme, en 2006, a été confiée à une commission d’experts dirigée par Lord Turner, ancien directeur du patronat. Le projet, ambitieux, a été saboté par le ministre des finances de l’époque, Gordon Brown, qui le jugeait trop cher. En 2007, toutefois, il a été décidé que l’âge d’accès à la pension universelle forfaitaire d’Etat passera de 65 à 68 ans entre 2024 et 2046.

Le 1er juillet, le premier ministre de la coalition entre conservateurs et libéraux-démocrates, David Cameron, a annoncé une nouvelle réforme reprenant nombre d’éléments du plan Turner.

Comment expliquer le faible impact politique d’un dossier si explosif ailleurs ? L’accent mis sur l’incitation à l’épargne, la difficulté de faire grève, le large soutien du public à la coalition au pouvoir motivent cette apathie. Et, même s’il s’organise, le lobby des retraités, victime de divisions de classe, n’a pas le pouvoir des syndicats.


Critères Les retraites d’Etat seront indexées sur les revenus et non plus sur les prix, mais sans pouvoir augmenter de plus de 2,5%. Les critères d’accès convergeront entre hommes et femmes. Les mises à la retraite d’office seront supprimées.

Fonctionnaires Leur système de retraites sera révisé.

Marc Roche (Londres, correspondant)

l’europe confrontée au vieillissement démographique

 

Le vieillissement démographique, avancé pour justifier le bien-fondé du report de l’âge de départ à la retraite, est bien réel, puisque, à l’horizon 2030, les plus de 60 ans représenteront 36 % de la population totale en Allemagne et 30 % en France.

Dans l’Union européenne, un tiers des Etats membres ont déjà fixé l’âge du départ à la retraite à 65 ans, il atteindra même 68 ans au Royaume-Uni d’ici à 2046. Mais l’âge de sortie du marché du travail est de 61,4 ans en moyenne européenne, et seulement de 59,3 ans en France. La question de l’emploi des seniors reste donc entière, tout particulièrement en France.

Le report quasi généralisé de l’âge de départ en retraite n’est pas sans conséquences sur le niveau de pension des retraités. Les partisans d’un report de l’âge de départ à la retraite comptaient initialement sur le développement de la retraite par capitalisation pour compenser la diminution du niveau des pensions.

Mais les contre-performances des fonds de pension en 2008 en raison de la crise financière ont depuis laissé de nombreux retraités démunis.

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prufessore di scienze economiche e suciale a u liceu san Paulu in Aiacciu

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