Comment je suis devenu un élève (presque) modèle par Jean-François Dortier dans SH

Quelles sont les raisons qui poussent un ex-cancre à se muer en bon élève?? Elles ne se résument pas à une potion magique – la motivation – ?mais à une alchimie de motifs, facteurs et circonstances que ?les psychologues s’attachent désormais à démêler avec précision…?

J’avais 16 ans et j’étais dégoûté de l’école. Dégoûté, fâché et en révolte. D’abord parce que je n’y comprenais rien. Les mathématiques?? «?ax + b = 0 donc x = – b/a?», pour moi, c’était de l’hébreu. Et l’inflexible prof de maths, Mme Chapuis – un robot d’acier portant un chignon – ne me paraissait pas un être humain comme les autres. Le français?? Je n’avais jamais pu assimiler la règle d’accord du complément d’objet direct ni celle des verbes intransitifs (elles me sont toujours étrangères), en plus, je frisais la dysorthographie (c’est toujours le cas). Autant dire que ma moyenne en dictée avait toujours avoisiné zéro.

L’anglais?? Les listes de vocabulaire et la règle du prétérit m’ennuyaient à mourir. J’étais prêt à faire un effort pour le jour où j’irais vivre en Amérique – mon rêve d’alors – ou pour comprendre les chansons des Beatles – mais même les traductions de «?Beatles?», «?rock ‘n roll?» ou «?Rolling Stones?» ne me paraissaient pas claires. Restaient quelques cours d’histoire qui m’intéressaient parfois. Et surtout l’éducation physique, mon vrai domaine d’excellence. Mais c’était bien insuffisant pour assurer une moyenne générale. Du coup, j’avais redoublé la sixième puis de nouveau la quatrième. Résultat?: deux ans de retard dès la quatrième. Autant dire que j’avais pris l’école en grippe.

C’était l’âge de l’adolescence, celle de l’affirmation de soi. Et quand on subit des échecs répétés, il ne reste plus d’autre issue que la fuite (mais c’était impossible), le repli (pas mon genre) ou l’affrontement?: un mécanisme de défense courant chez les exclus et qui consiste à rejeter ceux qui vous oppriment. Résister et affronter?: c’était une question d’orgueil. J’avais donc rejoint fièrement la petite communauté des cancres qui ricanaient au fond de la classe et harcelaient les profs à longueur de journée. La guérilla antiprofs était devenue mon combat.

 

Les éléments déclencheurs ?du miracle?

Puis il y eut un miracle. À quoi était-il dû?? Il y eut plusieurs éléments déclencheurs, difficiles à départager. D’abord, la grande frousse que me fit mon père?: «?Jean-François, tu auras 16 ans dans trois mois, c’est la fin de l’obligation scolaire, tu vas venir travailler à l’usine avec moi.?» Ce fut un électrochoc. Puis il y eut Marion, cette jeune prof de mathématiques d’une vingtaine d’années, venue pour aider les redoublants dans des cours de soutien scolaire (j’en étais tombé éperdument amoureux). Y a-t-il eu d’autres déclencheurs dont je ne me souviens plus?? Toujours est–il qu’en trois mois ce fut une métamorphose. Grâce aux explications patientes et limpides de Marion, l’algèbre a commencé à percer ses mystères. «?ax + b = 0 donc x = – b/a?»?: mais bien sûr?! Ce n’est pas si compliqué, j’ai compris?! C’est magique. Il suffisait de se concentrer un peu et l’énigme pouvait se résoudre. Ce fut ma pierre de Rosette. Comme Champollion avec les hiéroglyphes (en plus, il s’appelait Jean-François, c’était un signe?!).

Ce fut une révélation. Puis un défi. Au contrôle sur table suivant, j’obtins un inoubliable 16/20 en maths?: le premier de ma carrière d’élève – une note qui reste aussi présente à l’esprit que le premier baiser qui soit dit en passant, date de la même époque. J’avais même fait mieux que Pierre-Éric R., le premier de la classe. Moi devant Pierre-Éric, vous vous rendez compte?? Comment est-ce possible?? Cela voulait dire qu’on pouvait, en partant du bon pied, en se concentrant et en s’entraînant, réussir une épreuve d’algèbre. Pourquoi ne pas continuer?? Se fixer des objectifs et progresser. Puis en recueillir tous les bénéfices?: l’excitation intellectuelle, la récompense concrète d’une bonne note, le plaisir de battre Pierre-Éric, la disparition de l’épée de Damoclès que représentait l’usine. Et bonus supplémentaire, j’ai même décroché les félicitations du robot à chignon?: «?Eh bien, Jean-François, tu as mangé du lion?? Bravo?», avait dit Mme Chapuis avec un large sourire en me rendant la copie. J’étais heureux.

Ce fut le déclic. Je me suis lancé dans un entraînement scolaire intensif?: le même que je m’imposais alors pour la course à pied. Je me rappelle être allé au collège avec une sensation nouvelle?: non plus seulement pour voir les copains et me moquer des profs mais pour suivre les cours, me faire féliciter, récolter des bonnes notes. Seul désagrément?: j’éprouvais un peu de honte à l’égard de mon clan. J’avais trahi la cause. J’étais en train de rejoindre le groupe honni des Pierre-Éric, l’élève modèle (on ne disait pas encore un «?nerd?» à l’époque, mais Pierre Éric était pareil?: petit, avec des lunettes, fort en thème et nul en sport).

Ensuite, les succès se sont enchaînés, je suis passé en classe de seconde?; les années lycées furent un bonheur (en plus, j’avais une belle copine). J’ai eu le bac scientifique avec mention. Tout s’est bien passé jusqu’en fac de sciences, où j’ai décroché à nouveau.

Des histoires comme la mienne, celles d’élèves qui décrochent puis retrouvent le goût des études, ne sont pas si exceptionnelles (1)?: certains redécouvrent le plaisir d’apprendre en changeant d’orientation, en allant dans une section professionnelle, en reprenant des études plus tard, ou en s’initiant à l’informatique en autodidacte.

Que retenir de ces quelques exemples?? À peu près tout ce que l’on veut. Car chaque théorie de la motivation ou de la pédagogie peut se targuer de succès exemplaires à exhiber comme des trophées. Les tenants de l’enseignement républicain trouveront mille exemples d’enfants de milieux défavorisés arrachés à leur milieu grâce à l’enseignement classique et sa formule d’excellence, ou des élèves décrocheurs qui ont retrouvé le goût des études dans un établissement expérimental, fondant ses principes d’instruction sur les pédagogies actives.

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Un tour d’horizon des théories de la motivation scolaire?

Avant donc de tirer quelques conclusions générales sur les raisons du bonheur et l’ennui à l’école, il est bon de faire un tour d’horizon de ce qu’ont découvert les théoriciens de la motivation scolaire au terme de cinquante années d’études.

Première question à poser au préalable?: le goût d’apprendre est-il naturel?? Il semble que oui si l’on en croit les psychologues de l’enfance, qui présentent aujourd’hui les enfants comme des chercheurs en herbe, avides de savoir et de découvertes (2).

Apprendre est à la fois une disposition, et une envie spontanée présente chez tous les enfants, qui apprennent spontanément à marcher, à parler, mais qui prennent aussi plaisir à découvrir la nature, les animaux, se passionnent pour les fourmis ou les dinosaures, questionnent leurs parents sur tout et n’importe quoi (le fameux stade du «?Dis, pourquoi???»). Beaucoup d’enfants veulent apprendre à lire et cherchent à deviner le sens des lettres avant l’âge (3), tout simplement par jeu. Les enfants aiment apprendre comme ils aiment jouer.?Aristote affirmait déjà que «?l’homme a naturellement la passion de connaître?» (4), Saint Augustin appellera libido sciendi le désir de connaître, l’un des trois désirs fondamentaux, avec le désir de dominer (libido dominandi) et le désir sensuel (libido sentiendi). Sigmund Freud, lui, fera du désir de connaître, qu’il appelle «?épistémophilie?», l’expression détournée et sublimée de la pulsion sexuelle. Épistémophilie, presque le nom d’une perversion sexuelle…

 

Pourquoi les élèves s’ennuient ?à l’école?

Le goût pour les études ne s’éteint pas après l’enfance. L’adolescence, âge de l’acné, des poussées libidinales et des copains, est aussi l’âge d’une véritable poussée intellectuelle qui conduit les uns à se plonger dans les romans, les autres à se passionner pour la science ou la métaphysique et les jeux de l’esprit. Jean Piaget voyait dans l’adolescence l’âge des «?opérations formelles?». C’est aussi l’âge des passions, de l’idéalisme par excellence. Si à l’âge adulte le goût pour les études est mis en sommeil par les contraintes de la vie, il se réveille chez beaucoup au troisième âge, âge auquel les seniors occupent les chaises dans les conférences publiques et assistent aux «?universités pour tous?».

S’il existe un goût spontané pour la connaissance, le savoir, la découverte, l’apprentissage, comment se fait-il que tant d’élèves se morfondent en classe, se désolent devant la liste des devoirs à faire chaque soir et éprouvent le blues du dimanche soir??

Une première raison est structurelle et implacable. Beaucoup d’élèves s’ennuient parce qu’ils sont vivants. Quand vous êtes un enfant, un adolescent, vous êtes plein de vie?: vous avez envie de bouger, de courir, de rire, de jouer, de bavarder avec les copains et bien d’autres choses encore. Et le fait d’être assigné sept heures par jour sur une chaise en classe ou devant des cahiers et des livres est contradictoire avec l’énergie bouillonnante qui est en vous. Le désir de connaître existe mais ne peut pas s’accorder spontanément avec les logiques de l’institution scolaire. Même dans un monde idéal, avec des programmes passionnants, des professeurs exemplaires et des enfants épanouis et bien formatés pour l’école, il y aurait tout de même de l’ennui, l’échec des uns et la réussite des autres.

L’institution scolaire a été forgée au cours du temps autour de disciplines, de programmes, d’horaires, d’épreuves et d’examens successifs. Elle n’est pas faite pour l’épanouissement des élèves.

Dans un livre témoignage publié il y a une dizaine d’années déjà, Pourquoi vos enfants s’ennuient en classe, Marie-Danièle Pierrelée (qui sait de quoi elle parle, elle qui a été enseignante puis directrice d’un collège en zone d’éducation prioritaire) partait de ce constat sévère?: les élèves s’ennuient. Pas simplement ceux qui sont en échec scolaire, mais aussi la majorité silencieuse qui travaille consciencieusement et parvient bon an mal an à franchir les étapes.

À travers le portrait de ces élèves ordinaires, ni cancres, ni élèves modèles, elle dressait un constat assez pessimiste?: celui de profs désabusés et d’élèves sans enthousiasme, chacun attelé à être le moins mauvais possible. Depuis, le constat s’est aggravé?: selon une étude de l’association de la fondation étudiante pour la ville (Afev) de 2010 (5) sur les enfants issus de quartiers populaires, à la question «?Aimes-tu aller à l’école???», près des trois quarts (73,3?%) des écoliers interrogés répondent «?un peu, pas trop ou pas du tout?». Le taux d’élèves peu motivés passe à 82,5?% chez les collégiens. Pire, d’après la même étude, plus d’un tiers des élèves de milieux défavorisés a mal au ventre avant d’aller à l’école. Si les enseignants souffrent au travail, les élèves aussi.

À la question de la motivation des élèves s’ajoute depuis quelques décennies ce que l’on a appelé une «?crise?» de l’école, qui recouvre une «?crise de sens?», liée à une construction quelque peu kafkaïenne des programmes, mais aussi à la course au diplôme rendant les parcours éducatifs de plus en plus longs, tortueux et aux résultats incertains. Même les diplômés de l’enseignement supérieur ne sont plus vaccinés contre le chômage.

Des enseignements peu adaptés aux envies des élèves, des parcours scolaires de plus en plus longs, une compétition plus rude, un avenir plus incertain?: la démotivation des élèves tient beaucoup à cela.

Face à la crise de sens de l’école, face à l’échec d’une partie des élèves, enseignants et parents rêveraient de pouvoir les «?remobiliser?». Mais comment?? Faut-il revoir de fond en comble les programmes?? Changer la pédagogie?? Assister chaque élève dès la première défaillance, trouver dans les tréfonds de son cerveau les zones sensibles susceptibles d’éveiller son intérêt?? (6)?

Depuis plusieurs décennies déjà, les psychologues de l’éducation se penchent sur les ressorts de la motivation à apprendre. Longtemps, les théories reposaient sur quelques motivations essentielles – le désir d’apprendre, le besoin d’accomplissement, les habitus familiaux, les systèmes de récompense et sanction.

 

Le goût des études ?est-il naturel???

Puis, à partir des années 1960-1970, il s’est produit une «?révolution conceptuelle?» dans l’approche de la motivation (7). Des modèles nouveaux sont apparus. Ceux-ci ont mis en avant la diversité des «?buts?» et des «?valeurs?» de l’élève (plutôt que des pulsions ou des conditionnements) qui le poussent à s’engager ou non. L’accent a aussi été mis sur les mécanismes psychologiques d’autoévaluation de ses compétences.

L’un des points de départ de ces nouvelles approches a été la théorie d’autodétermination (TAD) du psychologue Edward Deci et de son compère Richard Ryan. Leur modèle est l’un des plus connus dans le domaine. Il part d’une distinction entre «?motivation intrinsèque?» et «?extrinsèque?». La motivation intrinsèque est ce que l’on fait de son propre chef. La motivation extrinsèque est ce que l’on fait pour obtenir une récompense (ou pour ne pas subir une déconvenue). Ainsi, à l’école, je peux travailler la physique soit parce que je suis passionné par les électrons, les planètes, les lois de la nature (motivation intrinsèque), soit parce que c’est une matière à fort coefficient que je ne peux me permettre de délaisser (motivation extrinsèque).

 

Il faudrait interdire la lecture de Balzac aux élèves?

Le résultat paradoxal de cette dichotomie est que la motivation extrinsèque est parfois un frein à la motivation intrinsèque. Des expériences ont montré que le plaisir d’apprendre pouvait perdre de son intérêt propre si on y surajoutait une récompense?! Autrement dit, j’aime d’autant mieux lire des romans qui ne sont pas inscrits au programme. À la limite, m’a suggéré un jour un esprit malicieux, «?il faudrait interdire la lecture de Balzac ou de Rimbaud aux élèves?: ce serait un bon moyen pour leur donner envie d’aller lire ces auteurs?!?»

Le rêve des parents et des éducateurs serait bien sûr de pouvoir inoculer aux enfants cette «?motivation intrinsèque?» qui donne le plaisir de travailler sans avoir le sentiment de le faire – c’est le propre de toute passion. Les parents lisent des histoires à leurs enfants, les amènent à la bibliothèque dans le secret espoir qu’ils vont déclencher un amour pour la lecture. Ce n’est d’ailleurs pas le plus mauvais moyen.

Mais la motivation ne serait pas «?intrinsèque?» (c’est-à-dire «?autodéterminée?») si les parents ou éducateurs pouvaient l’inculquer à leur gré. Le «?rapport au savoir?» ou le «?sens?» qu’un élève peut donner à un enseignement est un phénomène complexe et très singulier. Par quel cheminement Juliette s’est-elle découverte une passion pour le droit?? Elle a voulu devenir juge pour enfants après avoir vu une série télévisée dont l’héroïne exerçait ce métier. Charlotte a eu une révélation pour l’histoire après avoir vu le film Il faut sauver le soldat Ryan.

Les approches en termes de «?buts?» (goal setting) et «?valeurs?» ont mis les psychologues sur la piste de motifs très divers intervenant dans l’engagement des élèves. Ainsi, la théorie de John Carew Eccles suppose que les motivations pour s’intéresser à un sujet d’étude peuvent relever de quatre types de valeurs?: la motivation intrinsèque (le goût pour la littérature par exemple), la motivation externe (la récompense attendue qu’est le diplôme), mais aussi l’image de soi (être dans une section prestigieuse) ou encore l’aisance que l’on a dans ce domaine (on choisit souvent ce qui est le plus facile pour soi). Les élèves peuvent donc travailler pour de multiples raisons?: pour le plaisir, pour la note, pour faire plaisir aux parents, pour la compétition. Ils peuvent se mobiliser en fonction d’un objectif à long terme (un projet professionnel), à moyen terme (un diplôme), ou à court terme (le prochain contrôle). Mais ce n’est pas tout?: les élèves agissent aussi de façon stratégique, en estimant (plus ou moins bien) leur propre capacité à réussir.

La théorie d’Albert Bandura est un autre «?hit?» des théories de la motivation scolaire. A. Bandura a proposé une théorie qui considère l’élève (et l’individu en général) comme un «?agent?», c’est-à-dire un acteur de sa propre vie. Cet agent est attentionnel (il se fixe des buts), mobilise une pensée anticipatrice (il se projette dans l’avenir) et est «?autoréactif?» (il analyse sa situation, s’évalue lui-même et se corrige) (Smilie: 8).

L’un des concepts en vogue dont il est le promoteur est le «?sentiment d’auto-efficacité?». Cela signifie tout simplement que l’élève évalue son investissement en fonction de ses chances de réussite (qu’il évalue plus ou moins valablement). Évidemment, une morale édifiante s’ensuit?: celle de l’enfant à qui l’on parvient à montrer qu’il est capable de réussir une épreuve dont il se croyait incapable. Il suffirait donc de tout reprendre patiemment pour supprimer «?l’illusion d’incompétence?»* (9)qui serait un motif d’échec. L’illusion d’incompétence est exactement ce que j’avais vécu avec l’algèbre jusqu’en quatrième quand je pensais «?je suis nul en maths, ce n’est pas fait pour moi?»?; grâce à Marion je m’en suis sorti. Ne nous attardons pas sur le mécanisme inverse, «?l’illusion de compétence?», que j’ai connu par la suite en fac de sciences. Cette illusion de compétence fut suivie d’une cruelle désillusion, lorsque je fus confronté à de vrais caïds des maths.

La motivation est ?une construction permanente?

Toutes les théories actuelles de la motivation arrivent peu ou prou à un même constat. La motivation est une construction et reconstruction où interviennent plusieurs composantes?: des buts et valeurs diverses, des modèles, des influ­ences, des stratégies réflexives. Ces théories, une fois dépouillées de leur jargon abstrait et de leur carapace conceptuelle, se résument à un constat assez unanime?: la motivation n’est pas ce carburant magique qui ferait tout à coup rebondir l’élève grâce à la restauration de l’estime de soi, au sentiment d’auto-efficacité ou à la baguette magique de l’effet Pygmalion*, un ressort qui pousserait tout à coup l’élève à s’intéresser, à travailler, à y croire, à réussir et à être récompensé, selon un merveilleux cycle positif.

La psychologie et la sociologie de l’éducation se sont beaucoup intéressées aux cas extrêmes?: aux élèves en échec et plus récemment à ceux qui réussissent (malgré les handicaps). La plupart des élèves d’une classe ne sont ni bons, ni mauvais, ils sont «?moyens?». La majorité des élèves n’échoue ni ne réussit. Tout au long de leur scolarité, ils s’accrochent?: ils s’en sortent bien dans une ou deux matières, surnagent dans la plupart des autres, et touchent le fond dans une ou deux autres. Certains font de leur mieux, d’autres travaillent à l’économie. On ne peut pas dire qu’ils «?s’ennuient?» ou qu’ils sont «?motivés?» pour les études. Pour la plupart, la motivation oscille en fonction des cours, des professeurs, de l’humeur du moment, de la difficulté de la tâche. Avant un diplôme important, on s’implique massivement, comme pendant les dernières semaines avant le bac.

La psychosociologue Claude Lévy-Leboyer résume son approche constructive de la motivation de cette façon?: «?Le processus motivationnel repère, sous forme de boucle, les six étapes suivantes?: j’accepte un objectif, je pense que je suis capable de l’atteindre, je sais quels résultats je vais recevoir en retour, je passe de l’intention à l’action, je reçois des informations utiles sur ma performance en cours de route, je confirme ou je révise mes objectifs (10).

Quelle conclusion en tirer?? Une bonne et une mauvaise nouvelle. Commençons par la mauvaise. Il n’y a pas de recette miracle qui permettrait de remotiver les élèves, car il n’y a pas un ressort unique caché dans le cerveau des élèves ou dans l’organisation idéale des études. La bonne nouvelle, c’est que rien n’est à désespérer?: si la motivation est une construction permanente, tout ce qui a été détruit peut se reconstruire. C’est ce qui m’est arrivé.

 

NOTES

(1) Bernard Bergier et Ginette FrancequinLa Revanche scolaire. Des élèves multiredoublants, relégués, devenus superdiplômés, Érès, 2005.
?(2) Voir le dossier «?À quoi pensent les enfants???», Sciences Humaines, n° 219, octobre 2010.
(3) Françoise BoulangerÀ la découverte de la lecture, Éditions Sciences Humaines, 2010.
(4) AristoteMétaphysique, Flammarion, 2008.
(5) Étude Baromètre Trajectoires/Afev sur le rapport à l’école des enfants de quartiers populaires, réalisée auprès de 760 élèves de primaire et collège en 2010.
(6) «?Comment motiver les élèves???», titrait le magazine Cerveau & Psycho en septembre 2010, en suggérant que «?l’étude du cerveau?» apportait aux sciences de l’éducation quelques recettes pédagogiques propres à redynamiser les élèves.
(7) Philippe Carré et Fabien FenouilletTraité de psychologie de la motivation, Dunod, 2008.
(Smilie: 8) Albert BanduraAuto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle, De Boeck, 2007.
(9) Étienne Bourgeois et Benoît Galand(Se) Motiver à apprendre, Puf, 2006.
(10) Claude Lévy-LeboyerLa Motivation au travail. Modèles et stratégie, éd. d’Organisation, 2006.

 

About GhjattaNera

prufessore di scienze economiche e suciale a u liceu san Paulu in Aiacciu

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