Agnès Varda in memoriam

Agnès Varda dans Visages Villages, © JR et Agnès Varda 2016

Agnès Varda nous a quittés ; elle aurait eu 91 ans dans deux mois. Cette petite bonne femme a marqué de son empreinte toute une génération, voire davantage, et je voudrais rappeler quelques moments de son œuvre qui ont marqué ma trajectoire, mon futur et sans doute ma vie. Pour les grands détails de son histoire, vous lirez les nombreux papiers que les journalistes vont s’empresser d’écrire. Je n’interviendrais ici que sur quelques détails.

Au début de ma vie d’adulte, je voulais être photographe. Agnès Varda animait une émission sur la troisième chaîne qui s’intitulait « Une minute pour une image » (1982) et chaque soir, durant une minute elle parlait en voix off d’une seule photographie. La caméra faisait un gros plan sur des détails et Agnès Varda nous apprenait à lire une image, à y passer du temps. Pas seulement le temps de la contemplation, mais du temps pour réfléchir, du temps pour comprendre. Cette émission et cette démarche m’ont accompagné et j’ai toujours essayé de faire des photographies en pensant à ces éléments. A la même époque, Pierre Boulez essayait à son tour de faire comprendre la musique contemporaine, mais cela n’a pas eu un grand succès…

Et puis, Agnès Varda c’est Les Glaneurs et les glaneuses (1999), un documentaire surprenant d’une grande humanité sur le glanage et le grapillage, et toute une réflexion sur les surplus des champs, des vignes, des jardins ; cette abondance que nos sociétés refusent comme ce calibrage de la pomme de terre qui faisait à l’époque des tonnes d’invendues. C’est une enquête sur les reliquats. Aujourd’hui, les pommes de terre en forme de cœur se trouvent parfois dans les sacs…  Sans doute grâce à elle. On y rencontre des personnages pittoresques, d’autres surprenants. Deux ans plus tard, elle fit une suite, intitulé Deux ans après (2002) où l’on revoit certains personnages, comme cet homme qui vit en mangeant ce qu’il trouve dans les poubelles. Elle questionne notre système économique et notre système de production alimentaire. Elle montre l’envers du décor, c’est souvent ce qui l’anime.

Et puis très récemment, un autre documentaire, cette fois réalisé avec l’artiste JR intitulé Visages Villages (2016), où ensemble ils parcourent la France à la recherche de visages et d’une mise en contexte économico-socio-politique. JR fait des tirages en très grand format et les collent sur les murs d’une ville, sur une citerne de wagon, sur une cuve de raffinerie, etc. Un travail graphique qui met en valeur les gens, qui rehausse le petit peuple, et montre encore une fois une grande humanité. A voir absolument…

Les orteils d’Agnès Varda, dans Visages Villages, © JR et Agnès Varda 2016

Et puis Agnès Varda c’est aussi des films comme  Sans toi ni loi (1985) sur une jeune femme SDF, ou encore La pointe courte (1954) où l’on voit Philippe Noiret dans son premier rôle. Un film aux qualités ethnographique sur un petit village dans les environs de Sète. Une merveille…  Bref, c’est un ensemble de 42 films et documentaires dont un certain nombre que tout être humain doit avoir vu pour pouvoir se qualifier d’être humain.

Au revoir Madame.

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