À la découverte de la transition urbaine

Ce mercredi, nous avons commencé par jouer. Le jeu Kapital, initié par le couple de sociologues Monique et Michel Pinçon-Charlot, chercheurs au CNRS, aujourd’hui à la retraite. Ce serious game nous a permis de mettre le doigt sur la notion de classe sociale et de la guerre ouverte entre les riches et les pauvres dans notre société. D’une manière amusante, les étudiants ont parcouru les 81 cases de ce jeu et ont découvert les principes du maintien des règles sociales édictées par les dominants pour asseoir leur domination. Dit comme cela, c’est moins drôle, mais la matinée est passée rapidement.

L’après-midi a été consacrée à la « balade urbaine » à travers le quartier du Mirail. Les étudiants en ont découvert l’histoire et les enjeux. Aujourd’hui, pourrions-nous dire, la transition urbaine consiste à déplacer les populations les plus pauvres en réhabilitant les immeubles, en transformant les quartiers, grâce à la gentrification des zones autrefois dédiées aux classes modestes. Les anciens habitants se souviennent en cherchant les dernières traces encore visibles. Mais bientôt la table rase de l’urbaniste complice ne permettra plus de reconnaître ce qui fut à l’origine un modèle d’urbanisme et d’architecture moderne.

Dans leur note de synthèse hebdomadaire, chacun aura pris un moment pour rédiger quelques lignes sur cette journée assez dense. Nous nous réservons la possibilité d’en extraire les meilleures pages.

=> Monique et Michel Pinçon-Charlot, Kapital ! Qui gagnera la guerre des classes ?, illustré par Etienne Lécroart, Montreuil : Editions La ville brûle, 2019

=> Marie-Christine Jaillet-Roman, Mohammed Zendjebil, « Le Mirail : un projet de « quasi-ville nouvelle » au destin de grand ensemble », Histoire urbaine, vol. 3, n°17, 2006, pp. 85-89

=> Barbara Morovich, « Entre stigmates et mémoires : dynamiques paradoxales de la rénovation urbaine », Urban Research, special issue 5, 2014, https://doi.org/10.4000/articulo.2529

=> François Tomas, Jean-Noël Blanc, Mario Bonilla (dir.), Les grands ensembles. Une histoire qui continue…, Saint-Etienne : PUSE, 2003

Un serious game pour bien commencer l’année



La semaine dernière les étudiants ont joué à Subpœna, un serious game élaboré par l’université de Bordeaux, sous la responsabilité de Katie Brzustowski-Vaisse, autour de trois notions indispensables en matière de recherche.

• La sensibilisation au plagiat ;

• Le référencement bibliographique ;

• La bonne pratique en matière de recherche.

Cette enquête policière permet de confondre un plagiaire. Son mémoire comporte trois sources plagiées que le joueur doit identifier, traquer et avec lesquelles il fabrique la preuve formelle du plagiat.

Cela permet de référencer les sources bibliographiques, d’un livre, d’un article scientifique et d’un article scientifique en ligne (numérique). Cela permet aussi de se rendre compte de la bonne démarche et de la bonne pratique pour effectuer une recherche saine et honnête.

Ce sérious game a été plébiscité par les étudiants qui demandent d’en faire d’autres. Effectivement, apprendre en jouant est une très bonne solution d’apprentissage. On en garde un bon souvenir, et les notions sont exploitées lors d’un débriefing.

Ce jeu sérieux permet aussi de sensibiliser les étudiants aux conséquences du plagiat. À bon entendeur, salut !

=> http://doc-pedagogie.u-bordeaux.fr

Les soutenances de deuxième session – 14 septembre 2022

Les étudiants et le jury en séance de travail

Lorsqu’arrive l’automne, les mémoires sont mûrs et nous pouvons cueillir cette nouvelle récolte avant d’ensemencer à nouveau.

Huit étudiantes et étudiants ont soutenu leur mémoire, et nous allons faire un tour de table.

Sara Boulet, À l’écoute de la ville. Sons – espaces – sociétés, dir. Américo Mariani, nous a livré une réflexion intéressante sur le son dans la ville, à travers une dimension historique, psycho-acoustique, sur ses choix et son rapport aux sons. En fin de soutenance, elle a tenu à nous faire entendre une composition urbaine réalisée à partir des neuf chantiers qu’elle a débroussaillés.

Lou Mercier, Prison : « l’évasion » par la culture, dir. Noël Jouenne, a révélé une réelle passion pour son sujet, entre le plaidoyer et l’éclairage de situations objectivement observées, elle a su ouvrir une voie vers la thématique des prisons et des peines. Son argumentation a été convaincante et pleine d’énergie.

Carlotta Pesole, La ville à l’heure du Covid-19, à travers la ville de Toulouse, dir. Noël Jouenne, s’est penchée sur la période de la pandémie et du covid. Après nous avoir livré l’historique des épisodes qui ont marqué la France, elle s’est penchée sur les formes de mémoires collectives autour de la perception des réalités sociales et des enjeux. Elle devra toutefois reprendre son mémoire écrit dans une langue étrangère à la sienne.

Valéria Castillo, Le manège comme scénographie. Étude de cas du Carrousel de la Place Wilson et du Manège Carré Sénart, dir. Américo Mariani, nous a gratifié d’un mémoire sur les manèges toulousains. Un sujet d’étude rondement mené qui montre que chaque objet de la ville peut être saisi et étudié. Simple objet de loisir, le manège révèle en fait des enjeux considérables dans les espaces publics.

Iyed Aggab, La FoodTech à Toulouse. La ville sous la culture du numérique, dir. Mohammed Zendjebil, s’est penché sur la FoodTech et principalement les livreurs à vélo (et autres engins). Un travail qui aurait pu déboucher sur le droit du travail, et cette nouvelle classe sociale de travailleur de la peine, contrôlée par le numérique.

Baptiste Ducousso, L’architecture d’un savoir-faire à un savoir-être, dir. Noël Jouenne, a remis sont histoire personnelle d’ancien compagnon (peut-on être ancien compagnon ou n’est-on pas toujours compagnon ?) et de son implication dans une démarche réflexive autour du métier d’architecte et de ses fonctions. Peut-on se passer d’architecte ? Une réflexion qu’il poursuivra certainement.

Sacha Maffre, Le rôle de l’espace public à l’échelle d’une place. Étude de cas de la place Saint Georges, dir. Mohammed Zendjebil, a développé une ébauche d’un travail sur l’espace public. Cette notion complexe nécessitera de retravailler sur son mémoire avant dépôt.

Enfin, Carla Bouisset, Une morphologie, des rythmes : aborder un espace public pour révéler la ville. Approche socio-spatiale : le cas de l’espace public des allées Jules Guesde à Toulouse, dir. Mohammed Zendjebil, a abordé la notion d’espace public à travers les rythmes et les morphologies spatiales et sociales. Son travail a été remarqué tant il foisonnait d’indices montrant une appétence pour la recherche.

Une belle fournée par conséquent qui a su motiver les nouveaux étudiants qui sont, elles et eux, en pleine réflexion sur leur sujet à venir…

Au revoir et bonne route !

Bienvenue à nos nouve·lles·aux étudiant·e·s


Grâce à l’écriture inclusive je peux m’adresser à l’ensemble des étudiant·e·s en peu de mots. Evidemment, c’est moins lisible, et je n’imagine pas la difficulté à lire un roman de Milan Kundera rédigé dans cette convention, mais que voulez-vous, il faut bien contenter tout le monde.


Mathilde, Léa, Rose, Prisca, Sarah, Raphaël, Steven et Ebrahim vont participer à cette nouvelle aventure (d’autre sous rejoindront peut-être la semaine prochaine). En attendant, chacun a pu parler de la thématique qu’il souhaite développer et cet après-midi permet de digérer toute cette première séance.

Raphaël s’intéresse à l’urbanisme, et peut-être à la question de la territorialité partagée de Jean Rémy; Rose va se pencher sur l’aspect plus psychologique du rapport des gens dans la ville; Steven lui s’intéresse au rapport richesse/pauvreté et souhaite porter un regard sur l’es formes d’utopies; Mathilde s’intéresse aux modes de vie, leurs richesses et leurs diversités; Sarah se penche sur l’accélération et peut-être la gentrification; Ebrahim voudrait se rapprocher des métavers ou de la gouvernance; Prisca souhaite travailler sur les espaces publics et Léa se pencherait sur sa ville natale Nancy. Quant à Solène, elle nous rejoint pour travailler sur un quartier…

La semaine prochaine sera consacrée aux soutenances de deuxième session. Nous aurons la joie d’assister aux soutenances de Iyed pour un mémoire portant sur la FoodTech à Toulouse, Valéria sur le manège comme scénographie, Carlotta à propos de la ville à l’heure du Covid-19, Lou autour de la prison: « L’évasion » par la culture, et Sara pour une écoute de la ville. Carla, Sacha et Baptiste seront de la partie. Huit mémoires autour de la ville en mouvement. Je me propose de faire un petit compte rendu de chacun d’eux dans ce blog.

La ville de demain c’est maintenant

Quelle ville demain ? C’est la question que nous nous sommes posée hier au cours d’une réunion de travail de rentrée. Si l’on fait un rapide bilan des deux dernières années, la facture est lourde : crise sanitaire mondiale, guère en Ukraine, débordement du climat cet été… Avec pour conséquence des implications économiques, écologiques et sanitaires.


Cette accélération des « événements » questionne : s’agit-il d’un emballement ?

Yona Friedman, The human being explained to aliens, Ed. de l’Eclat, 2016

Jacques Neirynck au début des années 1980 publie un livre dans lequel il est question d’entropie et d’entropologie. Dans son introduction, Neirynck fait le constat suivant : « Après deux siècles de révolution industrielle, nous n’avons toujours pas réussi à élaborer un système économique qui soit à la fois adéquat aux techniques, approprié à l’environnement et respectueux de l’homme » (p. 6). Ce constat établi en 1986 reste non seulement valable aujourd’hui, mais les choses se sont dégradées davantage.

Par entropie, concept puisé dans la mécanique thermodynamique, ce principe évoque l’idée que « toute action entraine une dégradation dans le futur. » Et il ajoute que « plus l’homme technicien travaille localement à organiser la planète, plus il la désorganise globalement » (p. 7). Par exemple, les climatiseurs évacuent de la chaleur qu’il faut compenser par d’autres climatiseurs. La boucle ne s’arrête jamais. L’auteur expose plusieurs paradoxes issus du progrès technique qui, s’ils viennent pallier des difficultés contemporaines et temporaires, agissent comme autant d’éléments compromettant l’existence de notre espèce.

La réaction de la société a tendance à évacuer les paradoxes en niant les évidences. Nous sommes actuellement en plein dans ce que Neirynck nomme l’illusion technique à travers la transition écologique qui voudrait que l’on supprime les véhicules utilisant des ressources issus du pétrole pour les remplacer par des véhicules électriques, utilisant les ressources indirects des énergies fossiles, solaire, nucléaire, et ainsi sauver la planète (l’espèce humaine). Si dans une première intention, cette solution apparaît comme salvatrice, elle ne tient pas à long terme car les composants nécessaires à la fabrication des piles, notamment, ou des moteurs, sont rares, polluants, et limités en quantité. Leur extraction et leur transformation aboutissent à des techniques onéreuses qui ne seront pas disponibles pour tous les êtres humains de la planète. Seuls, une poignée d’élus, c’est-à-dire, des classes supérieures auront accès à ces engins.

Dans le même temps, la destruction de la nature par l’exploitation outrancière des mines de matériaux rares, la surexploitation de l’industrie, annulent les effets bénéfiques en accumulant des retombées négatives sur les hommes vivant de ces métiers, sur l’environnement immédiat, et participent directement ou indirectement au dérèglement climatique dont nous avons pu saisir l’ampleur cet été. Selon les études, la pollution tue indirectement 300 à 400 toulousains chaque année. La difficulté à obtenir des informations précises tient à la difficulté de corréler un ensemble complexe de données, mais aussi aux enjeux politiques qui y sont liés. La solution qu’adoptent de nombreuses villes est de construire une Zone à Faible Emission de CO2 et de particules fines afin d’essayer de régler le problème environnemental. Quelles seront les conséquences sur les populations captives (éloignées et pauvres) qui ne pourront s’offrir de « véhicule vert » ?

Nous proposons d’ouvrir le débat et d’engager une réflexion sur cette ville de demain qui arrive aujourd’hui.

=> Neirynck Jacques, Le huitième jour de la création. Introduction à l’entomologie, Presses Polytechniques et universitaires Romandes, 1986

=> Neirynck Jacques, Le huitième jour de la création. Un mode d’emploi pour la technique, 3ème édition, Presses Polytechniques et universitaires Romandes, 2005

1948 n’est pas 1949

Ce qui peut apparaître comme un détail est en réalité un fondement. Alors que je conseillais à un étudiant le film de King Vidor, Le rebelle, (The Fountainhead), avec Gary Cooper, je faisais quelques recherches sur Internet pour m’assurer de la date de sortie du film. Sur Wikipedia, il est noté 1949, alors que sur le site de la Cinémathèque il est noté 1948. Cependant, sur un autre site, « chroniques du cinéma » il est noté 1949. Cette question du détail est essentielle lorsque l’on fait de la recherche, car l’exactitude reste une donnée objective qu’on ne peut pas mettre en cause. Imaginons un instant que le film soit sorti au moment d’un événement politique important, le lien pourrait nous renseigner sur l’état de la société à ce moment précis. Ici, nous ne sommes pas à une année près, et pourtant, tout démarre avec ce défaut de précision, et une recherche qui commence par une erreur se termine par un biais (selon l’effet papillon).

Le site « Chronique du cinéma » propose son résumé depuis août 2010 alors que la page Wikipedia est active depuis mars 2016. Nous savons comment l’information a transité et dans quel sens.

De mon côté, je trouve la bande-annonce du film en question qui se trouve sur la page même des « chroniques » : une sorte de bâton pour se faire battre. Le teaser dure 2 mn 17 et à 2 mn 13, j’effectue un arrêt sur image. En bas se trouve le copyright MCMXLVIII by Warner Bros.

Pour ceux qui ne lisent pas les chiffres romains, c’est plus compliqué, mais ici, il est clairement indiqué 1948.

Seconde vérification en allant voir sur le site Le Monde et en cherchant dans les archives ce qui a pu être dit à propos du film. 

Un article du 3 décembre 1987 commence ainsi :

« IL y a dans le Rebelle, de King Vidor (1948) _ qui raconte la vie d’un architecte de grande ambition, peut-être Frank Lloyd Wright, en butte à la mesquinerie d’une société sans idéal, _ de nombreux plans célèbres et majestueux, pleins d’autorité, comme le marmoréen Gary Cooper. »

Voilà un croisement à partir de deux sources différentes légitimes. Qu’entend-on par légitimité ?

Pour qu’une source soit légitime, il faut que son auteur puisse être identifié, il faut que la source soit une source professionnelle, sérieuse, et sans conflit d’intérêts. La Cinémathèque est une source professionnelle, et le journal Le Monde est un journal sérieux de référence. Par contre, le site amateur « Chroniques… » renvoie à un prénom, « Justin », et à aucune autre donnée relative à sa légitimité ou à son expertise. Le site Wikipedia est une encyclopédie populaire véhiculant et répétant de genre d’erreur puisqu’elle ne s’alimente qu’à partir de sources Internet.

Ceci nous enseigne qu’il faut être doublement vigilant lorsque l’on cherche une information sur Internet, et qu’il faut savoir valider ses informations avant de les diffuser à notre tour. 

Comment fonctionne l’information ?

« Mardi, près de 200 manifestants, jeunes pour la plupart, ont organisé un rassemblement dans la ville de Dortmund, dans l’ouest de l’Allemagne, pour protester contre la violence policière, après qu’un jeune Noir de 16 ans a succombé aux blessures infligées par la mitraillette d’un officier. »

Une information brève diffusée sur les canaux allemands à la suite d’une bavure policière. Le mouvement de contestation s’étend en Allemagne. Trois jours plus tard, toujours aucune information à ce sujet n’a été diffusée sur les chaînes françaises (journaux et télévision). Cet exemple nous sert à montrer comment circule l’information, comment elle est filtrée et organisée à l’échelle internationale.

© 2022 Deutsche Welle

Vouloir travailler l’information à l’échelle internationale nécessite de mettre en place un système d’informations internationales, non censurées, et complètes, et de croiser ses sources. Alors que la tendance des principaux médias est d’uniformiser l’information, et d’évacuer tout ce qui relève des injustices, se faire une opinion « neutre » et « claire » passe inévitablement par la recherche de sources non soumises au contrôle des grands groupes financiers.

Pour compléter cette réflexion, nous pourrons aller lire l’article de Fang Fang dans Le Monde diplomatique d’août 2022 au sujet de cette écrivaine censurée par le pouvoir politique chinois au moment de la pandémie du Covid-19. Le fait que l’article soit réservé aux abonnés mérite de réfléchir à la qualité des articles « gratuits » et à cette notion de gratuité dans notre économie néo-libérale.

 

=>Fang Fang  « Ce que l’épidémie a changé, ce sont les gens » , Le Monde diplômatique, août 2022, (édition réservée aux abonnés).

Source : https://www.dw.com/en/germany-protesters-rally-after-police-killing-of-black-youth/a-62766493

Traduction Deepl

La ville en mouvement en 2001

Un peu de fraîcheur en ce mois d’août, Empalot en hiver © JN

 

Francis Godard (sa page Wiki est édifiante) a écrit en 2001 un petit guide dans la collection Découvertes Gallimard destiné à appréhender La ville en mouvement. Ce titre nous intéresse parce que c’est le nom de notre séminaire. Mais je rappelle que l’idée nous vient des travaux de Colette Pétonnet et du LAU. Les vingt années qui nous séparent de ce livre vont nous être utiles pour entrevoir les biais liés à l’air du temps.

Faut-il expliquer ce principe ? Chacun de nous appartient à son époque, à son temps, et nous véhiculons tous, sans même nous en rendre compte, des préjugés et des idées reçues face à l’idée qu’on a du monde. Lorsque l’on croit être original, on diffuse en réalité des idées captées dans l’air du temps, et les plus intuitifs et créatifs d’entre nous sont ceux qui savent capturer ces moments. C’est-à-dire qu’ils ont appris à lâcher prise sur leur temps. De même, quand on écrit un livre, si les idées peuvent apparaître originales, c’est qu’elles n’ont pas encore été apprivoisées par l’ensemble de la société, ou qu’elles n’ont pas encore franchi le seuil de l’acceptation.

Voilà pourquoi ce livre va nous intéresser, parce qu’il fait état d’une pensée en 2001. Une pensée autorisée parce que validée par l’éditeur. 

Les quatre chapitres qui forment l’ouvrage portent sur la métamorphose de la ville, d’un point de vue architectural et urbanistique (Godart était à l’époque aux Ponts et Chaussées), un chapitre sur les réseaux et la circulation des énergies, des fluides et des déplacements. On y parle du tout-voiture. Un chapitre sur les nouvelles compositions urbaines, avec une place importante pour l’espace public. Un dernier chapitre sur la ville qui assemble ou qui sépare.

Dans le chapitre deux, à côté du constat de l’étouffement des villes et de la densification de la circulation, plusieurs solutions apparaissent, notamment pour le « petit véhicule urbain électrique » : « Lorsqu’on sait, écrit Godard, qu’en Europe, 48 % des trajets font moins de 3 km et que les démarrages à froid et les courtes distances, pour lesquels on n’atteint pas les températures d’eau et d’huile correctes, sont ceux qui entraînent d’importantes surconsommations et surémissions de polluants » (p. 52) on pense à développer le véhicule électrique. Très peu autour du vélo, et s’il est question des pistes cyclables, ce n’est qu’à titre anecdotique. Le vélo, Godard n’y croit pas, comme la majorité des fabricants de la ville (aménageurs, décideurs, acteurs de l’urbain). Voilà une idée très répandue en 2001 qui faisait passer les cyclistes pour des hurluberlus, à l’instar du vélo de Dominique Voynet, écologiste, chargée de l’environnement sous le gouvernement de Lionel Jospin (1997-2002). Un article récent issu du Monde nous le rappelle :

« Devenue ministre de l’Environnement de Lionel Jospin dans le gouvernement de la gauche plurielle (1997-2002), Dominique Voynet préfère son vélo aux limousines avec chauffeur. Il lui arrivera régulièrement d’installer sa fille sur le porte-bébé de sa bicyclette pour la conduire à l’école, mais cela ne fera guère de bruit médiatique. « C’était une tout autre époque, où l’on continuait d’adapter la ville à la bagnole. Le vélo était considéré comme un loisir – ou un mode de déplacement de prolo – mais sûrement pas une alternative à l’automobile. »

Ce qu’il définit comme une ville durable est une ville « capable de poursuivre sa croissance tout en offrant une qualité de vie à ses habitants présents et futurs » (p. 53). Nous naviguons toujours dans l’idéologie néo-libérale d’une croissance à tout prix. Même s’il parle de ségrégation, la ville est tout de même faite pour les classes dominantes. Parce qu’en réalité, la qualité de vie ne concerne que les classes dominantes. Les classes populaires n’y ont pas accès. Lorsque ma voisine se levait à 5 heures du matin pour se rendre sur ses lieux de travail (elle faisait des ménages dans des bureaux), sa qualité de vie se percevait dans l’espoir d’un avenir meilleur, moins pénible et plus apaisé (terme à la mode aujourd’hui). Dans son quotidien, c’était l’accumulation des heures de fatigue dans les transports publics en commun, les longs trajets et le temps passé à travailler. Allait-elle se mettre au vélo ?

Dans mon immeuble, d’autres se sont mis à la trottinette électrique pour essayer de gagner du temps sur les trajet-travail, et pour améliorer cette qualité de vie, au détriment d’une fragilité dans l’espace public. Effectivement, les gens qui circulent à trottinettes électriques (VPM) sont soumis aux accidents de circulation, aux intempéries et aux fluctuations du climat. Ils prennent des risques.

Bref, la proposition de Godard pour faire face à l’ère de la voiture tient en une phrase. « Le principe correctif à cette super-spécialisation paralysante serait de réhabiliter les modes de transports actuellement méprisés – les véhicules publics et les pieds des particuliers tous les deux essentiels au mouvement des masses. » (p. 113). Le vélo n’apparait pas comme une solution envisageable ou réaliste.

Voilà une découverte de ce petit livre qui pourrait être mis à profit dans une séance pour mesurer les écarts entre ce qu’il était possible d’imaginer en 2001, et ce que l’on propose aujourd’hui. Si la ville est bien en mouvement, les idées le sont tout autant, et les grandes interrogations se transforment à leur tour.

=> Francis Godard, La ville en mouvement, Coll. Découvertes Gallimard, Paris : Gallimard, 2001

=> Jean Michel Normand, « Le vélo de Dominique Voynet, un ovni vert dans la cour de l’Elysée », Le Monde du 1er août 2022

The Killing of Zineb Redouane by Forensic Architecture

Forensic Architecture – The Killing of Zineb Redouane, 2020

 

Certains se demandent ce qu’ils vont pouvoir faire de leur diplôme d’architecte. L’agence Forensic Architecture, basée à Londres, le sait très bien. Cette agence utilise les outils des architectes pour modéliser et reproduire en réalité numérique les scènes de crime, et se faisant, monte sa propre expertise. La mort de Zineb Redouane, le 1er décembre 2018, à l’occasion du troisième défilé des Gilets Jaunes est scrutée et analysée à partir des éléments fournis par l’enquête. Cette contre-enquête permet de déterminer avec une grande précision les éléments parfois étouffés.

La vidéo de onze minutes est saisissante et donne un véritable sens aux capacités de l’architecte à s’investir dans sa société.

Le reste du site est à l’avenant. Je n’ai pas encore tout vu, loin de là. Les méthodes adaptées aux enquêtes et aux situations. N’ayez pas peur d’aller y jeter un œil

L’architecture numérique mise en œuvre permet d’explorer, grâce aux sources historiques, les territoires en guerre, les sites pollués de la pétrochimie, les nombreux dysfonctionnements qui sont rendus sous forme d’exposition dans de grands musées à travers le monde. Eyal Weizman est l’architecte fondateur de cette agence.

On pourra également écouter l’émission diffusée sur France Culture en mai 2021.

=> Eyal Weizman, A travers les murs : L’architecture de la nouvelle guerre urbaine, La Fabrique, 2008

=> Eyal Weizman, La vérité en ruines, Manifeste pour une architecture forensique, Zones, 2021

Pourquoi j’ai supprimé mon compte Linkedin ?

Petit traité d’écologie sauvage, Alessandro Pignocchi, Steinkis, 2017

 

Parmi les nombreux réseaux disponibles sur Internet que certains sociologues appellent des « réseaux sociaux », il en existe qui sont spécialisés dans le domaine de la recherche d’emploi. Linkedin fait partie de ces réseaux. Je me suis inscrit sur ce site pour suivre les étudiantes et les étudiants dans leur parcours professionnels, et je souhaitais pouvoir suivre ceux que j’avais côtoyés, peut-être pour me rassurer sur leur devenir.

Aujourd’hui je suis rassuré : certaines étudiantes et certains étudiants sortis frais émoulus de l’école d’architecture s’y inscrivent, certains s’inscrivent même en licence. On peut suivre leur évolution, les postes successifs, et les féliciter lorsqu’ils ont réussi à tenir une année. Peu à peu, ce site s’est transformé en une sorte de Facebook réservé à celles et ceux qui travaillent ou cherchent du travail. Mais beaucoup d’étudiantes et d’étudiants ne s’y inscrivent pas. Parmi eux, nous trouvons celles et ceux qui ont choisi de faire autre chose de leur vie que de suivre la voie « normale » de la professionnalisation, et celles et ceux qui n’y voient aucun avantage ou aucun intérêt.

En fait, le réseau social est quelque chose qui se construit à partir de la famille, et de la famille élargie : cousins, oncles, etc. C’est une des fonctions de la « maitresse de maison » que d’entretenir les relations sociales au sein de la famille élargie, notamment grâce aux cartes de vœux. C’est quelque chose qui se perd dans les milieux populaires, mais qui persiste dans l’aristocratie et la bourgeoisie. N’imaginons pas que Linkedin soit un vrai réseau social. C’est avant tout une banque de données qui marchandise les informations auprès d’entreprises de marketing.

Étant rassuré sur le devenir des architectes diplômés, j’en suis venu à me demander quel était l’intérêt de conserver mon compte, et celui de refuser des « amis » que je ne verrai certainement jamais « en vrai ». J’ai donc décidé de le fermer.

Dans le domaine de la recherche, il existe des sites spécialisés comme Orcid, ou Academia qui ne sont pas pollués par des informations « hors propos ».

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