Le prix Bull Joseph Fourier 2015

Prix Bull Joseph Fourier, 2015

[Nous avons déjà évoqué sur ce site comment les techniques de Joseph Fourier permettaient de réaliser la maintenance rationnelle et d’établir un diagnostique de panne précis de moteurs ou de systèmes mécaniques rotatifs. Avec de meilleurs moyens de calcul, il est possible d’établir de même un diagnostique précis des pannes de la machine humaine.]

Premier prix, une recherche sur l’imagerie médicale :

Le prix Bull-Joseph Fourier 2015[1] a été décerné à deux équipes pour leur importante contribution au progrès des connaissances dans la science et l’innovation ainsi qu’au développement des méthodes de simulation. Il a été remis le 12 avril 2016[2].

Le premier prix Bull-Joseph Fourier 2015 a récompensé cette année Frédéric Nataf et l’ensemble de son équipe[3] pour leur projet de visualisation des accidents vasculaires cérébraux grâce au HPC, dont les résultats permettront à terme une prise en charge plus rapide et plus efficace des patients, et donc de sauver des vies.

Menés en collaboration avec la société d’imagerie médicale EMTensor, ces travaux de simulation démontrent la faisabilité d’une technique d’imagerie novatrice basée sur les micro-ondes permettant la différentiation en moins de 15 minutes entre les deux types d’AVC (ischémique ou hémorragique) et utilisable dès la prise en charge du malade puis lors de son suivi pendant l’hospitalisation.

Remise du prix Bull Joseph Fourier 2015

Prix Bull Joseph Fourier 2015

Frédéric Nataf, Directeur de Recherche au CNRS :  « Chaque année, en France, 120 000 personnes sont victimes d’un accident vasculaire cérébral. Or, il y a deux types d’AVC : l’un hémorragique, qui nécessite d’accélérer la coagulation, et l’autre ischémique, qui requiert au contraire de fluidifier le sang. Et il n’existe pas de moyen simple de les distinguer ! Il faut pour cela procéder à une IRM ou à un scanner, ce qui retarde d’autant la prise en charge alors que chaque seconde compte. Avec plusieurs partenaires universitaires, nous avons monté un projet destiné à valider la faisabilité d’une nouvelle solution, beaucoup plus légère, imaginée par la société autrichienne EMTensor. À partir de mesures électromagnétiques, recueillies à l’aide d’un casque placé sur la tête du patient, un supercalculateur produit une image 3D du cerveau sur laquelle la lésion apparaît visiblement. L’objectif était d’y parvenir en moins de 15 minutes, de manière à obtenir un premier diagnostic rapide, mais aussi de pouvoir assurer le suivi des patients. »

Comment le calcul parallèle vous a-t-il permis de relever ce défi ?

« Nous avons recouru à deux librairies de calcul open source que nous développons au laboratoire Jacques-Louis Lions de l’Université Pierre et Marie Curie, FreeFem++ et HPDDM. Ce sont des outils qui permettent de formuler une grande variété de problèmes physiques – mécanique, thermodynamique, acoustique, électromagnétisme… – de manière à pouvoir les traiter de façon parallèle. En les utilisant pour modéliser la propagation dans le cerveau des ondes émises et reçues par les 160 capteurs du casque, il nous a suffi de 320 secondes pour reconstituer une image de qualité suffisante avec une machine de 4 000 cœurs. Soit beaucoup moins que les 15 minutes requises, et bien moins que les 1 à 2 heures qu’il fallait précédemment. Un tel résultat permet aujourd’hui d’envisager le développement d’un dispositif opérationnel, dont les bénéfices médicaux seront considérables. »

En quoi ce succès préfigure-t-il le calcul intensif de demain ?

« Alors que l’accès à de gros calculateurs de plusieurs centaines à plusieurs milliers de cœurs se banalise, les logiciels ne sont pas toujours conçus pour en exploiter pleinement le potentiel. Or, les innovations technologiques actuelles en matière de recueil et de transmission de l’information, comme l’Internet des objets, font émerger d’immenses besoins de traitement en temps réel, dans le domaine médical, comme ici, mais aussi dans l’agriculture, l’industrie, la protection civile… Y répondre va nécessiter des outils logiciels adaptés aux supercalculateurs de nouvelle génération, mais aussi suffisamment souples et versatiles pour pouvoir modéliser aisément une grande variété de problèmes. Ce projet démontre que FreeFem++ et HPDDM répondent précisément à ce besoin et qu’ils sont capables d’applications diversifiées et performantes. »

 

Deuxième prix pour la création de nouveaux matériaux : L’équipe qui reçoit le deuxième prix Bull-Joseph Fourier 2015, associe Antoine Levitt, chargé de recherche à Inria et Marc Torrent, Chef de laboratoire au Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA).

    Créer de nouveaux matériaux, sans recourir à l’expérience, et pouvoir prédire leurs propriétés, grâce à de puissantes techniques de simulation de leur structure électronique, c’est ce que vont permettre les travaux de recherche que le deuxième prix Bull-Joseph Fourier 2015 récompense. En parallélisant le logiciel « ABINIT » largement utilisé dans le monde de la recherche, et en lui permettant de profiter de la puissance des très grands supercalculateurs, ce qu’il ne pouvait faire auparavant, l’équipe récompensée ouvre ainsi la voie au « material by design » : définir de nouveaux matériaux répondant à des cahiers des charges précis, par la mise à disposition d’une très large base de données de prédiction de propriétés de matériaux, et non pas à la suite d’expériences souvent longues, coûteuses et hasardeuses. Tous les secteurs demandeurs de matériaux innovants sont concernés : l’aéronautique, la chimie, la santé et bien d’autres encore.

 

[1] Le Prix Bull-Joseph Fourier consacre chaque année les travaux d’équipes de recherche, académiques ou industrielles dans le domaine de la simulation numérique et du calcul intensif en France. Créé par Bull, la marque des technologies matériel et logiciel du groupe Atos, en association avec GENCI (Grand Equipement National de Calcul Intensif), le Prix Bull – Joseph Fourier est doté d’un premier prix de 15 000 euros et d’un second prix constitué en dotation de temps machine sur des supercalculateurs de GENCI.

 

[2] La première édition du prix Bull Joseph Fourier s’est tenue en 2009.

[3] L’équipe de recherche est composée de Frédéric Nataf, Directeur de recherche au CNRS, Frédéric Hecht, Professeur, et de Pierre-Henri Tournier Post doctorant du laboratoire J.-L. Lions de l’Université Pierre et Marie Curie, projet Alpines-INRIA ; de Victorita Dolean, Reader at Department of Mathematics and Statistics of University of Strathclyde (Glasgow, UK) et Laboratoire J.-A. Dieudonné de l’Université de Nice-Sophia Antipolis; de Pierre Jolivet, Chercheur CNRS de l’IRIT-ENSEEIHT de Toulouse

About cm1

R. Timon, né en 1944 a été instituteur, maître formateur, auteur de manuels pédagogiques avant d’écrire pour le Webpédagogique des articles traitant de mathématiques et destinés aux élèves de CM1, CM2 et sixième.

Category(s): actualité de la recherche, application

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