Devoir première: Corpus balzacien

Devoir à rendre: le 3 janvier 2011 (si, si…!)

Texte 1: Le Père Goriot, I: Mme de Beauséant, qui vient d’être trahie par le marquis d’Ajunda Pinto, son amant, s’adresse à son cousin Eugène de Rastignac, qui vient d’être mis à la porte de Mme de Restaud.

« – Eh ! bien, monsieur de Rastignac, traitez ce monde comme il mérite de l’être. Vous voulez parvenir, je vous aiderai. Vous sonderez combien est profonde la corruption féminine, vous toiserez la largeur de la misérable vanité des hommes. Quoique j’aie bien lu dans ce livre du monde, il y avait des pages qui cependant m’étaient inconnues. Maintenant je sais tout. Plus froidement vous calculerez, plus avant vous irez. Frappez sans pitié vous serez craint. N’acceptez les hommes et les femmes que comme des chevaux de poste que vous laisserez crever à chaque relais, vous arriverez ainsi au faîte de vos désirs. Voyez-vous, vous ne serez rien ici si vous n’avez pas une femme qui s’intéresse à vous. Il vous la faut jeune, riche, élégante. Mais si vous avez un sentiment vrai, cachez-le comme un trésor, ne le laissez jamais soupçonner, vous seriez perdu. Vous ne seriez plus le bourreau, vous deviendriez la victime.

Si jamais vous aimiez, gardez bien votre secret ! ne le livrez pas avant d’avoir bien su à qui vous ouvrirez votre coeur. Pour préserver par avance cet amour qui n’existe pas encore, apprenez à vous méfier de ce monde-ci . Ecoutez-moi, Miguel … (Elle se trompait naïvement de nom sans s’en apercevoir.) Il existe quelque chose de plus épouvantable que ne l’est l’abandon du père par ses deux filles, qui le voudraient mort. C’est la rivalité des deux soeurs entre elles. Restaud a de la naissance, sa femme a été adoptée, elle a été présentée ; mais sa soeur, sa riche soeur, la belle madame Delphine de Nucingen, femme d’un homme d’argent, meurt de chagrin ; la jalousie la dévore ; elle est à cent lieues de sa soeur ; sa soeur n’est plus sa soeur ; ces deux femmes se renient entre elles comme elles renient leur père. Aussi. madame de Nucingen laperait-elle toute la boue qu’il y a entre la rue Saint-Lazare et la rue de Grenelle pour entrer dans mon salon. Elle a cru que de Marsay la ferait arriver à son but, et elle s’est faite esclave de Marsay, elle assomme de Marsay. De Marsay se soucie fort peu d’elle. Si vous me la présentez, vous serez son Benjamin, elle vous adorera. Aimez-la si vous pouvez après, sinon servez-vous d’elle. Je la verrai une ou deux fois, en grande soirée, quand il y aura cohue ; mais je ne la recevrai jamais le matin. Je la saluerai, cela suffira. Vous vous êtes fermé la porte de la comtesse pour avoir prononcé le nom du père Goriot. Oui, mon cher, vous iriez vingt fois chez madame de Restaud, vingt fois vous la trouveriez absente. Vous avez été consigné. Eh bien ! que le père Goriot vous introduise près de madame Delphine de Nucingen. La belle madame de Nucingen sera pour vous une enseigne. Soyez l’homme qu’elle distingue, les femmes raffoleront de vous. Ses rivales, ses amies, ses meilleures amies, voudront vous enlever à elle. Il y a des femmes qui aiment l’homme déjà choisi par une autre, comme il y a de pauvres bourgeoises qui, en prenant nos chapeaux, espèrent avoir nos manières. Vous aurez des succès. A Paris, le succès est tout, c’est la clé du pouvoir. Si les femmes vous trouvent de l’esprit, du talent, les hommes le croiront, si vous ne les détrompez pas. Vous pourrez alors tout vouloir, vous aurez le pied partout. Vous saurez alors ce qu’est le monde, une réunion de dupes et de fripons. Ne soyez ni parmi les uns ni parmi les autres. Je vous donne mon nom comme un fil d’Ariane pour entrer dans ce labyrinthe. Ne le compromettez pas, dit-elle en recourbant son cou et jetant un regard de reine à l’étudiant. rendez-le-moi blanc. Allez, laissez-moi. Nous autres femmes, nous avons aussi nos batailles à livrer« .

Texte 2: Le Père Goriot, L’arrivée de Rastignac chez Mme de Restaud: il y rencontre Maxime de Trailles.

Maxime regardait alternativement Eugène et la comtesse d’une manière assez significative pour faire décamper l’intrus. » Ah çà, ma chère, j’espère que tu vas me mettre ce petit drôle à la porte! » Cette phrase était une traduction claire et intelligible des regards du jeune homme impertinemment fier que la comtesse Anastasie avait nommé Maxime, et dont elle consultait le visage de cette intention soumise qui dit tous les secrets d’une femme sans qu’elle s’en doute. Rastignac se sentit une haine violente pour ce jeune homme. D’abord les beaux cheveux blonds et bien frisés de Maxime lui apprirent combien les siens étaient horribles. Puis Maxime avait des bottes fines et propres, tandis que les siennes, malgré le soin qu’il avait pris en marchant, s’étaient empreintes d’une légère teinte de boue. Enfin Maxime portait une redingote qui lui serait élégamment la taille et le faisait ressembler à une jolie femme, tandis qu’Eugène avait à deux heures et demie un habit noir. Le spirituel enfant de la Charente sentit la supériorité que la mise donnait à ce dandy, mince et grand, à l’oeil clair, au teint pâle, un de ces hommes capables de ruiner des orphelins. Sans attendre la réponse d’Eugène, madame de Restaud se sauva comme à tire-d’aile dans l’autre salon, en laissant flotter les pans de son peignoir quise roulaient et se déroulaient de manière à lui donner l’apparence d’un papillon; et Maxime la suivit. Eugène furieux suivit Maxime et la comtesse. Ces trois personnages se trouvèrent donc en présence, à la hauteur de la cheminée, au milieu du grand salon. L’étudiant savait bien qu’il allait gêner cet odieux Maxime; mais, au risque de déplaire à madame de Restaud, il voulut gêner le dandy. Tout à coup, en se souvenant d’avoir vu ce jeune homme au bal de madame de Beauséant, il devina ce qu’était Maxime pour madame de Restaud, et avec cette audace juvénile qui fait commettre de grandes sottises ou obtenir de grand succès, il se dit: » Voilà mon rival, je veux triompher de lui. »

Texte 3: La Fille aux yeux d’or (1835)

« La guerre continentale empêcha le jeune de Marsay de connaître son vrai père dont il est douteux qu’il sût le nom. Enfant abandonné, il ne connut pas davantage madame de Marsay. Naturellement il regretta fort peu son père putatif. Quant à mademoiselle de Marsay, sa seule mère, il lui fit élever dans le cimetière du Père-Lachaise lorsqu’elle mourut un fort joli petit tombeau. Monseigneur de Maronis avait garanti à ce vieux bonnet à coques l’une des meilleures places dans le ciel, en sorte que, la voyant heureuse de mourir, Henri lui donna des larmes égoïstes, il se mit à la pleurer pour lui-même. Voyant cette douleur, l’abbé sécha les larmes de son élève, en lui faisant observer que la bonne fille prenait bien dégoûtamment son tabac, et devenait si laide, si sourde, si ennuyeuse, qu’il devait des remerciments à la mort. L’évêque avait fait émanciper son élève en 1811. Puis quand la mère de monsieur de Marsay se remaria, le prêtre choisit, dans un conseil de famille, un de ces honnêtes acéphales triés par lui sur le volet du confessionnal, et le chargea d’administrer la fortune dont il appliquait bien les revenus au besoin de la communauté, mais dont il voulait conserver le capital.

Vers la fin de 1814, Henri de Marsay n’avait donc sur terre aucun sentiment obligatoire et se trouvait libre autant que l’oiseau sans compagne. Quoiqu’il eût vingt-deux ans accomplis, il paraissait en avoir à peine dix-sept. Généralement, les plus difficiles de ses rivaux le regardaient comme le plus joli garçon de Paris. De son père, lord Dudley, il avait pris les yeux bleus les plus amoureusement décevants ; de sa mère, les cheveux noirs les plus touffus ; de tous deux, un sang pur, une peau de jeune fille, un air doux et modeste, une taille fine et aristocratique, de fort belles mains. Pour une femme, le voir, c’était en être folle ; vous savez ? concevoir un de ces désirs qui mordent le cœur, mais qui s’oublient par impossibilité de le satisfaire, parce que la femme est vulgairement à Paris sans ténacité. Peu d’entre elles se disent à la manière des hommes le : JE MAINTIENDRAI de la maison d’Orange. Sous cette fraîcheur de vie, et malgré l’eau limpide de ses yeux, Henri avait un courage de lion, une adresse de singe. Il coupait une balle à dix pas dans la lame d’un couteau, montait à cheval de manière à réaliser la fable du centaure ; conduisait avec grâce une voiture à grandes guides ; était leste comme Chérubin et tranquille comme un mouton ; mais il savait battre un homme du faubourg au terrible jeu de la savate ou du bâton ; puis, il touchait du piano de manière à pouvoir se faire artiste s’il tombait dans le malheur, et possédait une voix qui lui aurait valu de Barbaja cinquante mille francs par saison. Hélas, toutes ces belles qualités, ces jolis défauts étaient ternis par un épouvantable vice : il ne croyait ni aux hommes ni aux femmes, ni à Dieu ni au diable. La capricieuse nature avait commencé à le douer ; un prêtre l’avait achevé ».

Texte 4: Illusions Perdues (1837-1843): Lucien de Rubempré arrive d’Angoulême, et se promène aux Tuileries.

« — J’ai l’air du fils d’un apothicaire, d’un vrai courtaud de boutique ! se dit-il à lui-même avec rage en voyant passer les gracieux, les coquets, les élégants jeunes gens des familles du faubourg Saint-Germain, qui tous avaient une manière à eux qui les rendait tous semblables par la finesse des contours, par la noblesse de la tenue, par l’air du visage ; et tous différents par le cadre que chacun s’était choisi pour se faire valoir. Tous faisaient ressortir leurs avantages par une espèce de mise en scène que les jeunes gens entendent à Paris aussi bien que les femmes. Lucien tenait de sa mère les précieuses distinctions physiques dont les priviléges[Orthographe d’époque pour : privilèges.] éclataient à ses yeux ; mais cet or était dans sa gangue, et non mis en œuvre. Ses cheveux étaient mal coupés. Au lieu de maintenir sa figure haute par une souple baleine, il se sentait enseveli dans un vilain col de chemise ; et sa cravate, n’offrant pas de résistance, lui laissait pencher sa tête attristée. Quelle femme eût deviné ses jolis pieds dans la botte ignoble qu’il avait apportée d’Angoulême ? Quel jeune homme eût envié sa jolie taille déguisée par le sac bleu qu’il avait cru jusqu’alors être un habit ? Il voyait de ravissants boutons sur des chemises étincelantes de blancheur, la sienne était rousse ! Tous ces élégants gentilshommes étaient merveilleusement gantés, et il avait des gants de gendarme ! Celui-ci badinait avec une canne délicieusement montée. Celui-là portait une chemise à poignets retenus par de mignons boutons d’or. En parlant à une femme, l’un tordait une charmante cravache, et les plis abondants de son pantalon tacheté de quelques petites éclaboussures, ses éperons retentissants, sa petite redingote serrée montraient qu’il allait remonter sur un des deux chevaux tenus par un tigre gros comme le poing. Un autre tirait de la poche de son gilet une montre plate comme une pièce de cent sous, et regardait l’heure en homme qui avait avancé ou manqué l’heure d’un rendez-vous. En regardant ces jolies bagatelles que Lucien ne soupçonnait pas, le monde des superfluités nécessaires lui apparut, et il frissonna en pensant qu’il fallait un capital énorme pour exercer l’état de joli garçon ! Plus il admirait ces jeunes gens à l’air heureux et dégagé, plus il avait conscience de son air étrange, l’air d’un homme qui ignore où aboutit le chemin qu’il suit, qui ne sait où se trouve le Palais-Royal quand il y touche, et qui demande où est le Louvre à un passant qui répond : — Vous y êtes. Lucien se voyait séparé de ce monde par un abîme, il se demandait par quels moyens il pouvait le franchir, car il voulait être semblable à cette svelte et délicate jeunesse parisienne. Tous ces patriciens saluaient des femmes divinement mises et divinement belles, des femmes pour lesquelles Lucien se serait fait hacher pour prix d’un seul baiser, comme le page de la comtesse de Konismarck ».

Questions:

1) De quelles manières un jeune homme peut-il espérer réussir dans la société parisienne de ce début de siècle?

2) Quelles images ces textes donnent-ils des femmes?

Comments are closed.

buy windows 11 pro test ediyorum