1S2: Corrigé du Bac Blanc

Scènes de crimes

Corrigé élaboré avec Mme Descout.

Question sur corpus

 Dans chacun des textes, quels effets le récit de la scène de crime cherche-t-il à produire sur le lecteur et par quels procédés ?

 Méthode :

–          Ne pas citer le « chapeau » issu du paratexte comme preuve / comme argument. Surtout pour l’appeler une « didascalie » (présente uniquement au théâtre).

–          Faire une brève introduction  avec essentiellement le thème ou la problématique qui fédère le corpus.

–          « Les textes sont chronologiques » : cette phrase ne veut rien dire ! Les textes sont TOUJOURS présentés dans l’ordre des dates de publication. La question intéressante, c’est l’envergure du corpus. Autrement dit le corpus est-il ou non étalé dans le temps (un texte de chaque siècle, ou trois textes du XXème siècle par exemple) et renvoie-t-il à des textes anciens ou très récents (avec par exemple un corpus de poèmes très contemporains).

–          Ne pas faire une question sur corpus aussi longue voire plus longue que le travail d’écriture.

–          Attention à l’interrogative indirecte en fin d’introduction, au moment d’annoncer une problématique ou un plan.

–          Ne pas faire les effets PUIS les procédés.

 Plan possible :

I. Focalisation/point de vue interne

– Perception de la réalité par le meurtrier et présentations de ses pensées/sentiments

– Le point de vue, globalement interne, à divers degrés.

– Dans A, il y a certes « comme toujours » et « comme d’habitude » mais c’est Raskolnikov qui a connaissance de cette habitude. On voit la scène par ses yeux, avec l’écroulement progressif de la vieille femme. Notamment on voit sa nuque car c’est là qu’il frappe.

– Dans B : interne. Même si à la fin, on  a brièvement accès aux pensées supposées de Séverine pendant l’agonie.

– C : le plus interne des 4. Monologue intérieur.

– D : interne aussi, très clairement.

 II. L’horreur du meurtre et la précision réaliste

– Lexique

– Images diverses (métaphores, comparaisons, hyperboles, métonymies)

III. Réactions des meurtriers

– Diverses. Le plus humain semble Tchen, à travers es hésitations. Le plus étrange est l’assassin de Boris Vian tandis que Raskolnikov et Lantier apparaissent comme des monstres, animalisés dans les deux textes.

– Elles permettent de créer l’horreur (A, B, C) et la consternation (D).

 Corrigé rédigé de la question du corpus :

            Le corpus ici proposé comprend quatre extraits de romans des XIXème et XXème siècle. Il s’agit de Crime et Châtiment de F. Dostoïevski, œuvre publiée en 1866, de La Bête Humaine, que Zola fait paraître en 1890, de La Condition Humaine d’André Malraux, texte datant de 1933, et enfin de L’Automne à Pékin, écrit en 1947 par Boris Vian. Ils évoquent tous un meurtre. Cependant les textes de Dostoïevski et de Vian constituent à proprement parler une scène de meurtre, tandis que le texte de Zola se situe juste après le crime, alors qu’enfin, chez Malraux, on est au contraire juste avant.

            Chacun des auteurs de ces textes a choisi une focalisation interne, moment où tous les sens des personnages sont exacerbés. La scène de crime présentée du point de vue même des meurtriers veut faire partager aux lecteurs leur ressenti, et l’horreur est dominante à chaque fois.

            Avant d’agir, Tchen et Claude Léon connaissent l’angoisse, et cela distord leur perception de la réalité. Malraux et Vian mettent l’accent sur des détails, qui deviennent de plus en plus oppressants: « le tas de mousseline blanche », « le pied à demi incliné par le sommeil » prennent un relief saisissant pour Tchen, tandis que le revolver, « la chose » devient un poids de plus en plus lourd pour Claude Léon.

            Les deux auteurs mettent également l’accent sur la peur et l’angoisse que connaissent leurs personnages : « L’angoisse lui tordait l’estomac » affirme Malraux  tandis que les réactions de Claude Léon traduisent un malaise croissant: « rouge de honte », « cri d’effroi », « la colère », « son cœur battait, « Claude devint de plus en plus livide ».

            L’horreur de l’acte lui-même est sensible dans les textes de Dostoievski et de Zola ; on y retrouve les mêmes caractéristiques. La précision des détails met d’abord l’accent sur le sang versé. Crime et Châtiment use d’une comparaison prosaïque: « le sang jaillit comme d’un verre renversé », alors que Zola insiste sur l’abondance avec la métaphore de l’eau (« flot », « ruisselait » « gouttes »), et l’omniprésence dans la pièce de la couleur rouge. Ensuite, l’expression du visage des victimes est évoquée dans les deux textes, avec le même regard « Ses yeux étaient écarquillés », « les yeux de pervenche élargis démesurément », et le même visage déformé : « son front et tout son visage étaient ridés et déformés par la dernière convulsion », « le masque d’abominable terreur que prenait, dans la mort, cette face de femme, jolie, douce, si docile ». Si la description de Dostoïevski se veut plus froide que celle de Zola, elle développe les mêmes éléments.

            L’horreur est accentuée par le traitement du temps. Raskolnikov n’agit pas tout de suite, le meurtre est retardé, tandis que chez Malraux, Tchen ne passe pas à l’acte dans l’extrait, mais est travaillé par des interrogations sur les motivations complexes de son futur meurtre. Cette dilatation du temps est présente sous une autre forme chez Zola. Le meurtre a déjà eu lieu mais le temps semble suspendu, Jacques étant « immobile », médusé devant sa victime. Le texte de Boris Vian, enfin, le plus long, retarde largement le moment du meurtre, encore plus que chez Dostoïevski, pour créer la surprise voire la consternation du lecteur qui ne s’attend pas à ce crime, ce dernier n’étant pas prémédité, à la différence de celui de Raskolnikov.

            Enfin, l’horreur naît des réactions des meurtriers eux-mêmes. A l’aspect mécanique de Raskolnikov correspond l’aspect bestial de Jacques Lantier. Et plus inquiétant encore, le plaisir qu’éprouvent les assassins à tuer. On retrouve la même satisfaction animale mentionnée par Zola et Vian : « un reniflement de bête, grognement de sanglier, rugissement de lion », pour Lantier, «  »Un grognement de plaisir » pour Claude Léon. Tchen lui-même pressent que ses motivations ne sont pas toutes politiques, comme le montre la phrase « sous son sacrifice à la révolution grouillait un monde de profondeurs auprès de quoi cette nuit écrasée d’angoisse n’était que clarté ». Le choix du verbe « grouiller » évoque un monde assez répugnant qui constitue une véritable tentation pour le personnage.

            Ainsi à chaque fois, les textes montrent que le crime constitue un moment décisif où le personnage bascule définitivement, et où il est seul en cause dans le choix qu’il fait, au delà de toute motivation qui se voudrait sociale ou politique.

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