Feuilleton : Nouvelle Âme – 2

2.

A peine je franchis la porte vitrée de l’étrange bâtiment que je ferme les yeux. La lumière des bâtiments blancs en face de moi m’aveugle, sans parler du bleu pastel ornant le ciel. D’ailleurs… Comment ça se fait que le ciel ait cette couleur ? Quels nuages peuvent donner cet effet à un ciel entier ? Je m’avance en essayant de trouver une raison scientifique à cette couleur, quand je me fais interpeller.

-Hé la grande blonde ! T’enfuis pas sans moi !

Je me retourne, et vois une petite femme courir vers moi. Sa poitrine opulente rebondit à chacune de ses foulées, et ses cheveux rouges bordeaux volent derrière elle.

-Tu es… Clarisse ? je demande en levant un sourcil.

-La seule, l’unique. Passe moi ce papier.

Et elle me l’arrache des mains. Heureusement que j’ai eu le réflexe de le lâcher. Elle le lit en diagonale et le range dans sa poche.

-Alors, Ambre Roy, va falloir que tu me suives. Malheureusement pour toi. Et pour moi.

Elle se met à marcher, mais je ne la suis pas.

-Attends. Je veux savoir ce qu’il se passe.

Elle soupire et se retourne. Son regard est blasé. Ce genre de regard qu’on lance à une personne qui ne connaît pas la dernière mode. Ce genre de regard que je déteste, en somme. Elle doit s’apercevoir que je ne bougerai pas, car elle se contente de grommeler :

-Je t’expliquerai en marchant.

Sachant que je n’aurai pas mieux, je la suis.

Nous traversons des rues, bordées d’immeubles tous plus modernes les uns que les autres. Tout a l’air neuf, ici. Aucune trace de saleté, ni même de pollution. Tout le monde marche sur la route, ne se souciant absolument pas du fait qu’une route, ce n’est pas fait pour les piétons. Mais ce n’est pas ça qui m’étonne le plus. Non. Ce qui m’étonne, c’est la diversité des gens ici. En quelques mètres, j’ai réussi à croiser une femme en kimono, une femme et un homme au style vintage, une femme voilée de la tête au pied, une femme noire, et un couple apparemment anglais. J’ai beau ne pas savoir où j’ai atterri, savoir que des gens aussi différents arrivent à cohabiter me rassure. S’ils y arrivent, pourquoi pas moi ?

Mais je n’ai pas le temps pour faire du tourisme. Je ne sais pas où je me trouve, ni comment je suis arrivée là. J’ai besoin de réponse. Mais ma guide ne semble pas vraiment comprendre ce besoin, et sa froideur n’a pour effet que de me faire reculer. En théorie. Mais, dommage pour elle, je ne suis pas du genre à baisser les bras.

Je commence alors par une remarque simple, pour éviter de la brusquer, mais qui me semble plutôt logique.

-C’est joli, ici.

-C’est vrai, me répond-t-elle, ne se tournant même pas vers moi.

-Est-ce que cet endroit si joli a un nom ?

Bravo pour le côté “je ne la brusque pas”. Elle se gratte la tête.

-Ouais, mais ça ne va pas te plaire.

Je hausse un sourcil. Quel nom si affreux peut avoir cet endroit pour que Clarisse sache déjà qu’il ne me plaira pas.

-Commençons par le commencement, déjà, commence Clarisse. Comment t’expliquer ça sans te traumatiser… T’es morte.

Je ris. Elle non. Je m’arrête.

-Où sommes-nous réellement ?

-Dans le monde des morts, dit-elle en continuant de marcher, et je suis obligée de la rattraper en trottinant.

Là, je ne ris pas. Elle a l’air sérieuse. Trop sérieuse. Un brin de panique vient effacer mon sourire. Clarisse le voit et soupire.

-Désolée de ne pas prendre de pincettes, je sais qu’il faut vous ménager mais vous mentir ne sert à rien…

-Vous ? Qui vous ?

-Vous, les nouvelles âmes.

-Les quoi ?

-Nouvelles âmes. Chaque personne possède une âme, et après la vie, elle arrive ici.

J’ai beau ne pas y croire, cela semble cohérent. J’ai toujours cru que nous ne pouvions pas nous éteindre juste comme ça, sans rien après. Mais… Pourquoi me mentir ? Avec une blague aussi puérile, qui plus est. Je n’aime pas qu’on joue avec la mort… Cela me rappelle trop les personnes que j’ai perdues… 

Je décide de rentrer dans son jeu. Je vois bien que si je ne la crois pas, elle ne me dira rien de plus.

-Admettons que je te crois sur le fait que je sois morte, ça veut dire qu’ici c’est le paradis ?

En réponse, Clarisse éclate de rire.

-Certainement pas ! Ou alors ça l’est, si tu considères qu’une société injuste est le paradis.

-Quoi ? Une société inj…

-On est arrivées.

Je n’ai pas le temps de terminer ma phrase, et ça m’agace profondément. Mais je lève tout de même les yeux. Et là, j’ai envie de fuir.

Chapitre suivant la semaine prochaine…

Amélie