Architecture et sculpture gothiques : cathédrale de Strasbourg (1)

Architecture et sculpture gothiques : cathédrale de Strasbourg (1)

Documentaire : le défi des bâtisseurs de la cathédrale de Strasbourg :

https://videotheque.cfrt.tv/video/le-defi-des-batisseurs-la-cathedrale-de-strasbourg/

Des panoramiques (images volumineuses) :

https://www.alsace-360.fr/2015/Fondation-Oeuvre-Notre-Dame/visite-virtuelle-insolite-cathedrale-strasbourg/

Initiation à l’architecture et à la sculpture gothiques à travers l’exemple de la Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg.

Vue de la nef depuis le narthex (ouest) vers le chœur ( Est).

Un glossaire des principaux termes de la sculpture et de l’architecture gothiques  est proposé sur le site du Musée de l’oeuvre Notre Dame :

http://www.oeuvre-notre-dame.org/index2.htm

Une présentation synthétique des styles du Moyen Age à travers les églises et cathédrales connues et moins connues : http://architecture.relig.free.fr/arch_ma.htm

Nous étudierons la sculpture gothique du XIIIe siècle en Europe du Nord à travers l’exemple de la cathédrale de Strasbourg, en insistant sur le programme iconographique de la façade ouest et du croisillon sud qui comprend deux chefs d’oeuvre de ce qu’on a appelé le « style 1200 » apparu à Paris vers 1220-1230 et diffusé par des ateliers français vers le Saint Empire.

I. Présentation générale.

A. Quelques repères historiques.

L’édifice actuel a été construit entre 1190 et 1439 sur l’emplacement de l’ancienne cathédrale carolingienne le premier édifice religieux construit probablement en bois se situait à l’actuel collège Saint-Etienne au IVe siècle quand Strasbourg devient « cathèdre » (: trône d’un évêque).

Dès le début, le sanctuaire est dédié à la Vierge (Assomption).  On l’appelait monasterium, d’où Münster en allemand. Plusieurs incendies et destructions ont précédé la construction du bâtiment actuel. Par ailleurs, plusieurs incendies avaient détérioré le premier édifice, gigantesque pour son époque,  qui a été reconstruit 6 fois au XIIe siècle.

C’est à partir de 1015 que l’édifice devient historiquement repérable sous l’épiscopat de l’évêque Werhner. De cette ancienne construction il ne reste plus que la crypte romane sous le chœur.

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Chapiteau de la crypte de la cathédrale Notre Dame de Strasbourg ; motif d’entrelacs végétaux avec lions grimaçants en posture d’atlante

La durée du chantier et les restaurations successives expliquent l’hétérogénéité stylistique de l’édifice visible en allant du chœur vers la façade ouest et, dans cette dernière, du niveau des portails vers la flèche.

B. Métiers, matériaux, technique : La fabrique de l’Œuvre Notre Dame

L’Œuvre Notre Dame est créée en 1206

C’est une institution chargée de collecter les fonds pour la construction de la cathédrale (dons, legs…en forte baisse après 1350) -> grande fortune foncière. Gérée de façon plus ou moins  autonome (la ville contrôle l’usage des fonds) elle possède un « Schaffner » (Comptable) et 4 « Pfleger » (commissaires). Le bâtiment actuel Place du Château, date de 1347 (aile médiévale et Renaissance ancienne auberge et loge des tailleurs de pierre). Loge –> institution qui permet aux tailleurs de travailler toute l’année.

Fonds d’Archives du MOND : chartes, legs, donations, actes épiscopaux et municipaux, (XIIIe – XVe), livres de comptes hebdomadaires du XVe (construction de la haute tour et de la flèche), plans et dessins  :

 

(Dessin de la façade de la cathédrale de Strasbourg datant de 1260)
Ce parchemin mesure 86 cm sur 59 et est conservé au Musée de l’Oeuvre Notre-Dame à Strasbourg. Une vingtaine de plans et projets des maîtres d’œuvre de la cathédrale y sont conservés, permettant de suivre la genèse du monument.

Le dessin de la partie centrale de la façade jusqu’au beffroi est par sa dimension (410 cm de haut) et l’utilisation de la couleur, l’un des plus spectaculaires dessins d’architecture de tout le  Moyen Age. Il est le premier de ceux réalisés au nord des Alpes à présenter un programme sculpté complet. Plusieurs feuilles de parchemin ont été utilisées pour sa réalisation. Peu maniable, un tel dessin avait certainement avant tout une fonction de représentation à l’intention des commanditaires.

Pratique des Indulgences (depuis Léon IX en 1050 pour la cathédrale de Wehrner). Gestion rigoureuse -> peu de problèmes pécuniaires (? autres chantiers de la même époque <- peste).

Les ouvriers et maîtres d’oeuvre.

 N’imaginons pas de foules d’ouvriers ! Une quarantaine de tailleurs de pierre au plus fort du chantier (massif occidental ->  fin XIV début XVe),  les « Layeurs ou coucheurs (maçons qui posent et lient les pierres taillées), des forgerons, des « valets », des couvreurs, des charpentiers

Tailleurs de Pierre : qualifications variables, 2 – 3 niveaux de salaires.  Ce sont les plus nombreux et ceux qui travaillent toute l’année. Les maîtres tailleurs de pierre sont les grands créateurs de ces ornementations sculpturales. La Place du Château était l’emplacement de la loge des tailleurs (Steinhütte) à côté chapelle des saints Grégoire et Blaise (saint protecteur des tailleurs de pierre). Des centaines d’ouvriers sont venus de très loin (Hongrie…)

  Latomos : celui qui travaille la pierre pour lui donner une forme. Invitation des plus grands maîtres de Bourgogne et de Chartres pour les sculptures de la façade ouest.

 Cementarius : celui qui la pose et qui la lie aux autres par un mortier.

Le maître  (magister lapidum) dessine les traits, se réserve certaines sculptures délicates (Christ aux plaies…) les épures étaient ensuite sculptées sur bois et envoyées comme matrices aux carrières des Vosges dans des ateliers où l’ouvrier dégrossissait la pierre. Le maître carrier choisit la pierre le grès rose le plus tendre pour les ornements, la plus dur pour le bâtiment. Revenue au chantier, le maître tailleur affinait le travail et le maçon posait les blocs de pierre et les ornements.

 Les noms de grands architectes et sculpteurs commencent à être connus à partir de la construction de la façade attribuée à Erwin de Steinbach (1244-1318) auteur présumé de la façade.

 

La légende, amplifiée par la tradition populaire à l’époque romantique, attribue à ce maître le plan de la façade de la cathédrale. Erwin est présent sur le chantier de la cathédrale au moment de la pose de la première pierre du massif occidental, par l’évêque Conrad II de Lichtenberg, le 25 mai 1277. Il n’assure cependant la direction de l’œuvre qu’à partir de 1284, soit sept années après le début des travaux sur ce massif. Il invente le réseau rayonnant de la rose, proche de celui de Notre-Dame de Paris.

Erwin reste maître d’œuvre jusqu’à sa mort, en 1318. Son style se reconnaît dans le décor intérieur du narthex, du tombeau de l’évêque Conrad de Lichtenberg, et dans la chapelle de la Vierge, aujourd’hui disparue. De part et d’autre du portail de la façade Sud, devant les contreforts, on remarque les statues en pied d’Erwin et de sa fille Sabine dues à Philippe Grass.

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Elles datent respectivement de 1866 et de 1842. Leur présence témoigne de la légende au XIXe siècle d’une femme dénommée Sabine, fille d’Erwin, qui aurait sculpté l’Église et la Synagogue (en théorie les femmes pouvaient hériter de l’atelier du père ou du mari). 

D’autres maîtres de chantier suivront jusqu’à l’érection de la tour et de la flèche nord par Ulrich d’Ensingen et son élève Jean Hültz (1399-1439).

C. Vue d’ensemble.

L’édifice gothique est le fruit de la combinaison de trois éléments déjà connus mais rarement combinés auparavant en Allemagne : l’arc brisé, la croisée d’ogives et l’arc boutant. Leur association a permis d’atteindre des dimensions exceptionnelles.

Arcs boutants du côté sud : place du Château (cathédrale de Strasbourg). L’élévation montre la manière dont l’aspect extérieur reflète la division interne du monument. La division en travées apparaît avec évidence. Mais surtout, ce sont les arcs-boutants qui donnent un rythme à l’ensemble.

Dimensions de la cathédrale de Strasbourg Hauteur du massif occidental : 66m jusqu’à la plateforme, la tour octogonale et la flèche mesurent 80m de plus. Ce mur immense pour qui se place au pied de la façade monte d’un seul tenant sur toute la largeur 50m avec les contreforts latéraux. L’impression de masse est atténuée (à peine) par la présence de la de l’appareil  ornemental ajouré. La comparaison avec Reims montre le particularisme de l’édifice alsacien :  « muralité » et verticalité  plus prononcées (cf. Saint Etienne d’Auxerre ou le « Westbauten » des édifices ottoniens (Cathédrale de Spire 1030 -1061).

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Cathédrale Notre-Dame de Reims.

Car la cathédrale de Strasbourg s’inscrit aussi dans l’héritage germanique otttonien :

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Cathédrale de Spire (XIe siècle) : style ottonien ( : le style roman germanique)

-> La façade occidentale.

Début construction : 2 février 1276 (jour présentation de l’Enfant au temple selon l’évangile Saint Luc (légende d’une dispute entre les trois maîtres d’œuvre sur la première pelletée après l’évêque Conrad de Lichtenberg. Un an  après cet incident sanglant -> première pierre le 12 mai 1277.

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Formes générales qui divergent des deux côtés du Rhin :

Esprit français :

équilibre, superposition de rectangles, les tours sont un intermédiaire entre le ciel et la terre

Façade ouest de la cathédrale de Reims.

Esprit allemand : grandeur, les tours (ou la tour isolée) sont beaucoup plus imposantes


Cathédrale Saint Nicolas de Fribourg.

Objectif : aller le plus haut possible. P. ex. maître Gerlach au milieu XIVe rêvait d’arriver à 126 m d’élévation, et à des flèches de 180m. Cathédrale -> Jérusalem terrestre (est) à l’image de la Jérusalem céleste  (cité de l’Apocalypse). Hauteur sans la flèche  66m contre 69 m à Paris. Largeur = 45 m. Strasbourg : forme intermédiaire entre gothique français et rhénan.

Au-delà du caractère impressionnant, la façade est Parole de combat (Eglise militante) en rappelant le dogme contre l’hérésie des Cathares et les premiers signes de réforme (message destiné à tous les hommes) : un bâtiment de mémoire du christianisme englobant le début des temps la constitution du monothéisme (Ancien Testament) et la mise en place de l’Egilse, et pour finir, la fin des temps (Jugement dernier).

Conception de la façade marquée par une certaine unité conçue probablement par un seul « maître ».

Au centre : la Rose. (sorte de carré magique) :

La rosace de la Cathédrale de Strasbourg

Types de décor :

Statuaire en ronde bosse et bestiaire d’une grande richesse (entre 1275 et 1300 environ)

Décoration gothique  abstraite (ornements divers : pinacles, lobes, arcatures)

– Bas-reliefs narratifs sur les tympans

– Style gothique (dit « 1200 ») : finesse, noblesse, naturalisme et sévérité), et gothique flamboyant (chaire, portail Saint Laurent) :

 L’iconographie des portails.

Pour certains inspirée par Albert le Grand (1200 – 1280 théologien, maître de Saint Thomas), savant fondateur de l’Université de Paris en 1245.

 1793 : destruction de 235 statues parmi lesquelles : Vierge à l’Enfant, figures des deux gâbles, Salomon, personnages derrière le gâble des lions et surtout les apôtres du portail ouest. Reconstitution de bonne qualité au XIXe siècle d’après gravures anciennes.

-> Particularité des écoles strasbourgeoises malgré l’influence française :

 – Les figures allégoriques (Vierges folles et sages, vertus contre les vices) bénéficient ici d’emplacements importants (aux ébrasements des portails). Dans d’autres cathédrales ces scènes sont reléguées aux voussures.

       -Triomphe de l’aristotélisme : matérialité des personnages, des plantes, des animaux réels ou imaginaires -> reflètent la nature humaine.

II. Analyse détaillée de l’extérieur de l’édifice : structure et formes architecturales de la façade – ouest.

Le diaporama : https://drive.google.com/file/d/0ByMLcNsCNGb5a3VqTU9MRy1oOGs/view?usp=sharing

III. La sculpture : les portails de la façade ouest (vers 1260-1300)

Généralités :

–  Forme aspirante des portails (car avec ébrasements inclinés vers l’intérieur), le monde terrestre est « aspiré par le monde céleste » cf. Parabole des Vierges Sages et des Vierges folles).

– Orientation symbolique de la façade ouest vers le chœur -> lieu de l’épiphanie, porte céleste par laquelle les âmes entrent au Royaume des Cieux et par laquelle la parole divine descend sur terre.

-Les portes sont des passages (« Je suis la Porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé… » Evangile de Jean ch. X.) avait dit Jésus). La porte est le Christ lui même. qui donne accès à la révélation, d’où les voussures et les tympans décorés de scènes bibliques.

Le portail central (vers 1280).

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/52/Cath%C3%A9drale_Notre-Dame_de_Strasbourg_%40_Strasbourg_%2845569525121%29.jpg/682px-Cath%C3%A9drale_Notre-Dame_de_Strasbourg_%40_Strasbourg_%2845569525121%29.jpg?uselang=fr

Au trumeau  (colonne centrale) : Vierge couronnée à l’Enfant Jésus. Statue moderne. La Nouvelle Eve, l’Anti Éve conçue sans péché pour le salut des hommes. Elle terrasse le serpent tenant dans sa bouche la pomme (cf. symbole de la connaissance, référence au péché originel).

Les éléments authentiques du grand gâble surmontant le portail central de la façade occidentale ont été déposés au musée au début du 20e siècle et sont conservés au Musée de l’Oeuvre Notre-Dame :

Il s’agit d’une sorte de transcription du texte biblique décrivant le trône de Salomon dans le premier Livre des Rois. Placé au centre, ce trône a subi les destructions révolutionnaires et seule subsiste la tête du roi Salomon, qui préfigure ici le Christ (détruit pendant la Révolution).

Deux lions s’appuient au marchepied du trône et douze lionceaux symbolisant les douze tribus d’Israël s’ébattent sur les gradins décorés de bas-reliefs représentant des animaux fantastiques. Des démons et autres êtres hybrides ornent les écoinçons surmontant les arcatures qui soutiennent le second gâble.

Le long des rampants prennent place des musiciens. Au-dessus de la Vierge en majesté et de son baldaquin, la tête mystérieuse du « Logos » :

 Plus haut un autre trône accueillait la statue de la Vierge à l’Enfant :

La Vierge en majesté du grand gâble (copie).

-> Le tympan du portail central : La Passion.

Il comprend des scènes d’origine alors que d’autres sont des copies (cliquez sur les vignettes ou sur les liens pour agrandir les images).

Scènes de la Passion, Tympan du portail central, détail La Cène, L’arrestation de Jésus. Voussures (scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament. La Vierge du trumeau est une statue du XIXe siècle.

Au tympan sont représentées les principales scènes de la Passion du Christ. La lecture se fait de gauche à droite, au premier registre bas, puis dans le même sens au niveau de chaque registre en partant du bas vers le haut.

1er registre  du niveau inférieur,

1. L’entrée de Jésus à Jérusalem sur le dos d’un âne.

Évangile selon Luc 19, 1-10 : « Jésus traversait la ville de Jéricho. Or, il y avait un homme du nom de Zachée ; il était le chef des collecteurs d’impôts, et c’était quelqu’un de riche. Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il n’y arrivait pas à cause de la foule, car il était de petite taille. Il courut donc en avant et grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui devait passer par là. Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et l’interpella : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. » Vite, il descendit, et reçut Jésus avec joie. Voyant cela, tous récriminaient : « Il est allé loger chez un pécheur. » Mais Zachée, s’avançant, dit au Seigneur : « Voilà, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. » Alors Jésus dit à son sujet : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison,

On voit ici que cet épisode n’appartient pas à la Passion du Christ qui commence ce dernier dimanche avant Pâques avec son entrée à Jérusalem. (et non pas à Jéricho). Mais Zachée est devenu le symbole de l’homme pécheur (riche) dont le salut est obtenu par le don de la moitié de sa fortune aux pauvres.

2. Le dernier repas :

 

La Cène. Ici, Judas est très nettement différencié des autres apôtres. Il est le seul à se retrouver à l’extérieur de la Sainte Table, et non derrière elle, aux côtés du Christ parmi les autres disciples.

 

 

 

 

3. L’arrestation de Jésus et le baiser de Judas. Ici, le Christ touche l’oreille de Calchas agenouillé à ses pieds, tandis que Pierre se tient derrière lui, une épée en main.

 

 

 

 

 

 

 

 

4. Christ aux outrages et flagellation. Ici, les visages des bourreaux font penser aux masques antiques grecs, ils ont un air de le folie (« Père, pardonne leur ils ne savent pas ce qu’ils font »)

2e registre.

 1.  Le couronnement d’épines

Cette scène retient l’attention par l’attitude de l’un des personnages, tournant le dos au pèlerin du parvis. Est-ce Pilate se détournant de la scène du supplice ? Est-ce d’Albert le Grand, en tout cas il est habillé en bourgeois.

Le personnage de droite porte sur la tête le pileus corratus, coiffe à longue pointe, sorte d’entonnoir, qui était imposé jusqu’au XVe siècle aux juifs de toute la vallée du Rhin.

2. Le Portement de croix.

Simon de Cyrène aide le Christ à porter sa croix formée d’un arbre écoté sur le mont Golgotha.  Mais la particularité et l’intérêt iconographique de cette scène réside dans la présence d’une femme tenant fermement la croix et les trois clous de la crucifixion. C’est Hédroit. C’est ici la seule fois qu’est représentée aux frontons des grandes cathédrales la légende d’Hedroit. Dans le « théâtre vivant » de la Passion du XII elle c’est la femme du forgeron qui forgea les clous de la crucifixion et qui, dans la nuit au jardin des oliviers est déjà parmi ceux qui arrêtèrent Jésus. Les Évangiles sont muets à son sujet, tout autant que sur la façon dont les bourreaux romains se procurèrent les clous du supplice

3. La crucifixion. 4.  La descente de croix, la mise au tombeau et le « Saint Sépulcre » aux soldats endormis.

La présence d’un crâne au pied de la croix symbolise la victoire sur la mort. A Strasbourg, on voit la présence du squelette complet d’Adam, ce qui est plutôt rare. Il n’existe pas d’autres représentations connues où le pied de la croix vient ainsi buter sur le crâne d’Adam. Aux côtés de la croix, les petites statues de l’Église triomphante et de la Synagogue aux yeux bandés (rappellent les deux statues du croisillon sud) expriment que le Christ est mort tant pour la nouvelle que pour l’ancienne Loi. Au moment de la résurrection, le personnage principal est absent. Les trois femmes découvrent le linceul vide (Évangile de Saint Marc). On voit ici l’attachement au récit de l’Évangile où la résurrection est raconté comme étant la découverte du tombeau vide

3e registre.

1. La pendaison de Judas

Un bouc vient taquiner. Cette scène, reconstituée après les destructions de la Révolution, forme un parallèle avec la mort du Christ sur la croix. Dans la version médiévale, d’après d’anciennes et imprécises gravures, un serpent à tête d’homme sort du ventre du pendu. Le bouc est ici l’image de Satan voulant prendre possession de l’âme de Judas. 2. La sortie des limbes. (Evangile apocryphe de Nicodème). Le Christ cherche Adam et Eve aux « Limbes des Pères », où se trouvent également les âmes des patriarches de l’Ancienne Loi (Abraham, Isaac…). Les Limbes sont représentés par la gueule de l’Enfer. C’est la victoire sur la mort, la renaissance du Nouvel Adam.

3 – 4. Suit l’apparition de Jésus à Marie Madeleine (Noli me tangere) pour s’achever par l’incrédulité de Thomas. À l’extrémité du registre, le chien  est l’animal psychopompe (c’est à dire conducteur d’âmes), il est placé côté sud.

4e registre

L’Ascension est représentée au dernier registre, scène totalement reconstituée après la Révolution, où le Christ ressuscité est élevé au Ciel par les anges.

Les voussures du Grand Portail

Soixante-dix petits groupes figurent les principaux traits de l’histoire sacrée allant de la Création jusqu’aux apôtres et aux docteurs de l’Église. La lecture se fait en partant de l’extérieur gauche pour se terminer à l’intérieur droit. 

 

La voussure extérieure illustre la Genèse biblique (Ancien Testament): Dieu crée le Monde ; l’esprit de Dieu flotte sur les eaux ; Dieu crée le Soleil et la Lune; Dieu sépare les eaux d’en bas et les eaux d’en haut (le Tohu et le Bohu) ; Dieu crée le firmament; Dieu crée les plantes et les arbres fruitiers; Dieu crée les oiseaux et les poissons…

La deuxième voussure raconte la vie des patriarches et des rois (Ancien Testament) : Abraham demande grâce pour les habitants de Sodome ; le sacrifice d’Abraham ; l’arche de Noé ; Cham outrage son père Noé pris de vin ; le songe de Jacob; le buisson ardent ; le serpent d’airain ; Moïse fait jaillir l’eau du rocher…

La troisième voussure est consacrée aux martyres des apôtres et des diacres : Saint Pierre crucifié à l’envers ; saint Barthélemy écorché vif ; saint Jean ébouillanté ; saint Simon mutilé à l’aide d’une scie ; saint Jacques le mineur tué à coups de bâton…

Au quatrième rang des voussures, les quatre évangélistes et les huit premiers docteurs de l’Église, tous assis à des pupitres. À gauche, Marc et le lion, puis Jean et l’aigle; à droite, Matthieu et l’ange, et Luc et le taureau…

La cinquième voussure relate dix miracles du Christ : La multiplication de pains  la guérison d’un paralytique; la guérison d’un aveugle; le possédé délivré du démon; la résurrection du fils de la veuve de Naïm ; la résurrection d Lazare; la guérison d’un lépreux ; la guérison de l’homme à la main sèche.

Quelques détails des voussures :

 

 

 

De gauche à droite sont représentés Dieu créant le Monde, Abraham demandant grâce pour les sodomites et saint Pierre crucifié à l’envers.
De gauche à droite, dans la partie supérieure, sont successivement représentés saint Laurent grillé, Samson ouvrant la gueule du lion, Ève filant et Adam labourant. Dans la partie inférieure, de gauche à droite, sont figurés saint Paul décapité, le roi de Judée Ézéchias en prière et le sacrifice offert par Caïn à Abel.

 

Les statues en ronde-bosse aux ébrasements des trois portails.

https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:West_portals_of_Notre-Dame_de_Strasbourg?uselang=fr

Les figures sont placées sur des mottes de terre ou des nuages, posés sur des piédestaux hexagonaux. Ces statues sont placées dans des niches délimitées par des guirlandes de feuilles aux espèces variées (vigne, chêne) et par des colonnettes.

– Le portail gauche (côté nord) : les Vices et les Vertus, c’est le côté nord de la façade ouest.

Les quatre premières sont à l’ébrasement gauche, les quatre suivantes à l’ébrasement droit du portail. Il y a encore deux Vertus de chaque côté situées sur les contre-forts qui ne sont pas sur la photo.

D’influence parisienne ou rémoise, figures féminines aux attitudes variées qui sont soulignées par drapés riches, aux plis variés (en tablier, longitudinaux, en cascade, en pans étagés au plis profonds…). Elle sont cependant suffisamment expressives pour être rapprochées des modèles rhénans auxquels appartiennent pleinement les prophètes du portail central.

 

 

– Des prophètes « christophores » (qui ont annoncé la venue du Christ dans l’ancien Testament) du portail central.au

Quatre prophètes de l’ébrasement nord du portail central et deux personnages étranges : au centre, un personnage jeune, imberbe, habillé à la mode médiévale et coiffé d’un bonnet d’étoffe souple. Son nez est cassé, et l’œil gauche abîmé. Serait-ce le maître Erwin 1284-1318 ? Son fils Jean ?  Ils sont posés sur des socles symbolisant des nuages et semblent tourmentés par une sorte d’exaltation mystique. Draperies mouvementées, visages émaciés, ces prophètes, annoncent la venue de Messie, l’Incarnation du Christ. Ils sont  à la fois passé et avenir.  C’est un choix iconographique novateur (iconographie « typologique » : Ancien – Nouveau testament) car le portail central accueille généralement les apôtres.

 

À gauche le prophète regarde droit devant lui. Son visage est caractérisé par un nez très droit. Sa barbe comme sa chevelure sont abondantes, constituées de grosses boucles. Il porte un chapeau mou, de grandes dimensions, à large bord. Son voisin tente de déchiffrer le phylactère. Chauve, il a un visage émacié. Les parchemins qu’ils déroulent, les uns en les lisant, les autres en semblant ignorer leur contenu, symbolise la tradition hermétique. 

Ces témoins annonciateurs du Christ entouraient une figure de la Vierge (original disparu, statue du XIXe). Leur expression outrée et leur allure efflanquée les rattachent à une veine expressionniste qui les éloigne du groupe des Vierges du portail latéral sud.

Certaines de ces figures ont des visages expressifs, des têtes surdimensionnées, tous ils sont marqués par la capacité d’annoncer le futur, la venue du Christ. La figure du milieu pourrait être le maître tailleur Erwin ou son fils Jean car il se distingue par le vêtement des maîtres artisans.

 

Les prophètes de l’ébrasement droit.

Le portail droit (sud) : Aux ébrasements du portail droit (côté sud de la façade, la parabole des Vierges folles et des vierges sages et le Jugement dernier.

On comprend aisément pourquoi l’iconographie de ce portail associe la parabole des vierges folles et de vierges sages au jugement dernier du tympan. Il s’agit de rappeler à tous les fidèles qui entrent par cette porte (la grande porte du portail central n’était ouverte qu’aux grandes occasions) qu’ils doivent être toujours prêts pour subir le Jugement dernier, lorsque le Christ reviendra sur terre à la fin des temps pour offrir aux élus le salut éternel au paradis et aux damnés la souffranc éternelle en Enfer. Nous avons ici un exemple  de la fonction tropologique de l’image religieuse  c’est à dire qui guide le fidèle, qui lui montre l’exemple à suivre.

La parabole des Vierges Sages et des Vierges Folles est uniquement rapportée par Mathieu (25, 1-13) . Cette parabole a toujours été associée à l’Apocalypse et au thème du Jugement dernier.

« Alors, le Royaume des cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe et s’en allèrent à la rencontre de l’époux. Cinq d’entre elles étaient insensées et cinq étaient prévoyantes. Les insensées avaient pris leur lampe sans emporter d’huile. Tandis que les prévoyantes avaient pris, avec leur lampe, de l’huile en réserve. Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. Au milieu de la nuit, un cri se fit entendre : « Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre ».

Alors toutes ces jeunes filles se réveillèrent et préparèrent leur lampe. Les insensées demandèrent aux prévoyantes : « Donnez-nous de votre huile car nos lampes s’éteignent. » Les prévoyantes leur répondirent : « Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous ; allez plutôt vous en procurer chez les marchands. » Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva. Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces et l’on ferma la porte.

Plus tard, les autres jeunes filles arrivent à leur tour et disent : « Seigneur, Seigneur, ouvre-nous !» Il leur répondit : « Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas. Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »

Ebrasement côté nord (à gauche) : tentateur et Vierges folles qui n’ont pas veiller à cce qu’il y ait de l’huile pour pouvoir les allumer.

Le dos du Tentateur envahi de crapauds, lézards et serpents.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ébrasement sud (côté droit) Vierges sages et l’Époux. Leurs lampes ont de l’huile car elles ont été prévoyantes

 

 

 

 

On remarque une évolution stylistique vers un déhanchement plus prononcé, un style plus maniéré au niveau des drapés, une plus grande expressivité (Vierges folles et vierges sages ainsi que prophètes sont les sculptures les plus tardives, tout début du XIVe siècle).

Rolland Recht décrit et interprète les différences vestimentaires de ces figures féminines.

Le costume a été l’objet de nombreuses études, issues de différentes disciplines. Il intéresse généralement l’historien de l’art pour dater des oeuvres d’art figuré, plus rarement comme indice de situations ou de rapports spécifiques à l’intérieur du champ social. Il faut dire pourtant que tout en constituant la source la plus précise de l’histoire du costume, les arts figurés ne peuvent guère être considérés comme représentatifs de l’ensemble des comportements ou des formes : on sait que le clergé fustigeait les extravagances vestimentaires, sans aucune tolérance ou presque. Le choix des costumes tel qu’il fut opéré pour la sculpture des églises ne rend pas compte d’une situation historique donnée, mais

 

bien plutôt d’une attitude de l’Église qui voulut, à l’aide de tel ou tel costume, désigner tel ou tel personnage et, par conséquent, chargeait le costume de significations morales. En regardant les costumes des sculptures du XIIIe siècle, on a l’impression d’une grande stabilité : il n’en est pas de même des textes littéraires qui font au contraire une large place à la mode vestimentaire. Dans la sculpture monumentale, la toge antique poursuit sa longue carrière même si des costumes modernes se font fréquents.

Les Vierges sages ou folles de l’un des portails occidentaux de la cathédrale de Strasbourg fournissent un bon exemple de l’utilisation expressive -et morale-du costume. Rappelons d’abord que déjà dans la première moitié du XIIe siècle les figurations de ce thème utilisaient le costume à la mode, réservé de préférence aux Vierges folles. Souvent, comme à la cathédrale de Laon, vers 1230, on met l’accent sur leur caractère mondain en l’opposant au maintien plus réservé et plus digne des Vierges sages, qui ont la tête couverte comme les femmes mariées (…)

(…) Les Vierges sages de Strasbourg sont vêtues de robes et de manteaux, boutonnés, soit retenus par une cordelière. L’une d’entre elles porte un voile et retient, de deux doigts de sa main gauche, l’attache horizontale du manteau à la hauteur de ses seins, selon un geste de dignité. Les Vierges sages ont la tête couverte d’un voile. En face d’elles la plupart des Vierges folles ne portent pas de manteau : tête nue, les cheveux tombant dans le dos non sans être serrés, sur le haut du crâne, à l’aide d’un cercle de tête. Celle qui est placée à côté du Tentateur écarte de sa main droite un surcot qu’elle porte par-dessus sa robe, tout en adressant au spectateur un sourire sans équivoque. Le Tentateur, quant à lui, porte un surcot fendu sur le côté et boutonné. Elle laisse voir ses jambes, que des poètes médiévaux considèrent comme un attribut de la beauté masculine. Sa tête est recouverte d’une couronne, ses escarpins sont fermés par une courroie boutonnée. Vu de face, le diable est donc fort avenant. Sur son dos, on voit grouiller crapauds et reptiles (c’est la beauté du diable, proche de celle du Prince du monde strasbourgeois.

R. RECHT, Le croire et le voir. L’art des cathédrales, Paris, 1999, p. 317-318.

Cité par Claire Linghenheim ici.

Les autres fonctions des images religieuses sont la typologique (correspondance entre Ancien et Nouveau Testament abondantes à Strasbourg) et l’anagogique (du grec anagogikos élévation) une notion ascétique qui désigne l’élévation de l’âme vers les choses célestes, et en théologie l’interprétation d’un texte qui cherche à passer du sens littéral vers un sens spirituel. Ici, il s’agit également de rendre gloire à Dieu en élevant un tel édifice.

–> Les sculptures des niveaux supérieurs de la façade Ouest.

Au-dessus du portail central et de la rose est représenté le Jugement dernier : le Christ en mandorle entouré d’anges dont certains tiennent les arma christi (instruments de la Passion)

Le Christ du jugement dernier dans sa mandorle flanqué d’anges priant ou tenant les instruments de la Passion et surmonté de deux anges sonnant les trompettes de l’Apocalypse :

Ici, Satan, sur la pointe, se prépare à accueillir les damnés.

 

Les sculptures du  beffroi (Michel Parler de Fribourg 1383-1388) : Anges musiciens aux trompettes de l’Apocalypse (Jugement dernier)

 

Le thème de l’iconographie du beffroi tout en haut est L’Apocalypse càd le Jugement Dernier. Entre les gâbles des ouvertures, le Christ est représenté assis, une épée pointant vers sa bouche. En dessous de lui deux personnages (peut-être les prophètes Ézéchiel et Isaïe). Encadrant les ouvertures, quatre statues avec une tête d’homme, d’aigle, de taureau et de lion (Le tétramorphe) représentent selon les uns, les évangélistes.

Dans la pointe des deux gâbles, la Vierge Marie et Saint Jean intercèdent pour les ressuscités que l’on voit sortir des cercueils le long des gâbles. À la droite du Christ, les élus, à sa gauche, les réprouvés. Deux anges portent les « arma christi » les instruments de la Passion : la croix, la couronne d’épines, la lance et les trois clous.

Quatre anges réveillent les morts en soufflant dans des trompettes. Au sommet du gâble, à la gauche du Christ, un démon emporte en enfer un réprouvé, à sa droite, un personnage emmène un élu au Paradis.

Galerie des Apôtres et Jugement dernier entre le Beffroi et l’étage de la Rose.

La galerie des Apôtres :

La galerie des apôtres se compose de statuettes logées dans des niches surmontées de gâbles qui se terminant par des colonnettes sur lesquelles sont placés les anges musiciens aux ailes de bronze doré à l’origine. Placée au-dessus de la rose, la galerie est une riche composition de style gothique flamboyant (vers 1380)

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2 réflexions sur « Architecture et sculpture gothiques : cathédrale de Strasbourg (1) »

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