Introduction à la nouvelle question, Picasso

Introduction à la nouvelle question, Picasso

Artiste foisonnant, artiste complexe, artiste tour à tour subversif et conformiste, mais au regard toujours sensible sur la vie,  touche à tout boulimique défiant l’historien de l’art et tous ceux « qui s’occupent d’art » qu’il qualifiait d’« imposteurs ». Cette boulimie créative était peut-être due à cet épisode douloureux de son adolescence, la perte de sa jeune sœur Conchita, morte d’une diphtérie à La Corogne. Il avait fait le vœu, si celle-ci guérissait, d’arrêter la peinture alors que, jeune prodige déjà, il passait son temps à dessiner et à peindre. Certains lui retourneront le compliment puisque le qualificatif « c’est du Picasso » est devenu vers la fin de sa vie péjoratif, le public étant passé de l’adulation d’un des pionniers de la modernité à sa mise en cause, tel Jean Clair, historien de l’art et critique, ancien directeur du Musée Picasso. A la fin des années ’60, il voyait en Picasso l’incarnation à la fois de la beauté et des excès de l’art moderne du XXe siècle qui annoncent (ou qui impulsent) ceux de l’art contemporain. A force de déformer les formes il aurait fini, à  la fin de sa vie, par tomber dans la caricature de lui même, par « se copier soi même », chose qu’il détestait le plus. Pour d’autres il tombait dans une sorte de régression sénile, voire une obsédante impuissance sexuelle, sa peinture ressemblant de plus en plus à un barbouillage stérile d’un réalisme cru.

1. Un artiste profondément moderne.

L’exposition « Le dernier Picasso 1953-1973 » insiste davantage sur la capacité de l’artiste à inventer à interroger l’art en prenant « la peinture comme modèle » dans une sorte de corps à corps avec le modèle à la fois déformé par la déconstruction, réaliste dans l’expression des passions, mais toujours vu comme une sorte de trilogie inventive autour de l’artiste, de l’objet (ou du modèle) et de la toile : 

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Picasso Nu Couche? Mougins, 1968, huile sur toile, 130×162 cm, Museum Burda Baden Baden

Le baiser ,Mougins 1969, 97×130 cm, huile sur toile Musée Picasso, Paris.


L’étreinte II, Mougins 1971, huile sur toile, 145 x 114cm, Musée Picasso, Paris.

Ne disait-il pas « la peinture est plus forte que moi, elle me fait faire ce qu’elle veut » ? (phrase manuscrite sur la 3e de couverture d’un carnet en 1963). Les dix dernières années de sa vie sont perçues par les commissaires de cette exposition comme une relecture du cubisme libérée de toute contrainte conceptuelle, franchissant les limites grâce à une spontanéité, à un retour au naturel qui rend la peinture « primaire », « sauvage », « immédiate ».

Le peintre et son modèle 4 juillet 1970 crayons de couleur sur carton ocre 21,5×30,8cm Centre Pompidou.

Œuvre  plein de vie, œuvre d’une longue vie, puisqu’il meurt à l’âge de 91 ans, dont la production est absolument sans équivalent (on dénombre plus de 18 000 oeuvres dont au moins 16000 peintures et dessins), oeuvre où se mêlent amours et amitiés dont les œuvres sont  le témoin visuel, engagements et retraits, visages, corps, objets, animaux, figures réelles et figures mythologiques, espaces aux contours mal définis plutôt que des lieux précis. Un monde peuplé d’images mentales tout autant que de chair.

– Picasso est moderne car il regarde le monde, le représente à sa manière en refusant obstinément la profondeur du champ au profit du graphisme et l’expression des sentiments au profit d’une sorte d’énergie exprimée dans des déformations violentes du corps et du visage.

– Il est moderne dans son rapport aux maîtres (cf. exposition Picasso et les maîtres, au Grand Palais, 2008) qu’il admire et dont il réinvente les leçons en croisant les époques passées depuis l’Égypte ancienne jusqu’au XIXe (Titien, Greco, Rubens, Rembrandt, et surtout Velasquez, Zurbaran, Ribera et Murillo les grands maîtres du « siècle d’or espagnol, mais aussi Ingres, Delacroix, Courbet, Manet, Degas, Cézanne, Gauguin, Toulouse Lautrec, Le Douanier Rousseau).

Le déjeuner sur l’herbe (d’après Manet) nocturne Mougins, 13-Julillet1961 huile sur toile 60 x 73 cm. Musée Picasso

– Mais il dialogue aussi avec les artistes de sa génération, Braque bien sûr mais aussi, et surtout, Matisse. C’est une des entrées majeures du programme.

– Il se réfère aussi  à des images de l’humanité nourries par la photographie en cette époque d’ouverture coloniale au monde qu’il rapproche des arts « primitifs », en particulier la sculpture ibérique pré-romaine qu’il découvre en 1905 au Louvre lors d’une exposition des trouvailles archéologiques d’Ossuna (voir ici).

2. Picasso est l’artiste le plus admiré, le plus exposé, le plus vendu du XXe siècle.

Certains vont jusqu’à parler de « Siècle de Picasso » comme on a parlé de « siècle de Périclès ». Les récits biographiques de ceux qui l’ont connu sont nombreux, mais révèlent-t-ils quelque chose sur son art ? D‘incessantes expositions, selon les périodes, les thèmes, les styles, les techniques, les lieux de création, voire les dations et legs de ses héritiers à l’État, renouvellent constamment son approche. La dernière en date est celle du Centre Paul Klee à Berne : Klee rencontre Picasso. Cependant, nombre d’expositions n’ont fait que commémorer Picasso, mais peu ont apporté quelque chose de neuf dans notre connaissance de son œuvre.

Quatre musées lui sont spécialement dédiés. Le dernier à Màlaga, où il est né en 1881, s’est constitué de dons familiaux. Les autres sont celui de Barcelone qui recueille l’oeuvre de jeunesse et la suite sur les Ménines. Celui d’Antibes qui conserve l’oeuvre dionysiaque réalisé sur place l’été 1946 , celui de Paris qui  suit de manière intime sa vie de création grâce à la dation de la famille à l’État français. Il contient aussi la quasi totalité des sculptures et des gravures. Son tableau le plus célèbre, Guernica, est exposé à Madrid entouré de ses dessins Enfin, à Vallauris, la chapelle de la Guerre et la Paix et à l’Unesco le panneau de la Chute d’Icare sa seule commande officielle :

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Picasso, La chute d’Icare, Cannes 1958, peinture murale, 800×1000 cm, Palais de l’Unesco, paris. (voir aussi étude :

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Picasso, La Chute d’Icare, 1958, crayon sur papier, 27x 21 cm, coll privée.

Cette gloire (surtout après 1945) n’est pas sans poser des problèmes à l’historien de l’art.

Le risque de tomber dans le déterminisme, dans l’évidence d’un tableau comme les Demoiselles en oubliant les essais, les esquisses (quinze carnets de dessins pleins, plus toutes études, 600 oeuvres au total ont été nécessaires pour aboutir à ce tableau lui même inachevé), les hésitations (cf. Exposition « Les Demoiselles d’Avignon », Paris, Musée Picasso 1988.

« Comment voulez-vous, dit Picasso, qu’un spectateur vive un tableau comme je l’ai vécu ? Comment peut-on pénétrer dans mes rêves, dans mes instincts, dans mes désirs, dans mes pensées qui ont mis longtemps à s’élaborer et à se produire au jour, surtout pour y saisir ce que j’ai mis, peut-être malgré ma volonté ? »

De même pour toutes l’inventions on se prend à penser qu’elles s’imposaient par elles mêmes. Pourtant la création est incertitude, « je ne cherche pas, je trouve » disait Picasso (Propos sur l’art, p. 21). Ainsi en 1906 lorsqu’il visite l’exposition de masques africains au Trocadéro, il trouve la source d’un nouveau langage alors que Derain qui a aussi vu les « nègres » à Londres n’a pas su quoi en faire.  Admiratif de l’art d’Océanie et d’Afrique dont il aime la rigueur structurelle et le pouvoir magique, il ne s’intéresse pas trop à l’Extrême-Orient. (alors que Matisse en est fasciné).

Mais il était loin d’établir une doctrine théorique autour du « cubisme » ou de toute autre « école », son travail devait plus au hasard qu’à une quelconque théorie. Lors d’une exposition d’artistes cubistes, il n’hésite pas de qualifier le cubisme de « nouvelle tromperie  pour remplacer la perspective ». C’est un artiste puissant et solitaire qui n’a cessé de concilier classicisme et modernité, ces deux forces antinomiques.

Cela ne l’a pas empêché de réfléchir sur l’art, d’inventer de nouvelles approches picturales qui sont devenues des « styles» de référence jusqu’à l’art contemporain. Il faut lire ses Propos sur l’art pour saisir la manière dont il envisage l’art, « un mensonge qui dit la vérité ».

Parlant du tableau, il affirme que l’idée d’un tableau fini est absurde :

« Pour moi, chaque tableau est une étude (…) dès que je commence à finir il devient un autre tableau. Terminer une œuvre ? Achever un tableau ? Quelle bêtise ! Terminer une œuvre veut dire en finir avec l’objet, l’achever, le tuer, enlever son âme ! « 

Plutôt que de passer cent jours sur le même tableau, il préfère faire cent études en quelques jours pour le même tableau. C’est en ce sens que son art peut être qualifié d' »expérimental » (Sujet ENS 2010). L’exposition de 1988 sur les Demoiselles d’Avignon a montré que chaque étude est numérotée, signée, datée comme si elle était une œuvre à part entière. « Pourquoi croyez-vous que je date tout ce que je fais ? C’est qu’il ne suffit pas de connaître les œuvres d’un artiste ? Il faut aussi savoir quand il les faisait,  pourquoi, comment, dans quelles circonstances. ».

A l’atelier d’artiste il préfère l’idée d’un laboratoire où il passe d’un style à l’autre, d’une œuvre à l’autre, d’un art à l’autre même s’il admet qu’il y a une logique dans cette démarche et qu’il ne s’agit pas d’improvisation ou d’ « écriture automatique » ou d’un équivalent artistique.

3. Comprendre le contexte de création chez Picasso.

La biographie n’explique pas tout. Pour analyser les œuvres de Picasso il faut se garder cependant de tout schématisme, de toute explication prédéterminée, en particulier par sa biographie, ses relations amoureuses, ses voyages de jeunesse et ses changements de résidence (la liste de ses ateliers est ici). Sous l’influence de la littérature et de la psychanalyse, on a voulu expliquer l’essentiel de son œuvre, et en particulier les tournants, les bifurcations stylistiques par son journal intime, ses relations d’amour.  Certes il avait affirmé « l’œuvre qu’on fait est une façon de tenir son journal ». Mais cela signifie-t-il que toutes ses trouvailles plastiques trouvent leur origine dans sa vie privée ? Ne faut-il pas convoquer d’autres facteurs comme l’histoire de l’art, la politique, les voyages, la société elle même.

– Les « circonstances » dont il parle sont aussi celles de la guerre civile et de la crise économique dans les années ’30, la Guerre froide après 1945, les idéologies anarchisme, communisme, stalinisme, sa relation au marché de l’art avec le refus obstiné du salon et le recours permanent aux galeries. Enfin, le rôle de la réception de son œuvre qui fait de lui un personnage public admiré et critiqué.

Son intérêt pour les arts, et pas seulement visuels, est une autre composante du contexte. Pas seulement l’art classique, mais aussi les hautes époques de l’art occidental (crétoise, archaïque, sumérienne, mycénienne), l’art dit « primitif » des tropiques aztèque, africain, océanien.

Léonardo Sciascia dit de lui :

« La grandeur de Picasso ne réside pas tant dans l’avant-garde mais bien dans la tradition ». C’est à dire qu’il n’a pas regardé vers l’avenir mais vers le passé, vers ce qui avait été, ce que lui-même, avec son immense talent, ne pouvait plus réaliser…Il a ainsi parcouru l’histoire de l’art et aussi l’art sans histoire. »

Ouvert aux périodes précédentes, il s’est en revanche montré inflexible avec l’abstraction et l’expressionnisme, deux courants d’Europe du Nord leur préférant des thèmes issus de la culture méditerranéenne et en particulier celle de sa ville natale, Màlaga, carrefour d’influences romaines, maures, gitanes et juives. Il tirera aussi un certain machisme typiquement andalou et la mirada fuerte, la force du regard et la prédation visuelle du séducteur.

Vouloir expliquer tout ce qu’on voit sur le papier ou sur la toile semble une illusion. Même s’il faut tenter de comprendre, il n’est pas question de nier la part d’imprévisible, les limites de toute explication en matière d’art. La démarche même de Picasso évoquée plus haut nous incite à la prudence sur les causalités qui mènent à l’oeuvre.

4. On peut cependant esquisser une évolution qui pour chronologique qu’elle soit n’est pas linéaire.

– Ses débuts à Paris : périodes bleue et rose.

Picasso se rend à Paris pour la première fois en octobre 1900. « Te voici devant la porte du siècle, tu as dans la main la clef de cette porte » écrit Vicente Huidobro (poète chilien porche des avant-gardes artistiques et littéraires parisiennes des années 1915 à 1930). Il y retournera en 1901, en 1902 après avoir séjourné à Madrid, et s’y installera à partir de 1904. Durant ces années itinérantes il lutte contre la pauvreté mais aussi pour se frayer une voie dans le milieu artistique parisien. Hanté par le spectre de la misère humaine, pendant la période bleue il s’intéresse  ensuite à des sortes de funambules errants dans des espaces indéfinissables pendant la période rose.

Apollinaire appelle le spectateur à être pieux devant ces « rites muets célébrés avec une agilité difficile« .

La famille de Saltimbanques (Les bateleurs) Paris 1905 huile sur toile 213×230 cm National Gallery of Art Washington.

– Le cubisme et le collage

Il fait la connaissance de Gertrude Stein qui lui fait connaître Matisse. Picasso fera son portrait de mémoire en 1907, après de longues séances de poses et un voyage à Gòsol, bourgade pyrénéenne, où il aborde à la fois la question du masque, élément ambigu qui montre et qui cache à la fois, et celle du volume.

Il a déjà vu au Louvre l’art égyptien, grec archaïque, étrusque,  le Bain turc d’Ingres, il a vu les Baigneuses de Cézanne, la Joie de vivre de Matisse. Il abandonne les corps longilignes, l’expression des sentiments, pour s’intéresser à des corps traités comme des masses géométriques surmontés d’un masque. Ayant abandonné le symbolisme, son nouveau langage plastique se met en place jusqu’aux Demoiselles d’Avignon. La révolution anatomique de ces figures féminines doit aussi aux nus « barbares » de Matisse (comme le Nu bleu de Baltimore) et de Derain. Fier de ses trouvailles il affirme qu’il est comme un « ténor qui atteint une note plus haute que celle écrite dans la partition moi ! ».

Entre 1908 et 1914, il instaure avec Georges Braque un dialogue quotidien sur le nouveau langage figuratif qu’on appelle le cubisme. L’un invente en se préoccupant davantage de la question de la forme (Picasso), l’autre est plus porté vers la question cézanienne de l’unité de l’espace pictural (Braque). Ensemble, ils inventent une nouvelle poétique du réel auquel ils restent attachés :

« Moi, je vise toujours à la ressemblance… Un peintre doit observer la nature, mais jamais la confondre avec la peinture. Elle n’est traduisible en peinture que par des signes. Mais on n’invente pas un signe. Il faut fortement viser à la ressemblance pour aboutir au signe. Pour moi la surréalité n’est autre chose, et n’a jamais été autre chose, que cette profonde ressemblance au-delà des formes et des couleurs sous lesquelles les choses se présentent. »

Propos de Picasso cité par Brassaï, Conversations avec Picasso, Paris, Gallimard, 1964, p.198.

« Cétait un processus dune extraordinaire fertilité de nouvelles formes qui semblait émerger avec chaque nouvelle étape. Une toile était le point de départ de la toile suivante quil peignait, mais une toile entièrement nouvelles, avec seulement des références à la toile précédente, des rappels de la toile précédente. »Meyer Schapiro. The Unity of Picassos Art. New York: George Braziller, 2000.

On a distingué un cubisme primitif cézanien, une étape « analytique » puis une « synthétique » mais cette évolution doit être examinée avec esprit critique. C’est sous le soleil méditerranéen de Horta (Catalogne) de Céret (Roussillon), de Sorgues (Provence) que les pas décisifs de cette révolution sont accomplis.

Chez Picasso, il n’y a pas de véritable frontière entre la sculpture et la peinture. Il s’agit de deux expressions artistiques complémentaires. Ainsi, la première sculpture véritablement cubiste date de 1909, c’est une Tête de femme (de Fernande ?) dont il existe deux exemplaires, Musée Picasso de Paris et MOMA.

Tête de femme (Fernande ?), Paris 1909 bronze 9e édition, 40 x 23 x 26 cm, MOMA et autres. (Voir portrait peint ici)

…Il s’agit cependant du seul exemple de sculpture cubiste (les têtes inspirées des masque n’en sont pas véritablement), c’est à dire qui s’attache à représentation de la structure en multipliant les points de vue et décomposant la forme en plusieurs plans anguleux accentués par des sillons qui semblent chercher à révéler la structure interne de la tête.

En 1912, Picasso invente le collage et Braque le papier collé. Le cubisme se radicalise en envahissant le tableau de « readymades » faisant disparaître la frontière entre objet réel et représentation transformant ainsi les objets en signes.

Sur cette photo de l’atelier Bd. Raspail à Paris, on peut voir un Assemblage avec guitare (1912) un des tout premiers tableaux – reliefs aujourd’hui disparu. Un joueur de guitare dessiné sur la toile tient une guitare réelle, tenue par des fils, ce qui annonce l’art de Rauschenberg quelques décennies plus tard.

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Ci-dessous une autre photo du même atelier où l’on voit le travail du collage de Picasso :

« Un des points fondamentaux du cubisme visait à déplacer la réalité ; la réalité n’était plus dans l’objet, elle était dans la peinture. Quand le peintre cubiste pensait « Je vais peindre un compotier » , il se mettait au travail, sachant qu’un compotier en peinture n’avait rien de commun avec un compotier dans la vie. nous étions réalistes, mais dans le sens du dicton chinois ; « Je n’imite pas la nature, je travaille comme elle ».
A part le rythme, la différence des textures est une des choses qui nous frappent le plus dans la nature : la transparence de l’espace opposé à l’opacité de l’objet dans cet espace, la matité d’une paquet de tabac à côté d’un vase de porcelaine, et, en plus, le rapport de la forme, de la couleur et du volume à la texture. Pourquoi évoquer ces différences avec de monotones couches de peinture à l’huile et chercher à « rendre » le visuel grâce à des conventions torturantes et rhétoriques : perspective etc. ? Le but du papier collé était de montrer que les matériaux différents pouvaient entrer en composition pour devenir dans un tableau, une réalité en compétition avec la nature. Nous avons essayé de nous débarrasser du trompe – l’œil pour trouver le trompe l’esprit ».

Picasso cité par Marie-Laure Bernadac (Sous la direction de), Androula Michael (Sous la direction de), Picasso, Propos sur l’art.

Au même moment il peint des portraits « ressemblants » comme celui d’Ambroise Vollard (1910, Musée Pouchkine Moscou), un des plus impressionnants, et avoue son amour à Céret pour Éva Gouel, qu’il appelle  » Ma jolie  » dans ses toiles.

Portrait d’Ambroise Vollard, Paris, 1910, huile sur toile, 92 x 65cm Musée Pouchkine Moscou.

– La période dite « néo-classique ».

Mais dès février 1917, il part pour deux mois en Italie. Il se détache du modèle cubiste pour se tourner vers l‘Antiquité et ses réminiscences, en particulier le néoclassicisme d’Ingres. Il entre ainsi dans sa période dite « néo-classique » en même temps qu’il épouse l’une des danseuses des Ballets russes, Olga Kokhlova, mère de son fils Paul. Elle sera son modèle pour plus d’une centaine de portraits (peinture et dessins) entre 1917 et 1935 (aller sur on-line Picasso, cliquer sur Artworks puis sur Search. Saisir Olga pour obtenir la l’ensemble de ces portraits). La pureté du dessin doit beaucoup à Ingres, la majesté de la forme se réfère au modèle antique qu’il redécouvre à Pompéi, à Naples et à Rome. Y a -t-il pour autant véritable rupture avec le cubisme ?

En 1921 il signe une composition naturaliste comme Trois femmes à la fontaine (huile sur toile, MOMA) dont se dégagent à la fois une sérénité et une solennité classiques. (sur Picasso et l’antique voir article d’Hélène Lassalle, Picasso et le mythe antique, in  Antiquités imaginaires).


Trois femmes a la fontaine, Fontainebleau, 1921 huile sur toile, 204 x 174cm MOMA New York.

La monumentalité sculpturale des figures est caractéristique de cette période qui marque une prise de distance avec le cubisme analytique. Mais il n’oublie pas l’approche cubiste puisqu’il s’agit en réalité de la même figure féminine vue de points de vue différents. D’ailleurs, il en réalise une double version en partant d’un carton accroché dans son atelier (à la manière des peintres de la Renaissance) comme il fera une double version des Trois Musiciens, huile sur toile qu’il peint la même année 1921 (celle du MOMA et celle du Musée de Philadelphie).

Les Paysans au repos peints par Picasso en 1919.


Les deux figures sont d’une monumentalité sans précédent. Picasso exalte ici le plaisir du sommeil, inspiré certainement de personnages réels en Italie. La relation homme femme est ici montrée avec beaucoup de naturel même si l’abandon de la femme semble suggérer la relation amoureuse plutôt que le caractère quotidien de la scène. Jouant sur un coloris de bleus, verts et rouges vifs et lumineux ainsi que sur un subtil jeu d’ombre et lumière, Picasso donne du volume aux figures tout en leur donnant vie et charme juvénile. Une relecture de la Sieste de Van Gogh ?

Il réglera son différend avec le cubisme quelques années plus tard, lors de sa première exposition à New York où il déclare que le cubisme n’était en rien différent des autres « écoles de peinture ». Malgré les « théories«  avec lesquelles on avait « aveuglé les gens« , le cubisme demeurait « à l’intérieur de la peinture ».

La métamorphose de la figure : années 1925 – 1937

Il n’y a donc pas rupture puisque Picasso adapte le style au sujet dans la plus grande liberté. Au principe de « l’évolution » de l’art il oppose celui de la « métamorphose ».

La tendance classicisante cesse en 1925 avec le Baiser et la Danse, deux nouvelles explorations formelles qui pour certains (Jean Leymarie) révèlent les vicissitudes de la vie comme Picasso l’avait affirmé en disant que peindre était « comme tenir un journal ».

Le baiser, Juan-les-pins 1925 huile sur toile 130 x 98 cm Musée Picasso Paris.

La rencontre avec Marie-Thérèse Walter en 1926 ne bouleverse pas complètement sa manière si ce n’est par une exploration foisonnante du thème de la figure féminine qu’il se plaît à métamorphoser (lire article correspondant dans le catalogue de l’Exposition Picasso et le portrait : Robert Rosenblum, La muse blonde de Picasso, le règne de Marie-Thérèse Walter (pp. 336-383). Son rapport intime à la figure féminine qu’il peint et dessine de manière à lui conférer un caractère universel, s’apparente à Rembrandt. Mais il va plus loin en s’obstinant à transcrire toute la gamme des postures et des attitudes du rapport entre corps humains, y compris la violence et la terreur.

Entre 1928 et 1934 il multiplie les sculptures en interaction avec les peintures, les dessins et les gravures. Elles sont en métal et à claire-voix, exécutées avec l’aide de Julio Gonzàlez ou en ronde-bosse et en plâtre modelées au château de Boisgeloup acquis en 1930. Parmi elles, la maquette pour un monument à Apollinaire :

« C’est à Cannes, pendant l’été 1927, que Picasso a dessiné des sculptures différentes de toutes celles qu’il avait déjà réalisées. […] Il se rendait compte que si le dessin exprimait sa première idée d’une sculpture, il n’était pas moins une image trompeuse et éloignée de la vertu propre du monument. Le premier aspect de celui-ci, il devrait le chercher ensuite dans des constructions en fil de fer, sortes de squelettes, qu’il habillerait de métal par la suite. […] Dans les premiers dessins Picasso creuse son monument sur un fond. Mais ces profondeurs sur fond se transforment bientôt en perforations pénétrées par l’espace. Picasso qui a toujours eu le sentiment le plus aigu de l’architecture n’était pas sans connaître que la vérité essentielle d’un monument c’est sa masse dressée dans l’espace. Seulement, au lieu d’opposer cette masse à l’espace, comme une Pyramide, il a préféré avec juste raison appuyer son monument sur l’espace et en même temps le faire pénétrer par cet espace même. En sorte que, au lieu d’entrer en antagonisme avec l’espace, le monument puisse vivre en lui. »

Christian Zervos, « Projets de Picasso pour un monument », Cahiers d’art, n°VIII-IX, 1929, p.342.

Maquette pour un monument Apollinaire, fil de fer tôle, 50 x 18 x 41cm, 1928-29 Musée Picasso Paris. Placée sur un socle en tôle, la construction tridimensionnelle  et symétrique par rapport à un axe central forme une figure à la fois contenue dans un ensemble de contours et propulsée dans un mouvement vers l’avant. Il s’agit pour lui de procéder à une « humanisation de l’espace » en opposant à la sculpture publique traditionnelle figurant les hommes illustres une nouvelle sculpture urbaine comme une réflexion plastique sur la relation entre la figure, libre de ses mouvements, et un espace qui la traverse par ses lignes de force sans pour autant la brider. Une relation qui rappelle celle du poète au cosmos avec le quel il communique et au temps qu’il sait écarter par des mots intemporels. La grande maquette présentée ici fut réalisée pour l’étude de la sculpture érigée dans le jardin de l’Hôtel Salé en 1985. Elle constitue un agrandissement de la maquette originale de Figure (1928) conservée au Musée national Picasso et déposée au Musée national d’art moderne (Centre Georges Pompidou).

En  1930 il peint la Crucifixion et au début de ces années ’30 taille plusieurs figurines qui annoncent Giacometti  :

Figure, Boisgeloup 1935, 63 x 8 x 12 cm, bois, métal, fil, celluloïd, Collection famille Picasso.

La Tête de femme de son côté s’inspire de l’art océanien ou néolithique qui associe attributs sexuels et visage. pour Picasso comme pour Rodin, la sexualité est un des ressorts essentiels de la création artistique. L’art et la sexualité ? « C’est la même chose »

Entre 19278 et 1937, la figure du Minotaure se substitue à celle de l’Arlequin à laquelle il s’identifiait jeune. Elle se limite essentiellement à l’oeuvre graphique et constitue un véritable « double » de l’artiste en référence à la fois à la corrida, qu’il redécouvre en Espagne en 1933-34, à l’art crétois ou au culte de Mithra (en rapport avec les écrits de Georges Bataille, de Carl Einstein et de Michel Leiris dans la revue Documents). Il exprime la pulsion sexuelle violente et, associé au cheval et aux figures humaines déstructurées par la violence donnant à la corrida une connotation sexuelle, il annonce par ailleurs l’apocalypse de Guernica.  C’est le temps des figures monstrueuses. Mais Picassso est-il vraiment surréaliste ?

L’expérience de la guerre : 1937 -1945

Il transforme l’évènement historique, somme toute banal dans son horreur, en une mise en scène de la violence et surtout de la souffrance humaine qui rappelle les représentations du Massacre des Innocents depuis le Giovanni Pisano à la chaire de Pise ou de Pistoia. C’est une peinture d’histoire digne de David par sa monumentalité :

Picasso Guernica, Paris 1937, huile sur toile 349cm x 776cm Museo National Reina Sofia Madrid.

Plutôt que l’anecdote, c’est l’intemporalité qui intéresse Picasso. Comme un écho à Guernica des esquisses, des toiles expriment cette souffrance comme Femme qui pleure (1937)

Femme qui pleure Paris 1937 huile sur toile 60x49cm Tate Modern Londres, une véritable destruction des formes.

Mais Picasso nous surprend toujours en refusant de s’enfermer dans un type, un contexte. Maya au bateau (1938) montre l’insouciance de l’enfance en pleine montée des périls.

Maya au bateau, 1938, huile sur toile 61 x 46 cm Collection Rozengart Luzern.

L’exposition « Le dernier Picasso 1953-1973″ au centre Pompidou (1988) et Picasso et les maîtres (2008, CDI), nous permettra de réfléchir sur sa capacité d’invention à partir des styles du passé, on a pu parler de « cannibalisme pictural » ou de « peinture de la peinture » (cf. p. ex. quand il paraphrase Les Ménines de Velázquez qu’il réinterprète en 58 toiles en 1957). Mais là aussi, n’oublions pas que les références aux maîtres du passé n’ont pas attendu la fin de sa vie pour s’exprimer et qu’il dialogue aussi avec des artistes qui lui sont contemporains comme avec Braque et son « rival » Matisse. Autre exposition, autre grille de lecture, « Paysages intérieurs et extérieurs » au Museu Picasso de Barcelone qui vise à montrer le dialogue entre paysages et atelier à différentes époques de son oeuvre.

5. Quelles méthodes, quelles entrées, comment aborder cet œuvre colossal ?

« Toutes les fois que j’ai eu quelque chose à dire, je l’ai dit de la façon que je sentais être la bonne. Des motifs différents exigent des méthodes différentes. Ceci n’implique ni évolution, ni progrès, mais un accord entre l’idée qu’on désire exprimer et les moyens de l’exprimer. »

De la fin des années 1890 jusqu’à l’automne 1972, il peint, dessine, grave, sculpte, colle, modèle, assemble. A cette multiplicité des des modes d’expression il faut ajouter la diversité des styles. Mais au lieu de séparer les multiples facettes de son oeuvre de création, mieux vaut les aborder dans leurs relations et en recherchant les moments où il apparaît quelque chose d’inconnu jusqu’alors, un « commencement » comme il disait : « Tout l’intérêt de l’art se trouve dans le commencement. Après (…) c’est déjà la fin.« 

Selon Philippe Dagen, un écueil est à éviter :

une approche purement chronologique divisée en périodes allant de date en date. (mais pour un cours c’est commode). Si la chronologie est bien sûr indispensable, elle doit procéder par chevauchements, par des ruptures mais aussi des continuités. Lui même, il récusait le terme d’évolution lui préférant « variation » au sens changement de « manière de penser ».

Les différentes manières que j’ai utilisées dans mon art ne doivent pas être considérées comme une évolution, ou comme des étapes sur le chemin qui mènerait à un idéal de peinture inconnu. Tout ce que j’ai jamais fait a été fait pour le présent et dans l’espoir que cela reste toujours dans le présent (…) Je ne crois pas avoir utilisé des moyens radicalement différents dans les diverses manières que j’ai employées en peignant (…) Les motifs différents exigent inévitablement des modes d’expression différents. Cela n’implique ni évolution, ni progrès, mais une adaptation de l’idée que l’on veut exprimer et des moyens d’exprimer cette idée (…)

Marius de Zayas, Interview de Picasso in The Arts, New York, mai 1923

A une chronologie qui expliquerait tout par les relations amicales ou amoureuses (souvent mise en avant par ceux qui l’ont côtoyé) il faut substituer plusieurs autres, celle des évènements historiques, la chronologie de son travail, de ses expériences, de ses reprises et de ses retours.

La grande question qui traverse toutes les époques et qui résume somme toute toute la démarche artistique de Picasso est celle de la représentation. Car à quoi a consisté l’oeuvre de Picasso ?

À explorer, jusqu’à ses limites, sans jamais l’abandonner (il refusait obstinément l’abstraction), la représentation. C’est ce qui fait l’unité dans son oeuvre au-delà de la succession des périodes et des « styles » (sur cette question : Meyer Schapiro, The unity of Picasso’s Art, où l’historien de l’art américain tente d’établir des relations entre les oeuvres de Picasso  en recherchant des liens qui transcendent  les époques et les styles qu’il a traversés, mais aussi avec le contexte social, intellectuel, scientifique (Einstein), du début du XXe par lequel il ente d’expliquer la naissance du cubisme (question discutée par des historiens comme M. Baxandal). (Voir le diaporama de l’exposé de Salomé Ianniciello K-Lyon).

Son oeuvre considérable suit une succession de périodes stylistiques assez clairement définies mais qui ne sont pas hermétiques les unes aux autres : la couleur (bleue, rose), la démarche interne du cubisme analytique et synthétique, la référence au modèle extérieur (phases cézanienne, nègre, ingresque, classique et antique. Après avoir établi une syntaxe, un répertoire, il développe librement des séquences mais aussi des cycles iconographiques (Tauromachie, Minotaure (cf. exposé de Céline Ohresser K-Chartes), peintre et son modèle (exposé de Marc Senet), variations sur des maîtres anciens…), également cycles liés à la technique (gravure, céramique, dessin, sculpture)

Dans une approche chronologique, il s’agira de répondre à un certain nombre de questions qui ont trait à « l’évolution » (mot qu’il récusait mais qui a toutefois sa pertinence) de son art. Chaque période a sa propre problématique même si des questions fondamentales traversent tout son oeuvre :

le réel et sa représentation,

le rapport aux maîtres du passé mais aussi ses contemporains comme Matisse,

– la question du peintre et de son modèle,

le rapport à la matière et à l’objet avec les « readymades », les céramiques et les sculptures,

– sa manière de travailler insatiablement de manière souvent expérimentale,

– son rapport à l’Histoire du temps présent et ses engagements.

Comment le jeune Picasso découvre-t-il la modernité et qu’en fait-il ?

Quelle est la particularité du primitivisme picassien ?

La question du cubisme et du collage seront posées ainsi que son rapport à l’actualité de son temps et à la peinture (l’idée de « la peinture de la peinture » qui domine dans les années ’50).

Picasso « néo-classique » participe du « retour à l’ordre » après 1919 qui ne concerne pas Picasso).  Les années 1930 et la manière d’exprimer la violence de son temps avec les portraits terrifiants de Dora Maar et bien sûr Guernica.

Une approche par le sujet est aussi possible :

– la tauromachie et la corrida,

– la nature morte,

– du portrait naturaliste à la transformation du modèle,

– la variation (déconstruction – reconstruction) sur un tableau de maître, le nu, la mythologie et l’antiquité (en liaison aussi avec l’autre question du programme),

– la figure humaine et sa « défiguration » un des aspects de son art qui a le plus choqué,

– le peintre et son modèle.

Autre entrée, sa manière de travailler, son atelier, sa conception de l’art, sa vision de l’acte créateur (Le Mystère Picasso de H.G. Clouzot) qu’il assimile avec le temps à l’acte sexuel.

La lecture de ses Propos sur l’art éclaire de manière vivante cette question de même que l’ouvrage Picasso, le peintre et son modèle de Jean Chalumeau qui analyse une série d’oeuvres de toutes les périodes en partant des modèles qu’ils soient des figures humaines portraiturées ou des tableaux de maîtres revisités.

Picasso a touché à tous les domaines de la création plastique, il ne faudra pas oublier donc Picasso  sculpteur et céramiste en recherchant la manière dont les oeuvres dialoguent avec la peinture (Exposition). De même pour le dessin (il y en a des milliers), le théâtre et la danse voir aussi ici (décors pour Parade de Daguilev, et les ballets russes à Paris en 1917, le Tricorne en 1919 ou Pulcinella d’Igor Stravinsky en 1920 : voir ballet « Europa Danse« , reconstituant décors et costumes dessinés par Picasso, l’illustration.

Toutes les oeuvres sont sur l’extraordinaire site Picasso on-line (me demander le mot de passe):

http://picasso.shsu.edu/

(pour chercher une oeuvre cliquer sur Artworks, on peut faire une recherche par année ou par mot en cliquant sur Search).

Les collections du Musée Picasso de Paris :

http://picasso-paris.videomuseum.fr/Navigart/index.php?db=picasso&qs=1

Voir aussi le dossier du centre Pompidou :

http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ens-picasso/ens-picasso.html

Des analyses d’oeuvres et autres ressources :

http://www.cineclubdecaen.com/peinture/materiel/ctpeintre.htm

Mise à jour 5 septembre 2011.

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