Jusqu’où nous mènera la conservation de la quantité de mouvement ?

On apprend en cours de terminale S que lorsqu’un système est isolé, il conserve sa quantité de mouvement. C’est le genre de loi que les physiciens aiment bien. Cela permet de faire toute sorte de calculs assez simples sur des phénomènes très compliquées et de relier des choses complètement improbable comme péter jusqu’à la Lune et le colt de Dirty Harry !

Par exemple, cela permet de comprendre comment les fusées se propulsent dans l’espace. En effet, pour se mouvoir sur Terre, on pousse sur l’environnement. Le marcheur pousse sur la Terre et la Terre le repousse, le nageur pousse l’eau et l’eau le repousse, l’oiseau fait de même avec l’air comme l’avion ou l’hélicoptère. C’est toujours le même principe. Pour une fusée, c’est un peu plus compliqué, dans le vide, il n’y a rien à tirer ou pousser pour avancer. Du coup, les fusées sont obligées d’emporter des gaz qui les propulsent dans la direction opposée à celle de leur expulsion (Voir cet article par exemple).

Sur la chaîne youtube PBS space time on trouve une vidéo où la propulsion par réaction est envisagée sous un angle assez original :

Les calculs évoqués dans cette vidéo sont parfaitement accessibles à des élèves de terminale S et ne boudons pas notre plaisir en prenant le temps de les refaire. D’autant que nous allons pouvoir corriger le temps proposé par cette vidéo pour rejoindre la Lune par ce moyen de propulsion.

Détermination du gain de vitesse quotidien

Nous évacuons 1 g de gaz par jour à une vitesse de 3 m/s. En supposant que notre astronaute pétomane pèse 80 kg (il est mince et voyage léger compte tenu du poids de la combinaison mais c’est manifestement ce qu’ont pris les auteurs de la vidéo), nous pouvons calculer quel gain en vitesse cela lui apporte par jour. Le système constitué de l’astronaute et de ses gaz est supposé isolé et la quantité de mouvement à l’instant initial est égal à celle un jour plus tard :

pi=pf (où p est la représentation vectorielle de la quantité de mouvement)
mastro.vastro=mgaz.vgaz+mastro.vastro
[1 g étant négligeable devant 80 kg, la masse de l’astronaute est considérée comme constante]
et donc mastro.(vastrovastro) = – mgaz.vgaz
[le signe moins signifie que la gain en vitesse est opposé au sens d’éjection des gaz]
le gain en vitesse est donc égal à mgaz.vgaz/mastro

Avec les données fournies nous trouvons les 43 ?m/s évoqués dans la vidéo ce qui correspond à 15 cm/h et 3,7 m par jour. Autrement dit, un astronaute isolé dans l’espace qui flatule toujours dans la même direction voit sa vitesse augmenter de 3,7 m par jour dans la direction opposée.

Le narrateur en conclut qu’il faudrait 300 000 ans pour parcourir la distance Terre-Lune. En effet, 3,7 m par jour correspondent à 1,3 km/an soit 300 000 ans pour parcourir les 384 400 km qui nous séparent de la Lune.

Détermination plus réaliste (?) du temps mis pour atteindre la Lune

Ce calcul fait abstraction du fait que notre astronaute peut continuer à avoir des flatulences durant le voyage et donc sa vitesse continuer d’augmenter chaque jour. Nous sommes tout à fait capable de faire le calcul avec les outils d’un terminale S :

Avec un gain de 3,7 m par jour, on peut écrire l’évolution de la vitesse de notre astronaute au cours du temps : v=3,7.t où t est exprimé en jours et v en m/jour.

Comme la vitesse est la dérivée de la position par rapport au temps, on en déduit que x = (3,7/2).t² et donc t = ?(2 x / 3,7).

Ainsi, pour parcourir les 384 400 km qui nous séparent de la Lune, il faudrait 14 400 jours soit 39 ans ! Finalement, ce n’est pas complètement inenvisageable… En fait c’est même envisagé très sérieusement par les ingénieurs en astronautique puisque c’est le principe du moteur ionique : en utilisant une faible poussée continue pendant suffisamment longtemps on peut espérer traverser des distances colossales.

Et Dirty Harry alors ?

Dans les films de gangster et les westerns, il est d’usage que celui qui se prend une balle soit propulsé au travers d’une vitrine/d’une fenêtre/d’une bétaillère ou tout autre élément du décor qui a le bon goût de voler en éclat (voir à 2’30 de la vidéo ci-dessous) :

Est-ce réaliste ? Là encore, c’est la conservation de la quantité de mouvement qui va nous aider.

Dirty Harry est muni comme chacun le sait d’un Smith & Weston 29 tirant des balles .44 magnum. Ces dernières ont une masse de 15,55 g avec une vitesse de sortie canon de l’ordre de 460 m/s. Lorsqu’une telle balle atteint le méchant, on peut estimer que toute la quantité de mouvement de la balle est transmise au méchant + la balle qu’il a dans le buffet. Ainsi,

pi=pf
mballe.vballe = mméchant.vméchant
d’où vméchant = mballe/mméchant.vballe

Avec un méchant de 85 kg tout habillé (la masse normalisée du méchant selon ma propre échelle), on trouve que la vitesse du méchant est de l’ordre de 9 cm/s soit 324 m/h pas très rapide, non ? En tout cas, pas autant que ce qu’on observe à l’écran… je me demande si le Smith & Weston de Clint Eastwood n’était pas chargé à blanc… Pour le vérifier, demandons-nous si la posture de tir de Clint est bien réaliste.

La conservation de la quantité de mouvement nous permet de montrer qu’au moment de l’éjection de la balle, les vitesses vérifient : vcolt = mballe/mcolt.vballe (c’est toujours le même principe de calcul, j’espère que vous avez compris maintenant). Avec une masse de 1,5 kg pour un Smith & Weston 29 chargé, on trouve cette fois-ci 5 m/s soit 18 km/h. On comprend pourquoi on commence par travailler la position de tir avant d’appuyer sur la gâchette. Mieux vaut anticiper ce mouvement et la posture désinvolte de Clint lorsqu’il tire risque surtout de lui casser le poignet !

Quelques sujets de bac qui explorent la notion de conservation de la quantité de mouvement (merci labolycee) :

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