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Posted by on 29 janvier 2011

Extrait du roman Dans le labyrinthe, d’Alain Robbe-Grillet (1959), éd. de Minuit :

…..Le soldat, les yeux grands ouverts, continue de fixer la pénombre devant soi, à quelques mètres devant soi, là où se dresse l’enfant, immobile et rigide lui aussi, debout, les bras le long du corps. Mais c’est comme si le soldat ne voyait pas l’enfant ? ni l’enfant ni rien d’autre.

…..Il a fini son verre depuis longtemps. Il n’a pas l’air de songer à s’en aller. Pourtant, autour de lui, la salle s’est vidée de ses derniers clients, et le patron est sorti par la porte du fond, après avoir éteint la plus grande partie des lampes.

« Tu peux pas dormir là, tu sais. »

…..Derrière la table et le verre vide, derrière l’enfant, der-rière la grande vitre avec son voilage froncé qui la masque jusqu’à mi-hauteur, ses trois boules en triangle et son ins-cription à l’envers, les flocons blancs tombent toujours avec la même lenteur, d’une chute verticale et régulière. C’est sans doute ce mouvement continu, uniforme, inaltérable, que le soldat contemple, immobile à sa table entre ses deux compagnons. L’enfant assis par terre, au premier plan, regarde aussi dans cette direction, bien qu’il ne puisse, sans le-ver la tête, apercevoir la vitre nue au-dessus du rideau fron-cé. Quant aux autres personnages, ils ne paraissent pas se soucier de ce qui se passe de ce côté-là : l’ensemble des bu-veurs attablés, parlant avec animation et gesticulant, la foule du fond qui se dirige vers la gauche du tableau, là où se dressent les portemanteaux surchargés, le groupe qui est de-bout dans la partie droite, tourné vers le mur, en train de lire l’affiche qui s’y trouve placardée, et le patron derrière son comptoir, penché en avant vers les six hommes aux cos-tumes bourgeois, formant un petit cercle aux attitudes em-phatiques, figés ainsi que tous les autres au beau milieu de gestes auxquels cet arrêt arbitraire a enlevé tout naturel, comme ceux d’une compagnie qu’un photographe a voulu prendre en pleine vie, mais que des nécessités techniques ont contraint de garder trop longtemps la pose : « Et maintenant ne bougeons plus !… »

Voici la suite imaginée par une élève :

…..Les six hommes aux costumes bourgeois, qui admiraient ce nouveau régime, commentaient avec tant de fierté cette affiche de propagande. Ils pouvaient en être fiers de leur patrie ! Mais savaient-ils vraiment de quoi il s’agissait ? Le soldat, lui, le savait. Il en avait souffert lui, de cette guerre. Jour après jour, tuer des hommes sans raison, détruire des familles entières, lui il connaissait tous les côtés de la guerre. Il ne savait plus pourquoi il se battait. On lui en avait dit des choses sur cette guerre, mais il n’aurait jamais imaginé qu’elle serait si terrible. Il avait beau se dire qu’il se battait pour son pays et qu’il pouvait en être fier, mais non, il n’y arrivait pas. Les bourgeois, eux, n’avait aucune idée à quoi pouvait vraiment ressembler cette guerre, ils ne voyaient que le beau côté, mais si seulement ils savaient ! Si seulement, un jour, ils pouvaient aller voir à quoi ressemble cette guerre. Mais non, ils ne sauraient jamais ! Le soldat n’osait rien dire, il ne voulait surtout pas porter atteinte à l’armée allemande, il serait mal vu, même si lui, se battait pour son pays. Les bourgeois continueront d’admirer leur nouveau régime pendant que le soldat, lui, avait honte de commettre des crimes chaque jour sans aucune raison.

Amélie S.

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