Stolpersteine, la mémoire et ses llimites

Stolperstein, Berlin, avril 2018, photo NJ

Lorsque l’on s’intéresse à l’espace urbain, et que l’on parcourt l’Allemagne, on tombe forcément  un jour sur ces petits carrés de laiton posés sur le sol, juste devant certaines entrées d’immeubles.

J’en ai vu à Lübeck, Hambourg, Essen et Berlin, là où je suis allé. Les Stolpersteine sont des cubes de béton d’une arrête de 10 cm recouverts d’une plaque de laiton sur lesquels sont inscrits les noms prénoms des Juifs déportés par les nazis durant la Seconde Guerre. L’artiste Gunter Demning en est à l’origine. Son idée a d’abord été élaborée à Cologne, durant l’année 1994. Comme beaucoup d’artistes qui travaillent dans l’espace urbain, il a opéré sans l’autorisation de la municipalité. Un événement : 250 Stolpersteine sont posées devant une église à Cologne (Antonitekirche).

10 Stolpersteine, Berlin, avril 2018, photo NJ

Demning souhaite par ce geste redonner un nom aux personnes qui durant une période noire n’étaient plus que des numéros. Il veut aussi montrer que personne ne pouvait ignorer ce qu’il se passait. Il faut attendre 2000 pour que Demning soit autorisé à poser des pierres à Cologne légalement. D’autres villes emboîtent le pas et sous la pression d’institutions, plusieurs lieux sont investis de la sorte.

Dans les années 2010, on en trouve dans d’autre pays comme les Pays-Bas, la Belgique, l’Italie, la Norvège, l’Autriche, la Tchétchénie, la Hongrie, le Danemark et l’Ukraine, mais en France il faut attendre 2013 pour voir les premières poses en Vendée et en Gironde.

« Ici a vécu Max Matschke, né en 1897, qui a fuit dans la mort le 19 février 1939 », Berlin, avril 2017, photo NJ

Parfois controversées, ces pierres-qui-font-trébucher attestent d’une histoire, d’une présence et d’une mémoire. L’espace de la ville est ainsi recouvert d’une forme de honte et ne peut plus être caché. Le coût d’une pierre est d’une centaine d’euros. Cette visibilité est néanmoins problématique car elle n’offre pas une réelle visibilité ou une visibilité totale de la destruction par les nazis d’un peuple. On est loin de voir plusieurs millions de pierres dans l’espace urbain, ce qui amorce forcément une interrogation sur le nombre. Mais cela donne aussi une visibilité, et le sentiment que chacun assume (enfin) sa part de responsabilité.

Berlin, avril 2017, photo NJ

C’est poignant de voir ces pierres, et d’essayer de comprendre la vie de ces personnes à partir de ces quelques informations, mais aussi à partir de l’espace qui les entoure (rue, immeuble). Certaines de ces pierres sont brillantes, peut-être préservées ou entretenues. Parfois, des fleurs sont posées à côté. A d’autres endroits, elles sont laissées à la souillure du trottoir. Tout dépend du quartier. Tout dépend des gens. Cette frontière avec le temps est pour certains difficile à franchir.

 

Merci à Zélie pour la traduction.

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