Quelques éléments d’observation à Bellefontaine au Mirail à propos de l’espace public dans un grand ensemble

Dalle de Bellefontaine – Reynerie, 1970, DDM

L’espace public d’un grand ensemble répond de manière générale à peu de chose près aux problématiques que l’on rencontre ailleurs. Néanmoins, ces espaces publics ont un fonctionnement qui diffère des autres. La composition sociologique est relativement homogène, ce qui amène des usages dans l’espace public de ces quartiers, spécifiques, faits de limites, de frontières plus ou moins tacites et qui sont difficilement perceptibles aux premiers abords.

 

La dalle, espace public désenchanté

Créées à la fin des années 60, les limites de l’ancienne dalle subsistent, mais ont tendance à s’estomper face aux différents aménagements qui y sont apportés depuis quelques années. La disparition quasi complète de la dalle a remis en question un certain nombre de choses en termes de sociabilisation dans l’espace public. Espace de rencontre, de côtoiement et d’échange, elle fut le lieu de séparation entre le piéton et la voiture, jadis, elle est devenue progressivement un lieu où les limites de sa fréquentation se sont posées.

Au début des années 2000, cet espace public, colonne vertébrale du projet de Georges Candilis, s’est peu à peu mué en un espace en crise : peu adaptée au changement social du quartier, dans un contexte de rénovation urbaine. Elle est mal utilisée : « problème d’ordre morphologique (coût d’entretien élevé), contentieux nombreux notamment en raison de la délimitation de la propriété. De nombreux intervenants participent, en effet, à la réalisation d’une dalle avec par la suite, la gestion de la question des limites physiques et juridiques » (Nathalie Montarde, Nathalie Coulaud, « Aménagement, l’urbanisme sur dalle est à réinventer », Le Moniteur, n° 4918, 27/02/1998).

« Le manque de flexibilité, mais également de la forme, secteurs en déshérence, la plupart des commerces d’origine alimentaires et de proximité ferme boutique, l’un après l’autre » , reléguant cet espace public en position de marge (crainte d’y aller, mauvais éclairage nocturne, sentiment d’insécurité, désertion, détériorations). La dalle se détache progressivement de l’ensemble du quartier. Le coup de grâce donné à cet espace interviendra dès le début des années 2000 avec le déménagement des commerces vers le nouveau centre commercial ainsi que sa démolition censée redonner une dynamique au quartier avec son « noyau villageois » (Guénola Capron, Pédro José Garcia Sanchez, « L’urbanisme moderne de dalle, histoire d’un lent échouage urbain : le cas du centre-ville de Choisy-Le Roi », Flux, 2002/4, n°50 Oct. /Déc., p. 23).

 

Démolition de la dalle – « Le Ttre », journal d’information et d’expression du quartier de Bellefontaine, n°11, Février 2004

Ce nouveau centre redessine les limites de fréquentation et d’appropriation notamment par des usages plus contraints, car il faut désormais cohabiter avec la voiture qui était exclue avec l’ancienne dalle. Cela nécessite donc de réapprendre à circuler selon de nouvelles règles, mais très vite des conflits d’usages apparaissent et mettent en lumière une difficile cohabitation dont les frontières et les limites d’appropriation ne sont pas clairement établies. De plus, le sous-dimensionnement des voies d’accès à ce nouveau centre crée très vite des difficultés de circulation et de stationnement que l’on ne connaissait pas auparavant avec l’ancien modèle, car les voitures et les bus restaient en rez-de-chaussée de la dalle, marquant ainsi, des limites claires et indiscutables.

L’ancien centre commercial sur dalle Le nouveau centre commercial ou « noyau villageois » Photos patrimoines midi-pyrénées.fr & La Gargouille, DR

 

L’espace public, comme lieu de dualité des genres et de pratiques

En cela, les espaces publics de grand ensemble sont particuliers. Leur lecture sociologique et anthropologique n’est pas évidente. Ils sont comme partout ailleurs le lieu de la dualité des genres, mais avec des spécificités propres. La présence masculine y est sans conteste. L’espace public reste « le lieu de la coprésence entre individus, dans le respect mutuel et quasi-muet » (Isaac Joseph, La ville sans qualités, La Tour d’Aigues, L’Aube, 1998) . Néanmoins la présence de la femme dans ces espaces est bien réelle et souvent adossée à la notion de nécessité (faire les courses, le marché hebdomadaire, aller au travail). Les espaces sont donc mixtes, mais démontrent des frontières tacites de genre. Les cafés par exemple sont le lieu des hommes et limités à la gente féminine. La discussion dans les espaces alentours reste par endroit compartimenté. Ici, un regroupement masculin, à un autre endroit des femmes. On cohabite, on pratique l’évitement qui permet d’installer des limites invisibles et convenues. Il y a dès lors, des codes et des règles liés aux usages et à la coprésence dans la sphère publique comme lors du marché hebdomadaire le mercredi matin. La culture d’origine des individus n’est jamais loin et elle vient s’ajouter à des relations dans l’espace public par moment relativement communes. Il y a pour ainsi dire un mélange des pratiques héritées à la fois du pays d’origine et de celles du pays d’accueil. La frontière reste ténue et c’est un aller-retour incessant entre ces cultures selon des situations particulières dans l’espace public.

Le marché hebdomadaire de Bellefontaine, photo MZ, septembre 2008

? rédacteur Mohammed Zendjebil

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