Chroniques d’un printemps perdu (3)

JAN I BRUEGHEL L’ANCIEN Danse de noces © Mairie de Bordeaux, Lysianne Gauthier

 

Vendredi 17 avril 2020, Fer à cheval, Toulouse

par Marine Pradon

J-32. Plus d’un mois est passé, on pourrait croire que nous sommes plus proche de la fin de ce confinement que du début. Pourtant, une étrange sensation m’envahit. Cette sensation que le plus dur reste à venir. Nous ne retrouverons sans doute pas notre « vie d’avant » de sitôt. La vie reprendra son cours petit à petit et cette année restera gravée dans nos mémoires, c’est certain. Comme il est étrange ce sentiment que le temps a cessé de s’écouler. Les journées sont quasiment toutes identiques, la routine s’installe et on s’y habituerait presque, comme si nous avions toujours vécu dans cette situation. Mais j’avoue que mes 17m2 commencent à me sembler étroit, alors la nuit je rêve de la plage, d’espaces immenses avec pour seule limite l’horizon.

Ces temps-ci, un flou s’installe, sur tout ce qui se passe à l’extérieur, sur ce que ressentent les 3 milliards d’êtres humains confinés. Mais surtout sur l’avenir. Je pense à ceux qui vivent dans la précarité et l’insécurité. Je pense à ceux qui ont la chance d’avoir de grands espaces et d’être entourés par les personnes qui leur sont chères. Je pense aux femmes qui sont enfermées avec un homme violent, mais aussi aux hommes qui peuvent subir des maltraitances. Je pense aux enfants qui vivent ce genre d’horreur, cette prison dans laquelle ils sont enfermés sans moyen de s’en échapper. Je pense aux personnes âgées sans les visites de leurs proches. Je pense aux personnes fragiles, je pense aux soignants, à tous ceux qui œuvrent depuis toujours dans l’ombre.

Tous nos plans sont chamboulés, l’avenir est incertain. Nous sommes contraint à vivre au jour le jour.

Mon immeuble est quasiment vide, nous ne sommes que quatre à être resté. Les autres sont sans doute rentré dans leur famille. Lorsque nous nous croisons nous échangeons quelques mots, à distance bien évidemment. Cela fait du bien d’échanger quelques mots. L’Homme est un être sociable. Le partage, le contact avec autrui sont des caractéristiques de notre humanité. Comme cela me manque de partager des moments avec mes amis, ma famille, d’échanger un sourire avec un inconnu dans la rue par simple politesse. Comme cela me manque de ne plus embrasser ma mère, de ne plus rire avec mes amis en buvant une bière en terrasse, de ne plus cuisiner avec mon père. J’ai pourtant l’habitude de vivre loin de ma famille, cela fait 5 ans bientôt que j’ai quitté le nid, que je me suis installée à 700km de chez moi. C’est ici chez moi maintenant, à Toulouse. Mais aujourd’hui, jamais ma famille ne m’a autant manquée. Alors je dirais que chez moi, c’est ici, et partout à la fois, ce sont ma famille et mes amis mon véritable « chez moi », parce que ces temps-ci, la seule véritable liberté qu’il nous reste est celle d’aimer nos proches.

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=> Chroniques d’un printemps perdu (1)

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