Soutenir une thèse, c’est apprendre à convaincre

Soutenir une thèse, c’est avancer des arguments permettant de faire adhérer un jury, non pas par persuasion, mais en arrivant à le convaincre.

Convaincre : « amener quelqu’un à reconnaître la vérité d’une proposition ou d’un fait » nous dit le dictionnaire (Petit Robert 2023). 

Persuader : « amener quelqu’un à croire, à penser, à vouloir, à faire quelque chose, par une adhésion complète (sentimentale autant qu’intellectuelle) » dit-il encore. 

Il y a une différence importante dans cette idée d’adhésion, mais lorsque je dis « faire adhérer un jury » il ne faut pas entendre adhésion complète, surtout d’un point de vue sentimental. Il s’agit d’avantage d’une adhésion intellectuelle. La persuasion a plutôt quelque chose à voir avec la médiatisation. On a tendance à croire ce que l’on voit à la télévision, et sur les réseaux sociaux, et à croire la parole des gens qui ont le plus de fans (followers). C’est un leurre. Un jeune sur six pense que la terre est plate, j’ai entendu ça à la radio ce matin.

Convaincre se concrétise par la méthode. D’abord, en expliquant comment on s’y est pris ou comment on s’y prend. Le choix de la méthode : qualitative ou quantitative. Le choix des questions, le choix de l’échantillon, la pertinence des uns et des autres, les croisements entre eux et avec d’autres sources. Cela amène à deux remarques : 

1. La méthode peut être bonne et le corpus mauvais. Y a-t-il un lien étroit entre la méthode et les ressources ? Pas forcément, on peut avoir une bonne méthode et ne pas trouver les bons informateurs. En sciences sociales, la qualité de l’informateur est une donnée difficilement gérable et qui ne dépend pas « que » du chercheur, sauf au moment de la sélection des informateurs. Pourquoi untel ou untelle ? L’âge, la profession, la disponibilité, l’accroche, le réseau, etc. 

Daniel Terrolle faisait remarquer que dans toute recherche, il y a toujours un informateur (ou deux) qui est systématiquement nommé parmi les autres membres et vers qui l’ont vous renvoie. C’est celui qui est le plus informé, celui qui sait tout, le plus bavard, vers qui les autres dirigent le chercheur. Il s’agit d’une sorte de médiateur désigné par tous les membres du groupe d’une façon consensuelle. Sait-il vraiment tout pour autant ? Et quel est ce rôle de médiateur ?

2. La méthode peut être mauvaise et le corpus bon. Parce qu’un informateur peut détenir une somme d’informations pertinentes, et incontournables, mais on n’a pas les moyens d’en tirer quelque chose. A remarquer aussi que l’information pertinente ne dépend pas « que » du chercheur. Cette deuxième approche laisse plus de place à la controverse chez un jury qui préférera apprécier la qualité de la méthode à la pertinence des informations. Toutes proportions gardées, il vaut mieux réussir les deux volets, mais une bonne méthode passe avant une bonne collecte, il me semble. En écrivant ceci, je me demande si j’ai raison, et s’il n’y a pas , finalement, un lien étroit entre méthode et données de terrain. Pour compléter cette réflexion, on pourra se plonger dans l’ouvrage de Patrick Gaboriau sur l’enquête de terrain.

=> Patrick Gaboriau, L’enquête sociologique. Sociogenèse du fait social, coll. Logiques sociales, Paris : L’Harmattan, 2019

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