Ville et bonheur

Morning sun, Edward Hopper, 1952, Columbus Museum of Art, Ohio.

Quel rapport y a-t-il entre ville et bonheur ?

L’architecture « frugale heureuse » suppose de mettre en œuvre une architecture économique, sobre, judicieuse, efficace, qui minimise les coûts de fabrication et de production de la ville, limite des déchets sur des circuits courts et écologiques, tout en préservant la qualité de vie. On l’appelle aussi « architecture low-cost » terme moins flatteur, mais tout aussi explicite. Elle peut utiliser de préférence des matériaux biosourcés (bois, fibres…) ou écosourcés (terre du coin, lauze, pierres locales…), et limiter les interventions au maximum. Elle privilégie les circuits courts des entreprises, et sera donc adaptée localement en fonction des ressources humaines et des ressources en matériaux locaux. Globalement, toute l’architecture vernaculaire répond à cette définition, jusqu’au début des années 1970-1980. Quand on a commencé à importer des bois du Canada, c’est devenu un peu moins écologique. Si l’on atteint ce niveau-là, elle sera « frugale », « low-cost », mais sera-t-elle heureuse pour autant ?

Le « bonheur » se définit selon des critères très variables en fonction de la population visée et aussi de l’époque. En termes de classe sociale, de profession, de statut social, d’âge et de genre, d’origine culturelle et cultuelle, et aussi d’histoire personnelle. A travers le temps, on n’est pas heureux pour les mêmes raisons ni de cela même façon. Prenons l’exemple du tout-voiture. Le coût des infrastructures, de l’entretien des routes et des parkings, de l’impact sur l’environnement en termes de pollution et d’acheminement des ressources, rend cette option moins frugale et la ville low cost s’éloigne. Mais cela rend les gens heureux d’être en voiture et de posséder une voiture. À ce titre, la ville de Toulouse est un parfait anti-modèle de la ville low cost. C’est une ville peu sobre, peu efficace, peu économe, sans retenue d’où il ne ressort pas un sentiment de sagesse et de bienveillance. Cela est d’abord l’affaire de la politique de planification urbaine, mais aussi de tempérament et de valeurs. Lorsque par exemple, un week-end est consacré à la circulation de Ferrari au motif plus ou moins fallacieux de venir en aide aux enfants malades, le tout-voiture est exacerbé à travers la couleur rouge des véhicules de luxe non soumis à la ZFE (amendement Ferrari de la Commission du Parlement européen en 2022). 

En fait, pour une grande part de la population, le bonheur se définit à travers l’ostentation, la surconsommation et l’exhibition des richesses et de la prodigalité. Au contraire, la frugalité, ou le low cost exerce une frustration sur ces comportements exubérants et les modes de vie des citadins sont peu compatibles avec un esprit économe et sobre. La ville a d’ailleurs toujours été le théâtre de la démonstration et de la monstration. Comment, dans ces conditions, réussir à rendre la ville attractive et inclusive, c’est-à-dire, qui déploie à la fois des qualités de vie et une offre culturelle et démonstrative suffisante et sobre ?

On parle également de « ville inclusive » ou de « ville bienveillante », autant de termes qui se recoupent et qui donnent une direction vers où aller, alors que la catastrophe socio-écologique est en cours…

=> Aurélien Berlan, Terre et liberté. La quête d’autonomie contre le fantasme de délivrance, La Lenteur, 2021

=> Dominique Gauzin-Müller, Architecture frugale: 22 réhabilitations inspirantes en Occitanie, Autoédition, 2022

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