La ville est-elle politique ?

Cette semaine, nous avions un débat dans le cadre de la banalisation des cours, suite au mouvement de soutien de l’ENSA de Normandie, en grève depuis février. Le thème de la matinée était : Architecture et politique ou l’architecture est-elle politique ?
Il s’agissait d’une grande question destinée à faire prendre conscience de la valeur politique de l’architecture dans sa société.
Différencie-t-on LE politique de LA politique de LES politiques ? Dans le même ordre d’idées, on remplace les pronoms par d’autres : UN politique, UNE politique et DES politiques.
Le même mot sert en réalité à dire plusieurs choses un peu différentes; « politique » a donc plusieurs sens, et il faut d’abord les apprivoiser pour ne plus en avoir peur. Beaucoup d’étudiant.e.s ont peur de ce mot parce qu’il évoque les affaires des grandes personnes, et qu’eux-mêmes ne veulent peut-être pas grandir si vite. Mais s’occuper des affaires des grands est-ce pour autant oublier ou renier son enfance ?
Sur le coup, j’ai écouté, attentif. Une petite délégation des Sciences Politiques était présente, et nous avons pu profiter de leur savoir en la matière. Une fois rentré chez moi, j’ai repensé à cette question : Evidemment que l’architecture est politique, depuis la conception jusqu’à la réalisation, dans la mesure où le prince, LE politique, est souvent le commanditaire. Et puis j’ai repensé aux ouvrages de Eyal Weizman à propos de ce qu’il a appelé l’architecture Forensique. D’ailleurs, j’avais déjà déposé un billet à ce sujet.
D’un point de vue philosophique, l’architecte part d’une posture politique lorsqu’il trace une ligne sur sa planche à dessin (c’est une image, j’avais moi-même une table à dessiner avec pantographe lorsque j’étais jeune). Le seul trait noir de 0.7 est à l’évidence d’abord une ligne de démarcation entre un dedans et un dehors, entre nous et eux, entre elle et lui, et finalement entre « moi » et le monde. Le trait est politique.
L’architecte n’arrête pas de tracer des limites et des frontières, dans un espace domestique, pour signifier qu’ici c’est la chambre des parents et là, celles des enfants; pour signifier l’entrée de l’école d’architecture, pour contenir et canaliser les pensées, etc.
Dans son introduction, Yeal Weizman raconte que pendant la guerre en Cisjordanie, les combattants palestiniens avaient percé des trous dans les maisons accolées de sorte qu’ils pouvaient changer de quartier sans sortir dehors. Weizman écrit que « ce n’était plus l’ordre spatial établi qui dictait les modalités de déplacement, mais le déplacement lui-même qui organisait l’espace qui l’entourait » (p. 8). Voilà un acte politique et voilà pourquoi le trait est politique.
=> Eyal Weizman, A travers les murs. L’architecture de la nouvelle guerre urbaine, La Fabrique ééd., 2008, 110 p.

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