Les petites bêtes dans la ville

https://www.banquedumiel.org/installations.html

En dehors de milliers d’habitants qui peuplent les villes, de leurs milliers d’animaux domestiques, chats, chiens, oiseaux et autres bestioles, les villes sont peuplées de millions d’insectes, de coléoptères et autres espèces animales qui, la plupart, restent invisibles à notre regard.

Tim Ingold s’est penché pour observer de très près l’écorce d’un arbre. A partir d’une relecture de Jakob von Uexküll, il réfléchit sur la notion d’Umwelt, qui se rapproche de celle de milieu.

« Pour von Uexküll, l’Umwelt — c’est-à-dire le monde tel qu’il se constitue à travers la vie quotidienne d’un animal spécifique — doit être clairement distingué de l’environnement, terme par lequel il désignait le milieu naturel de l’animal tel qu’il se manifeste à un observateur humain indifférent. Nous autres être humains ne pouvons entrer directement dans l’Umwelten d’autres créatures, même si une étude minutieuse peut nous permettre d’imaginer ce à quoi il ressemblent. »

L’exemple du chêne abrite une multitude d’espèces, du renard à la fourmi en passant par l’écureuil et le scarabée pour aller vers l’infiniment petit des espèces qui évoluent dans un environnement à chaque fois différent. « Le même arbre occupe donc une place différente au sein des Umwelten respectifs de ses divers habitants » dit-il. « Mais il n’a aucune existence en tant qu’arbre pour aucun d’entre eux » ajoute-t-il. Une petite pause :

L’abeille est l’ambassadrice des espèces en voie de disparition. Parce qu’elle apporte douceur et vie, sa présence en fait un acteur de la transition urbaine plus emblématique que peut l’être le moustique. Cependant que l’éco-système a besoin de toutes et tous pour trouver son équilibre. Et ce que nous apprend Ingold est que chaque espèce n’a pas forcément conscience de l’existence de l’autre, ni conscience de l’environnement dans lequel chacun vit. Cependant, des liens d’interrelation pas forcément symétrique existent, ne serait-ce que parce que l’homme a besoin du  produit de l’abeille, alors que le contraire est moins vrai.

Le miel béton toulousain, sur http://www.toulouse.aeroport.fr/passagers/boutiques-services/boutiques/miel-beezou

Depuis plus d’une dizaine d’années, des associations proches de l’écologie initient à l’environnement écologique par la sensibilisation aux insectes. Les abeilles sont un bon moyen d’éduquer les populations, et la production de miel vient renforcer cette idée d’une interrelation asymétrique (même si aujourd’hui les abeilles ont besoin de l’homme pour entretenir leurs ruches). André Micoud s’est penché sur les lépidoptères dans nos villes qui pourraient être un bon indicateur de l’état de santé de nos villes.

Cela dit, Ingold en vient à affirmer que « la manière dont les êtres humains construisent le monde ne repose pas sur ce qu’ils sont, mais sur leurs propres conceptions et possibilités existentielle. »

Voilà pourquoi les représentations et les imaginaires autour de la ville sont aujourd’hui convoquées, car en cette période de crise et d’incertitudes profondes, nous avons besoin de renforcer nos croyances, quelles qu’elles soient.

Le Ngram du mot « ville » rebondit depuis  2009, comme nous pouvons le voir : la ville a le vent en poupe. L’emploi de ce terme est à son paroxysme en 1888. Cette remontée en flèche depuis dix ans pointe une réelle préoccupation.

Ngram de « ville », GoogleNgram

 

=> Tim Ingold, Marcher avec les dragons, Essais, Zones sensibles, 2013

=> André Micoud, « Place aux petites bêtes… », in Ethnologie française, vol. 40, 2010, pp. 669-671

La solidarité existe-t-elle encore ?

Attroupement rue Alsace-Lorraine, 9 février 2021 à 17h30, © NJ

 

En cette période de crise sanitaire, et de peur largement entretenue par les médias, on pouvait se demander comment réagiraient une foule lors d’un accident. Et devant mes yeux, un e-trottineur glisse subrepticement devant un vélo. Sa tête heurte le sol, et il reste par terre quelques secondes sans bouger. La cycliste s’arrête, laisse son vélo sur la béquille et court le voir, une autre personne se porte à sa hauteur, ainsi que deux autres badauds. Bientôt, ils sont cinq autour de lui à essayer de voir s’il va bien, s’il ne s’est pas fait mal, s’il faut appeler les pompiers…

Cinq minutes plus tard, il se relève. Il a le côté de sa tête nue rougie par le choc, peut-être un hématome, mais il semble ne pas souffrir, ne se plaint pas, ne saigne pas… Fallait-il appeler les secours ?

Il repart sur sa trottinette, cette fois moins rapidement, son sac de pâte feuilletée et sa boîte d’oeufs au guidon.

La solidarité, c’est cette forme d’empathie envers l’autre lorsque l’on vient en aide. Alors qu’on aurait pu s’attendre à une mise à l’écart les uns des autres, sous prétexte de contamination, les gens ont spontanément été porter secours. C’est à mon sens révélateur qu’il existe encore un fort lien social. Pour qu’il y ait solidarité, il faut que les gens voient en l’autre un « eux » potentiel. Il faut une identification du sujet, et peut-être que le masque permet d’avantage cette identification car le visage est à moitié couvert. On voit bien que la plupart des gens ne croient plus aux vertus anti-virus du masque, d’une part parce que la propagation continue malgré tout, et que d’autre part, le temps joue dans l’expérience de chacun et amenuise la violence de l’angoisse.

Une société ne peut pas fonctionner sans solidarité, et l’exemple dont j’ai été le témoin montre qu’elle existe toujours, qu’elle est là, tapie dans tout individu, et prête à resurgir au moindre problème.

Dans le principe de solidarité, comme le décrit Pierre Bourdieu, il faut que chacun improvise selon le contexte et les événements. Bourdieu réfute cette notion de « rôle social » car ,dit-il, « dans le monde social, cela ne se passe pas du tout ainsi », sous-entendu comme devrait le prévoir un chef d’orchestre et des agents sociaux jouant chacun un rôle. La métaphore du théâtre a ses limites. Et nous avons vu que sous l’impulsion d’un événement comme un accident de la circulation, les agents sociaux sont spontanément allés secourir la personne accidentée, alors que leur « rôle social » dans le contexte de la « crise sanitaire » était de rester à « distance sociale », c’est-à-dire de ne pas intervenir. L’injonction gouvernementale n’a ici pas été écoutée.

« La solidarité sociale, écrit Bourdieu, repose sur le fait que tous les agents sociaux partagent le même système symbolique, la même vision du monde, la même théorie du monde social ». Nous pouvons concevoir que les individus partageaient beaucoup de points communs, d’un point de vue symbolique, politique et social. Leur défiance à l’égard du pouvoir, même spontanée, évoque une mise à distance temporaire du pouvoir politique.

 

=> Pierre Bourdieu, Sociologie générale, vol. 2, Cours au Collège de France  1983-1986, Raison d’Agir, Paris : Seuil, 2016

Quoi faire pendant le confinement ? Réfléchir à son avenir

Collectif, Editions Lavem 2020

 

« Novembre 2020, nous revoilà confiné de nouveau. Le Covid-19 nous a ramené chez nous. Mais « nous avons appris du premier confinement ». Nous voilà donc mieux préparés à prendre part de nouveau au sacrifice national pour le bien commun, pour nous protéger les uns les autres. »

« Étudiants, nous sommes donc une nouvelle fois coincés chez nous. Chez nous et donc pour beaucoup loin de l’école, répartis dans les villes et les campagnes. Formidable opportunité à saisir que cette variété des regards sur cette nouvelle situation. Dans le cadre de notre séminaire « La ville en mouvement », nous nous échappons donc chacun notre tour quelques instants de nos murs pour s’évader dans les villes et villages figés dans le temps du confinement, le temps de la menace. »

« Prêt à éterniser les images d’un paysage fantôme semblable à celui du premier confinement. Et pourtant… route bouchée par la circulation, enfants jouant dans les parcs avec leurs parents à la sortie de l’école, promeneur… le silence de mars et avril laisse place au bruit des klaxonne et des moteurs. Confinement est-tu là ? »

« Incompréhension et questionnement sur ce confinement bien différent du premier, semble être le reflet des nombreux débats et doute que l’on observe autour de ces nouvelles règles. »

« Ce constat nous le retranscrivons ici à travers un reportage photo réalisé par les étudiants du séminaire LAVEM, dans les limites du périmètre de 1 km autour de nos foyers, à Toulouse, Bordeaux, en campagne… »

« Nous avons structuré notre reportage en fonction des deux thèmes que nous avons relevés comme « majeur » dans notre compréhension de ce nouveau confinement : Une vie en deux temps, celui du travail et celui du loisir, ainsi que le confinement fonction du lieu, centre-ville, périphérie, campagne… »

Photo droits réservés, Lavem 2020

Extrait de l’album Où est Coco ?

16h55
Lundi 26 Octobre 2020, Jardin du Pech, 31100, centre ville

« C’est l’heure du goûter, les enfants sortent du primaire et ils ont besoin de se détendre, on va peut-être leur supprimer la récrée et ils veulent s’amuser. Les parents en profitent pour prendre l’air car les journées de télétravail sont assez longues. J’en profite pour prendre l’air car moi aussi j’ai passé une longue journée. Pendant que les hôpitaux se remplisse de plus en plus, les élèves sortent. »

Droits réservés, Lavem 2020

La ville est en mouvement

Manifestation du samedi, décembre 2020 © NJ

 

Pour revenir aux sources de l’ethnologie urbaine comme le définissait Colette Pétonnet, voyons comment ce chercheur analysait la ville. Le mouvement est chez elle souvent convoqué pour évoquer la ville dans ses nombreuses particularités. Le mouvement est un flux, et le recourt aux métaphores des fluides sonne particulièrement bien pour décrire la ville.

 

La ville industrielle obéit au même mouvement…

« Depuis plus d’un siècle la ville industrielle obéit au même mouvement, régulier comme une respiration. Elle gagne par ondes successives et recouvre ses confins où des populations pauvres avaient afflué. Des bourgeois aisés quittent le centre étouffant pour peupler ces quartiers neufs, et leur vague repousse à la périphérie celle, indésirable, des premiers occupants, cependant que s’infiltre, dans la place délaissée, une nouvelle couche pauvre. Les vieilles maisons non entretenues se « taudifient ». Mais que des travaux d’aménagements et des démolitions surviennent, et les bourgeois reconquièrent les quartiers du centre. »

=> Colette Pétonnet « Réflexion au sujet de la ville vue par en dessous », L’année sociologique, Vol. 21, 1970 : 151-185

 

La ville est un mouvement perpétuel…

« La ville est un mouvement perpétuel : mouvement des gens, qui possèdent tous divers lieux d’élection et d’activités, ou qui dérivent ensemble à la même heure, évoquant un flot parce qu’on ne peut rattacher personne à son territoire, mouvements pendulaires et orbites individuelles des gens; mouvement des choses, vitrines qui se renouvellent à chaque saison, commerces qui changent de destination, qui changent la rue, et ceux qui assurent la continuité des générations; vieillissement, mort, et re- naissance des maisons. »

=> Colette Pétonnet « L’ethnologie urbaine en France », Großtadt. Aspekte empirischer Kulturforschung, 24. Deutscher Volkskunde-Kongreß in Berlin vom 26. bis 30. September, herausgegeben von Theodor Kohlmann und Hermann Bausinger, 1983, Berlin : 133-137

JAN I BRUEGHEL L’ANCIEN Danse de noces © Mairie de Bordeaux, Lysianne Gauthier

 

La ville est composée du mouvement perpétuel des gens…

« Or la ville est composée du mouvement perpétuel des gens, mouvement garant, à mon sens, de la possible coprésence du grand nombre. Elle est conçue pour la circulation des hommes et des marchandises et recèle peu d’aires de stationnement. Une foule d’inconnus s’y croisent constamment. Il est une manière d’être citadin, inculquée dès l’enfance, qui consiste à marcher dans la rue sans sauter comme un cabri ni montrer les passants du doigt, sans se faire remarquer, individu semblable aux autres, neutres et anonymes. »

=> Colette Pétonnet « L’anonymat ou la pellicule protectrice ». Le temps de la réflexion, 1987, VIII (La ville inquiète) : 247-261

 

L’anonymat protecteur…

« Celle-ci est en partie contenue dans le mouvement perpétuel, la foule et l’anonymat protecteur des individus, et la combinaison de ces trois termes recèle des mécanismes d’équilibre dont il me plairait bien de déceler les lois. Peut-être faudra-t-il aborder la mécanique des fluides. Pour l’instant j’essaie d’approcher ces phénomènes de manière moins fugitive que dans la rue et de trouver des repères.

J’ai donc choisi comme terrain d’enquête des espaces publics particuliers et différents où le mouvement lent du passage des gens me laisse un peu de temps pour l’observation. »

=> Colette Pétonnet « La ville et les citadins ». André Leroi-Gourhan ou les Voies de l’Homme. Actes du colloque du CNRS, mars 1987 (ouvrage collectif, préface de Lucien Bernot), 1988, Albin Michel : 115-121

Groupe de l’année dernière, début septembre lors de la balade urbaine, © NJ

 

Etre ethnologue urbain…

« Cependant certains se demandent encore comment on peut être ethnologue urbain. Effectivement les villes étant douées d’un mouvement incessant et les sociétés urbaines fort hétérogènes, la position de l’observateur n’y est pas toujours confortable. »

=> Colette Pétonnet « Présentation du Laboratoire d’anthropologie urbaine. Inédit. Discours prononcé devant l’assemblée des personnels et des chercheurs de l’administration déléguée d’Ivry-sur-Seine, le 6 octobre 1989, dans le cadre du cinquantenaire du CNRS (Conférencière invitée)., Oct 1989, Ivry-sur- Seine, France.

 

Désormais hommes, villes et parcs sont qualifiés d’urbains…

« Jadis il y avait des villes et des citadins qui flânaient parfois dans les jardins publics. Désormais hommes, villes et parcs sont qualifiés d’urbains, deux syllabes aussi rudes que béton et bunker. L’urbain sera-t-il indestructible ? Au mot urbanisme, cette « science de l’urbanité», l’usage vulgaire substitue souvent urbanisation, qui martèle à nos oreilles « la concentration croissante des populations dans les agglomérations urbaines », tandis que espace vert s’efface un peu, trop vague et terne pelouse qui a sévi dans les banlieues, au profil de jardin, planté, rythmé, et miniaturisé. »

=> Colette Pétonnet. « Entre nostalgie et prospective, le temps présent. » L’état de la France et de ses habitants, ss la dir. Minelle Verdié, La Découverte, 1989, L’état du monde : 46-50

 

La ville occidentale est propre…

« La ville occidentale est propre parce que cet univers artificiel, lieu par excellence de la domestication du temps et de l’espace, de la lumière et des saisons, est tendu depuis des siècles par l’effort de parfaire la maîtrise de la nature. Ont été successivement chassés l’eau stagnante, la boue, la neige et la poussière, les animaux et les déchets, vaincus le froid et la nuit. La ville est « verte » de sa végétation enclose, fleurie, chauffée, éclairée, et chaque jour toilettée par les jets d’eau à haute pression, les souffleuses, les aspirateurs et les balayeuses motorisées. »

=> Colette Pétonnet « Le cercle de l’immondice ». Post-face anthropologique. Les Annales de la Recherche Urbaine, PUCA, 1992 : 109-111

Hommage à Patrick Williams

Patrick Williams chez France Culture en 2013 – Crédits : Radio France

J’apprends hier par Patrick Gaboriau le décès de Patrick Williams, décédé vendredi. C’est une nouvelle très triste pour plusieurs raisons. Il me semble qu’il est né après la Guerre dans un petit village de la Creuse. Il commençait a profiter de sa retraite.

Patrick Williams a été directeur de recherche au CNRS, et directeur du LAU-UPR 034 du CNRS de 1996 à 2004. Il a succédé au couple Gutwirth-Pétonnet qui avait fondé le Laboratoire d’Anthropologie Urbaine du CNRS dix ans plus tôt. Ce fut également mon co-directeur de thèse attitré au LAU.

Il a reçu la médaille d’argent du CNRS, c’est dire si son travaille a été apprécié par les institutions. Ce qui lui a valu cette médaille c’est son travail sur les Tziganes, sur l’histoire du peuple Rom ou Manouche si l’on préfère. On lui doit plusieurs livres dont Nous, on n’en parle pas qui traite de la mort et de la perception de la mort chez les Tziganes. Il faut peut-être préciser que dans ce peuple, lorsqu’une personne est morte, on n’en parle plus, on ne site plus son nom, et on brûle tous ces biens. C’est un petit livre à l’écriture d’une qualité remarquable qui a toujours été un modèle pour moi.

Patrick Williams a été un amateur de jazz manouche, et de jazz tout court. Il a écrit un recueil avec Jean Jamin, et également un livre sur Django Reinhardt dans lequel il lui invente plusieurs vies possibles. En fait, c’est un excellent livre pour comprendre la ville et son évolution à travers celle de la vie d’un artiste. A un moment il décide de vivre à New-York, et l’on peut même y voir les plan de son appartement… C’était un passionné de Django.

Une autre raison qui me pousse à lui rendre hommage c’est cette traduction de Leonardo Piasere, L’ethnographe imparfait, sous le pseudonyme de Renauto Dauthuile, avec la complicité de Gilles Teissonnières. Il s’est senti obligé d’utiliser un pseudonyme parce que Piasere site plusieurs fois le travail de Williams, et en bien. C’est cette humilité qui témoigne des grands chercheurs. Et puis parce que Piasere invente la notion de perduction, une notion complexe qui est très importante pour comprendre comment nous nous imprégnons d’une culture en contexte de recherche. Ce n’est pas tout à fait un équivalent d’acculturation car la réduction reste souvent inaccessible.

=> Leonardo Piasere, L’ethnographe imparfait, Paris : EHESS, 2010

=> Patrick Williams, « Nous, on n’en parle pas ». Les vivants et les morts chez les Manouches, Paris, MSH, 1993

=> Patrick Williams, Django, Marseille : Parenthèses, 2008

=> Patrick Williams, Les quatre vies posthumes de Django Reinhardt, Marseille : Parenthèses, 2010

=> Patrick Williams et Jean Jamin, Une anthologie du jazz, Paris : CNRS, 2010

J’ajoute un lien vers un récit auto-biographique que Patrick Williams fait devant le micro de Marie Raynal, en septembre 2009.

Quels sont les sujets des mémoires soutenus ?

Manifestation dans l’espace public, Toulouse, décembre, © NJ 2020

 

Eh oui tout finit par arriver, et au 1er mars 2021, je reprendrais le chemin de l’école d’architecture.

C’est pour cette raison que nous pensons déjà à l’après-demain. Voici la liste des mémoires déposés à la bibliothèque depuis 2009. Ce n’est pas exhaustif car certains étudiants (ou étudiantes) ont « oublié » de le faire. D’autres sont en cours de dépôt. Malgré tout, cela donne déjà un bon aperçu des sujets développés et du foisonnement des idées qui circulent. Il s’agit des mémoires dirigés par des enseignants et ex-enseignants du séminaire, soit dans le cadre du séminaire, soit dans le cadre de la mobilité. Depuis 2018, les mémoires de mobilité ont intégré les séminaires.

 

Liste des mémoires (produits dans le cadre du séminaire ou dont le directeur appartient au séminaire)

Auteur (Nom, Prénom), Titre, Directeur d’études, Ville : Editeur, Date

• Maury, Camille, Usages et projet  : évolution des usages dans deux projets urbains : Toulouse – Boukhara, dir. Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2007

• Jarnoux, Fanny, Conception et usages des espaces collectifs – de l’espace public à l’espace privé dans le secteur 15 de Chandigarh, dir. Clara Sandrini , Toulouse : Ensa, 2008

• Lambert, Stéphanie, Culture politique et cultures spontanées à Chandigarh, dir. Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2008

• Vochré, Sophie, Impact des loisirs pour tous sur les formes urbaines et sociales de Chandigarh, dir. Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2008

• Boukérou, Réda, Quels avenirs pour les ensembles hérités de l’Union Soviétique ? – cas du Sovietski gilo-rayon à  Rostov-sur-le-Don, dir. Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2008

• Grenier, Roxane, Brutalité privé/public et privatisation de l’espace – Toulouse-Boukhara, dir. Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2008

• Dupuis, Cédric, Chandigarh – le city-center comme fragment d’une pensée pour la ville, dir. Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2008

• El Kabbaj, Youssef, Chandigarh, Canberra, New Delhi, Ankara, Brasilia, Toulouse , dir. Sandrini, Clara & Papillault Rémi, Toulouse : Ensa, 2009

• Ranaivozafy, Liana, Disharmonie sujets-objets – hybridation espace public et espace privé dir. Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2009

• Lalanne, Laurie, Retour sur une expérience – entre quartier du Born et ETSAB, entre vie quotidienne et études d’architecture, dir. Noël Jouenne & Papillault Rémi, Toulouse : Ensa, 2011

• Calabuig, Charlotte, El Rio Turia – la mémoire d’un fleuve, dir. Noël Jouenne & Papillault Rémi, Toulouse : Ensa, 2011

• Lequoy, Thomas, Altération des pratiques de l’architecture – l’architecte dans l’action collective, du vécu à  la rencontre , dir. Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2012

• Sulmont, Marine, Tallin 2011  : capitale européenne de la culture, dir. Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2012

• Pic, Mélisande, Urbanisme et espace public en Amérique du Nord, dir. Noël Jouenne, Toulouse : Ensa, 2012

• Duprat, Caroline, Des hommes et des natures, dir. Noël Jouenne, Master 2, Toulouse : Ensa, 2012

• Pontaud, Auriane, Histoire des femmes architectes en France – l’ENSAT comme étude de cas, dir. Noël Jouenne, Master 2, toulouse : Ensa, 2012

• Faurisson, Florian, D’ouest en est  : la construction du territoire  : oeuvre en mouvement, dir. Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2013

• Calvet, Emilie, Le détournement social des espaces du logement à la rue  : les pratiques habitantes à Sofia (Bulgarie), dir. Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2013

• Pouy, Chloé, Les arts émergents dans l’espace public  : l’art de la performance entre participation des habitants et désenclavement urbain, dir. Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2013

• Hermani Paris, Quand la planification des transports en commun régénère le renouveau urbain, dir. Pierre Weidknett, Toulouse : Ensa, 2014

• Julie Claire, Le vélo à Séville. Développement d’un usage, dir. Noël Jouenne, Toulouse : Ensa, 2014

• Cécile Marzorati, L’architecture révélatrice de la ville plurielle:Sofia où l’informel devient visible, dir. Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2014

• Malak Zizi, L’appropriation des espaces publics par des centralités communautaires, dir. Mohammed Zendjebil, Toulouse : Ensa, 2015

• Maïwenn Roudaut, Etude du processus de résilience urbaine : l’exemple du quartier de Trochevo à  Varna, Bulgarie, dir. Noël Jouenne, Toulouse : Ensa, 2015

• Lara Fraisse, Les transformations post-communistes : la relation entre forme sociale et forme spatiale, dir. Clara Sandrini & Pierre Weidknett, Toulouse : Ensa, 2015

• Adèle Chalumeau, Comment l’image d’une oeuvre architecturale se reflète-t-elle dans ses photographies ? Cas de l’Unité d’habitation de Le Corbusier à  Firminy, dir. Noël Jouenne, Toulouse : Ensa, 2015

• Justine Lasserrade, Mémoires collectives et Firminy-vert, dir. Noël Jouenne & Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2015

• Alexia Vasseur, Qu’est-ce qui influe sur la perception que l’on a d’un espace public ?, dir. Mohammed Zendjebil, Toulouse : Ensa, 2015

• Margot Rozet, De la mémoire au support de l’image d’une ville : compréhension des mécanismes de conception, de réalisation et de réinterprétation de l’ensanche madrilène : plan Castro 1860, dir. Pierre Weidknett, Toulouse : Ensa, 2016

• Marthe Grézaud, La ville et le labyrinthe ou comment se perdre dans les méandres urbains, dir. Noël Jouenne, Toulouse : Ensa, 2016

• Agnès Barthe, L’urbanisme tactique au Québec, de l’éphémère au long terme : l’urbanisme tactique ?  Québec et Montréal depuis 1990, dir. Noël Jouenne, Toulouse : Ensa, 2016

• Margot Lacoste, Architecture et dictature : la politique du logement sous la dictature de l’Etat nouveau au Portugal, dir. Pierre Weidknett, Toulouse : Ensa, 2016

• Pierre Proust-Langlois, Le marketing urbain : la métropole So toulousaine, dir. Clara Sandrini & Mohammed Zendjebil, Toulouse : Ensa, 2016

• Eve Gros-Rosanvallon, Architecture et relief, dir. Pierre Weidknett, Toulouse : Ensa, 2016

• Séverine Savignac, Etude des relations entre une ville et son réseau ferroviaire. L’exemple de Santa Fé, dir. Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2016

• Chloé Coudraud, Firminy, identité et mémoire collective du quartier du centre ville , dir. Pierre Weidknett, Toulouse : Ensa, 2016

• Natacha Lucadou, Partager l’image d’une ville : exemple de Firminy, France, dir. Noël Jouenne, Toulouse : Ensa, 2016

• Francesca Damonte, Le territoire péruvien : entre contrastes, inégalités et corruption, dir. Noël Jouenne, Toulouse : Ensa, 2016

• Jean-Luc Bertolo, Analyse urbaine de Borderouge, Toulouse, dir. Clara Sandrini & Mohammed Zendjebil, Toulouse : Ensa, 2017

• Elena Mary, Basurama ou les collectifs d’architectes en Espagne : manifeste d’une pratique en mouvement, dir. Noël Jouenne, Toulouse : Ensa, 2017

• Fanny Landart, Des repères croisés, dir. Mohammed Zendjebil & David Esteban, Toulouse : Ensa, 2017

• Colette Zdan, De la ville historique à  la ville moderne, dir. Noël Jouenne, Toulouse : Ensa, 2017

• Nicolas Hillaire, La ville se construit, dir. Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2017

• Emilie-Marie Celle, Grands ensembles et politiques urbaines : le cas de Firminy-Vert, dir. Noël Jouenne, Toulouse : Ensa, 2017

• Ingrid Jung, Couture urbaine : entre espace et temps à Varna, dir. Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2017

• Tiffany Chan Hong Tai, Habiter Shangai, dir. Noël Jouenne, Toulouse : Ensa, 2017

• Zoé Riolet, Les inspirantes , dir. Noël Jouenne, Toulouse : Ensa, 2017

• Benjamin Lagarde, Les limites du développement de Val d’Isère, dir. Noël Jouenne, Toulouse : Ensa, 2018

• Pierre-Louis Castro, Quarante épreuves photographiques, quarante souvenirs, dir. Noël Jouenne, Toulouse : Ensa, 2018

• Annabelle Rodrigo, Dynamique des communautés religieuses et des lieux de cultes dans la ville de Toulouse, dir. Mohammed Zendjebil, Toulouse, Ensa, 2018

• Manon Jauzac, Parcours initiatique : la Finlande au coeur d’une quête de compréhension, dir. Mohammed Zendjebil, Toulouse : Ensa, 2018

• Marine Pradon, La place publique à Madrid : une construction architecturale, sociale et sociétale, dir. Noël Jouenne, Toulouse : Ensa, 2019

• Mathilde Chesneau, La pratique du vélo en ville. L’analyse du contexte toulousain à la lumière de l’expérience néerlandaise d’Eindhoven, dir. Clara Sandrini, Toulouse : Ensa, 2019

 

Meilleurs voeux 2021 redémarrage du blog

Rond point route d’Espagne, décembre 2020 © NJ

Le séminaire ne s’est pas endormi durant ces quelques mois « de coupure », loin de là. Nous reviendrons sur la liste des mémoires réalisés dans le cadre du séminaire (et hors séminaire) depuis une dizaine d’années.

Pour l’heure, nous allons bientôt reprendre la plume pour alimenter ces pages, et plutôt que d’ouvrir un nouveau blog, je me suis dit qu’il fallait poursuivre celui-là, et construire ainsi cette histoire du séminaire Voir la Ville en mouvement.

D’abord, je tiens à souhaiter une très bonne nouvelle année à toutes et tous, étudiants comme enseignants, car nous allons avoir besoin de nous soutenir. L’année 2020 est maintenant derrière nous, et elle va laisser des traces durables sur plusieurs années. L’après-Covid n’est pas encore d’actualité, mais nous pouvons toujours y penser et réfléchir ensemble à ce que nous aimerions faire ensemble.

Pour illustrer cette proposition, je vais utiliser une analogie à partir du livre de Marc Elsberg, Black Out, que l’on vient de m’offrir. Dans la famille chaque année nous nous offrons des livres, ceux que nous avons lus, et ceux qui nous ont apporté quelque chose. Le livre est considéré comme un bien précieux, quelque chose de valeur. C’est un objet rare qu’il faut protéger. 

Dans ce roman de fiction, Marc Elsberg imagine une crise basée sur l’attaque du réseau d’électricité européen. On y apprend que le réseau électrique est géré au niveau européen, et non pas par la nation ou les départements. L’essentiel de l’électricité est fourni par des centrales nucléaires et comme chacun le sait bien, une centrale, ça ne s’arrête pas !

De catastrophe en catastrophe, l’Europe va être bientôt plongée dans une crise (le mot est faible) sans précédent. Ce livre a eu un tel impact auprès des activistes écologiques, mais aussi des ingénieurs de l’industrie que l’auteur est invité à venir parler de ses scénarios régulièrement. En fait, son livre est basé sur une étude méticuleuse du réseau électrique et des failles possibles. Ici, le point de départ est le « compteur intelligent » que l’on trouve désormais dans toutes les maisons et entreprises d’Europe. 

L’analogie est évidente avec la crise du Covid, car elle touche également l’ensemble des pays, et ne pourra se résoudre que globalement. Les conséquences sanitaires sont bien moins grandes avec le coronavirus, mais nous entrevoyons des parallèles, tant dans la gestion de la crise que dans les solutions apportées. Par exemple, l’absence d’anticipation d’une crise inévitable que certains spécialistes avaient prévu au début des années 2000. Mais la rentabilité passe avant la prévoyance. Cela devrait nous enseigner quelque chose.

=> Marc Elsberg, Black out, demain il sera trop tard, Babelio, Livre de poche, 2016, 552 p.

Voir la Ville tourne la page

© NJ 2020

Après trois années d’activité pédagogique, le séminaire Voir la Ville change de nom et devient à la rentrée :

Ville en MouvementLAVEM.

Photo de Marine Pradon, Toulouse, 2020

 

Suite au départ de Clara Sandrini sur Val-de-Seine, et l’arrivée de Marc Raymond, nous avions besoin de recomposer l’équipe, et avec elle la maquette pédagogique. Même si les intentions sont les mêmes, nous avons poussé un peu plus loin cette question du mouvement de la ville. A partir des marges, des limites et des frontières, nous allons observer cette évolution dans ce tourbillon qui nous a fait perdre pied ce printemps.

C’est pourquoi nous allons resserrer sur la dimension urbaine, sociale, architecturale…

La suite à la rentrée !

 

Deux soutenances pour cette première session : ¡ Pero no menos importante !

« Votre street art augmente mon loyer », Marina Saez, 2020

Avec Marine et Marina, nous avons deux soutenances étroitement liées tant par la thématique que par le lieu. En effet, Marine est partie l’année dernière à Madrid en Ersamus, et Marina nous vient de Madrid, cette année, au titre de l’Erasmus.

 

Marine s’est penchée sur la problématique des places publiques à Madrid, et à partir de l’histoire de la ville, a cherché à comprendre quel rôle peuvent jouer les places publiques. Pour cela elle a travaillé plus particulièrement sur trois places qui illustrent sa page de couverture : la Plaza Mayor, la Plaza del Dos de Mayo et la Plaza de Tirso de Molina. Dans son chapitre sur la régénération urbaine, Marine fait intervenir des auteurs comme Manuel Delgado, Ariela Masbungi ou encore Jean-Pierre Garnier pour découvrir une lecture critique des places publiques madrilènes.

Travailler sur les usages et les pratiques des places publiques dans une comparaison critique permet de mesurer la part accordée à ce qu’elle nomme in fine la ségrégation socio-spatiale.

 

Son regard est d’autant plus pertinent qu’elle part de sa situation d’étudiante en Erasmus, de touriste en quelque sorte, pour se questionner sur ce qu’elle ne voit pas. A certains moments, elle a intégré quelques passages plus personnels, plus subjectifs, de sa vision des places. Avec le confinement, elle nous avait habitué à son journal avec les « chroniques d’un printemps perdu », et je lui avais demandé de restituer quelques ambiances sous cette forme. D’un point de vue plus « scientifique », elle a imaginé un mode de représentation des cycles pour chaque place (mais je n’ai plus de place pour le montrer, il faudra attendre la version PDF).

Dans sa conclusion, elle revient sur ces remarques :

« Le recul que j’ai pu prendre après cette analyse m’a permis de mettre en avant ce que je n’avais pas vus. Au sens littéral, il y a des groupes sociaux que je n’ai effectivement pas vu, alors comment voir ceux qui ne sont pas là ? Il existe en effet une ségrégation socio-spatiale forte sur les places publiques. Les individus qui ne seraient pas acceptés dans de tels lieux par la société, en effet, ne les fréquentent pas. Les institutions politiques ont alors ce rôle à jouer, comment lutter contre cette ségrégation invisible ? »

Cela est d’autant plus intéressant que Marina, au même moment, travaillait sur la problématique de la gentrification du quartier de Lavapiés à Madrid.

 

 

Ces deux mémoires sont assez complémentaires, car ils illustrent la transformation politiquement encouragée des villes. Dans une première partie Marina retrace l’histoire de la gentrification et de ses mécanismes qu’elle applique à ce quartier si cher à Almodovar. Elle ne va pas faire l’histoire de Madrid, mais seulement des dernières décennies de manière à poser le phénomène de gentrification au regard des événements de ces dernières années. D’un côté, les habitants sont amenés à quitter leur lieu de résidence, et de l’autre, nous assistons à une « touristification » de ce quartier, accaparé par les locations Airbnb.  La ville se transformerait-elle en énorme parc d’attraction pour touristes ? Marina se penche alors sur les mouvements de résistances à l’oeuvre, dont 15M, mouvement né du 15 mai 2011.

Dans sa conclusion, Marina pense que le projet global de Madrid s’inclue dans une sorte de marketing urbain, avec la création de la marque « Madrid ». Cela n’est pas sans nous rappeler un processus similaire à l’oeuvre à Toulouse, avec la déclinaison de So Toulouse, issue de la création de l’agence d’attractivité. Nous voyons que les mêmes logiques s’emparent des grandes villes.

Enfin, l’apport de Marina réside dans l’utilisation d’auteurs espagnols, ce qui donne un véritable sens à cette notion de séminaire.

 

Bonne chance donc à nos deux brillantes étudiantes pour la suite de leurs études.

=> Marine Pradon, (2020), La place publique à Madrid : une construction architecturale, sociale et sociale, ENSA, Toulouse, 142 p.

=> Marina Saez Esteban, (2020), A qui appartient la ville ? Le processus de gentrification dans le quartier de Lavapiès à Madrid, ENSA, Toulouse, 100 p.

Urbanisme tactique : une mise au point s’impose

Au moment du déconfinement en France, un plan de mobilité permet de développer les axes cyclables de manière temporaire pour favoriser l’utilisation du vélo en ville. Le Cerema (anciennement CERTU) proposait une visioconférence pour dresser un premier bilan des mesures d’aménagement mises en place en France.

 

 

Plusieurs interventions étaient titrées « urbanisme tactique » ce qui nous a fait sursauter, car ce terme se situe historiquement loin des instances gouvernementales.

L’urbanisme tactique se définit comme la mise en place par des groupes activistes, en opposition aux politiques publiques, d’une tactique destinée à améliorer les conditions de vie des habitants d’un secteur ou d’un quartier. Elle prend naissance à San Francisco au début des années 2000. Il peut s’agir de collectifs d’artistes et/ou d’architectes et/ou sociologues en lien avec les populations locales qui unissent leurs compétences à des fins de détournement des stratégies urbaines classiques mises en place par les collectivités. Ce sont des petits détournements des codes et des usages que l’on peut voir au détour d’un coin de rue, d’une place de parking ou d’une place publique. Les actions sont souvent de petites ampleurs, réalisées à partir de matériaux de récupération, ou d’objets précaires, et ne sont pas destinées à durer, même si l’idée derrière rejoint les questions écologiques et durables. Si au départ, il y a « une volonté de remise en question des politiques urbaines de la municipalité », les villes ont compris l’intérêt de faire alliance avec les collectifs pour mieux contrôler les possibles débordements (Barthes, 2016).

 

 

Agnès Barthes, lors de son séjour à Québec, a bien montré l’émergence de ce mouvement social et de son application dans les villes de Montréal et Québec. Petit à petit, une récupération des collectifs a eu lieu, ce qui permettait de désamorcer les foyers de luttes, qui est un principe de la récupération, tout en y associant une démarche participative.

Dans le cas qui nous occupe, si le caractère éphémère reste présent (surtout présent dans le peu coûteux), c’est qu’il a déjà été pensé, non pas comme la fin d’un processus de dénonciation mais comme la fin du dispositif, lorsque le déconfinement sera terminé. Les opérations ne doivent pas coûter chère car elles ne sont pas destinées à être pérennisées (hormis une ville comme Montreuil qui a décidé d’investir dans l’aménagement de réelles voies cyclables). Les actions sont vécues comme des tests, et comme des alternatives à la voiture, mais aussi aux transports en commun. Dans le même temps, les métropoles favorisent l’achat et la remise en état des vélos de sorte qu’elles misent sur un changement des comportements rapide et efficace. L’Etat propose 50 euros hors taxe pour la remise en état d’un vélo, et certaines villes comme Lyon doublent la mise.

 

 

Pourtant l’urbanisme tactique s’inscrit au départ dans une démarche contestataire. Or, cette particularité a été effacée de cette communication. Qu’en est-il lorsque les métropoles s’approprient ce terme ? La récupération du terme destiné à l’origine aux mouvements activistes se voit détournée de son sens premier. En quelques sortes, cela contribue à diminuer son intensité, à évacuer le côté contestataire, à renverser la fonction du terme par une appropriation injustifiée. Un économiste toulousain, Matthieu Poumarède, énonce les grands principes qui font que « l’urbanisme tactique, par le tracé de pistes cyclables temporaires et sécurisées, offre une réponse adaptée aux déplacements à vélo des travailleurs, mais aussi des enfants qui devront se rendre à l’école. » (Le Monde du 24 avril 2020).

Dans la plupart des articles, l’urbanisme tactique se résume à la mise en place de voies cyclables provisoires. Mais de quelle tactique s’agit-il ? Celle de la réappropriation d’une notion transgressive à des fins de marketing urbain ? Ici, il s’agit d’une stratégie et non d’une tactique, c’est-à-dire d’une forme d’imposition de plan d’urbanisme, comme le soulignait Agnès Barthes dans son mémoire, en se référant à Michel De Certeau :

« Michel De Certeau, dans L’invention du quotidien, oppose la tactique à la stratégie : « Les stratégies sont capables de produire, quadriller, imposer alors que les tactiques peuvent seulement les utiliser, manipuler et détourner.» Ce qui différencie la tactique de la stratégie, c’est le fait que la tactique utilise un terrain et des règles imposées pour créer des occasions et des surprises. « Il lui faut utiliser, vigilante, les failles que les conjonctures particulières ouvrent dans la surveillance du pouvoir propriétaire. […] Il lui est possible d’être là où on ne l’attend pas. Elle est rusée. » La tactique est là pour détourner les règles de la stratégie établie. »

En effet, l’urbanisme tactique ne peut être le fait du propriétaire, puisque c’est un acte en réaction à un ordre établi ou un dispositif imposé. En se réappropriant cette notion, les villes et les métropoles passent par-dessus les collectifs citoyens, démocratiques et participatifs. Ici, l’urbanisme tactique définit un urbanisme temporaire ou transitoire qui nous éloigne des premières intentions liées à cette notion.

 

=> Agnès Barthes, L’urbanisme tactique au Québec, de l’éphémère au long terme : l’urbanisme tactique à Québec et Montréal depuis 1990, ENSA de Toulouse, 2016

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