Archive for juin 13th, 2011

Images de Constantinople: textes complémentaires

lundi, juin 13th, 2011

Images de l’Orient : visions de Constantinople


Récits de voyage

Alphonse de Lamartine, « Clair de lune », 1835 ; Voyage en Orient

Ce soir, par un clair de lune splendide qui se réverbérait sur la mer de Marmara et jusque sur les lignes violettes des neiges éternelles du mont Olympe, je me suis assis seul sous les cyprès de l’échelle des morts, ces cyprès qui ombragent les innombrables tombeaux des musulmans, et qui descendent des hauteurs de Péra jusqu’aux bords de la mer ; ils sont entrecoupés de quelques sentiers plus ou moins rapides, qui montent du port de Constantinople à la mosquée des derviches tourneurs.

Personne n’y passait à cette heure, et l’on se serait cru à cent lieues d’une grande ville, si les mille bruits du soir, apportés par le vent, n’étaient venus mourir dans les rameaux frémissants des cyprès. Tous ces bruits, affaiblis déjà par l’heure avancée ; chants de matelots sur les navires, coups de rames des caïques dans les eaux, sons des instruments sauvages des Bulgares, tambours des casernes et des arsenaux ; voix de femmes qui chantent, pour endormir leurs enfants, à leurs fenêtres grillées ; longs murmures des rues populeuses et des bazars de Galata ; de temps en temps le cri des muezzins du haut des minarets, ou un coup de canon, signal de la retraite, qui partait de la flotte mouillée à l’entrée du Bosphore, et venait, répercuté par les mosquées sonores et par les collines, s’engouffrer dans le bassin de la Corne d’Or, et retentir sous les saules paisibles des eaux douces d’Europe ; tous ces bruits, dis-je, se fondaient par instants dans un seul bourdonnement sourd et indécis, et formaient comme une harmonieuse musique où les bruits humains, la respiration étouffée d’une grande ville qui s’endort, se mêlaient, sans qu’on pût les distinguer, avec les bruits de la nature, le retentissement lointain des vagues, et les bouffées du vent qui courbaient les cimes aiguës des cyprès. C’est une de ces impressions les plus infinies et les plus pesantes qu’une âme poétique puisse supporter. Tout s’y mêle, l’homme et Dieu, la nature et la société, l’agitation intérieure et le repos mélancolique de la pensée. On ne sait si on participe davantage de ce grand mouvement d’êtres animés qui jouissent ou qui souffrent dans ce tumulte de voix qui s’élèvent, ou de cette paix nocturne des éléments qui murmurent aussi, et enlèvent l’âme au-dessus des villes et des empires, dans la sympathie de la nature de Dieu.

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Premières: autour d’Orphée. Nerval, « El desdichado »

lundi, juin 13th, 2011


El Desdichado, Les Chimères

Premier poème qui ouvre le recueil des Chimères, « El Desdichado » présente quelques uns des thèmes essentiels de l’oeuvre de Nerval: la mélancolie, liée à la perte de l’être aimé (il faut ici évoquer l’actrice Jenny Colon, que Nerval transpose dans son oeuvre par le personnage d’Aurélia) conduit le poète à une quête de sa propre identité, et ce n’est que par le biais du passé (qu’il s’agisse du passé personnel, ou d’un passé plus mythique, avec l’apparition de figures héroïques, auxquelles le poète s’assimile) qu’il parvient à vaincre la crise mélancolique. Le titre « El Dedichado » est emprunté à Walter Scott: dans Ivanohé, un chevalier inconnu se présente au tournoi, avec sur son écu cette devise, et pour emblème un chêne déraciné, et bien sûr, ce chevalier va triompher et recouvrer ses droits. Par le titre, le poète indique donc le cheminement qui sera le sien: de la perte et du désespoir à l’affirmation triomphante de soi et de sa valeur. De quelle manière cet itinéraire, qui met en avant le rôle salvateur de la poésie peut-il renvoyer au mythe d’Orphée ?

Portrait de Gérard de Nerval par le photographe Nadar

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