1°S Corrigé du bac blanc: commentaire, La Bête Humaine

Emile Zola, La Bête humaine, chapitre 11

De: « Immobile, Jacques maintenant la regardait » à « elle ne serait jamais plus à personne ».

Devoir d’Auriane:

           Depuis toujours, que ce soit dans la littérature ou au cinéma, le meurtrier est un personnage récurrent, et qui fascine autant qu’il répugne. Le roman La Bête humaine de l’écrivain naturaliste Emile Zola paru en1890 met en scène le conducteur du train La Lison, Jacques Lantier, qui est obsédé par l’envie de tuer. Le passage étudié, qui se situe au chapitre onze du roman, fait directement suite au meurtre de la maîtresse de Jacques par celui-ci.

Comment, à travers ce récit de scène de crime, Zola fait-il le portrait d’un assassin inhabituel ?

Afin de répondre à cette question, nous analyserons dans un premier temps la construction d’une scène qui suit l’assassinat, puis nous étudierons la victime et l’incompréhension de celle-ci, et nous finirons par nous focaliser sur Jacques, un personnage démesuré.

            Tout d’abord, on peut constater que cette scène ne relate pas le meurtre de Séverine (la maîtresse de Jacques) mais qu’elle lui fait directement suite, permettant à l’auteur de construire une scène à la manière d’une sorte de tableau. En effet, le lecteur se trouve face à un personnage qui ne bouge pas (« immobile »), et a l’impression que le temps est suspendu. En effet, l’utilisation de l’imparfait (« la regardait », « saignait », « prenait », etc.), temps utilisé pour décrire des actions de second plan, donne cette impression d’arrêt sur image, image de Jacques regardant le corps inerte de sa maîtresse. Le lecteur a l’impression que la scène s’étend. Dans cette scène, le seul mouvement provient du sang qui coule (« d’un flot rouge qui ruisselait ») et dont on suit le trajet : « entre les seins, s’épandait sur le ventre, jusqu’à une cuisse d’où il retombait en grosses gouttes sur le parquet ».

Ce tableau établi par Zola est caractérisé par le côté lourd et confiné de l’environnement, ainsi que par l’incrédulité de Jacques. La description du lieu, tout d’abord, participe à la création de cette atmosphère lourde : la « chambre », lieu fermé, les « tentures » et les « rideaux » qui s’opposent, par leur lourdeur, au sang qui ruisselle. Aussi, la répétition par quatre fois de l’adjectif « rouge » confère une certaine lourdeur à cette scène. Cependant, l’adjectif « rouge » se rapporte en premier à des éléments immobiles (la chambre, les tentures et les rideaux), puis au « flot » de sang qui coule. L’expression « lourd silence » montre également l’atmosphère pesante  de cette scène. « Le train se perdait au loin » témoigne du côté confiné de l’environnement, et montre qu’il s’agit d’un moment de « flottement ». En effet, le train est un élément gros, bruyant, mais ici, il passe inaperçu. De plus, ce train est le symbole de la vie qui continue, en dehors de ce tableau.

Le moment de flottement est surtout caractérisé par le comportement de Jacques, incrédule, qui ne se rend pas encore totalement compte de ce qu’il vient de commettre. C’est le choix de la focalisation  omnisciente (car le narrateur nous place d’abord dans les pensées de Jacques, puis dans celles de la défunte) qui permet de sonder le comportement et les émotions de Jacques. Les expressions « jamais il n’aurait cru », « immobile », « le retenait », « hanté », montrent à quel point celui-ci est dans un état « second ».

Cependant, la phrase « mais Jacques s’étonna » marque une rupture avec le tableau évoqué précédemment. La scène, qui s’étendait à cause des temps utilisés, semble plus « présente » grâce à l’utilisation d’un présent simple, temps utilisé pour décrire les actions de premier plan.

Jacques n’est pas le seul personnage présent dans cette scène, puisqu’on se trouve également en présence de la victime, Séverine, dont le narrateur nous fait partager les interrogations quant à sa mort.

La victime est d’abord décrite de manière à retranscrire sa féminité et sa douceur : « allongée » (position délicate, par rapport à écroulée, par exemple), « jolie », « douce », « docile » (noter la présence d’un rythme ternaire), « tendre », « innocente », « seins », « yeux de pervenche ». L’image du sang contraste  avec cette beauté (« trempée », « grosses gouttes »), ainsi que la description dans laquelle elle est décédée : « un casque d’horreur », « masque de terreur », « s’étaient dressés », « élargis démesurément », « éperdus, terrifiés de mystère ». C’est cette expression qui traduit l’incompréhension de Séverine face à son assassinat (« questionnaient », « sans qu’elle eut jamais compris »). La phrase retranscrite au discours indirect libre « Pourquoi ? Pourquoi l’avait-il assassinée » (avec la répétition de « pourquoi ») martèle cette incompréhension.

C’est cette incompréhension de la victime face à sa mort qui amène à se poser la question des raisons de ce meurtre et ce qui a poussé Jacques, assassin sortant du commun et démesuré, à agir ainsi.

La démesure de Jacques s’exprime à la fin de l’extrait, après le « retour à la réalité » marqué pr la phrase « Mais Jacques s’étonna ».

Tout d’abord, le rythme ternaire et la gradation exprimés dans « un reniflement de bête, grognement de sanglier, rugissement de lion » pour exprimer le fait qu’il « soufflait » témoignent de la démesure qui caractérise le personnage de Jacques. De plus, l’utilisation de noms d’animaux déshumanise cet homme qui est devenu un meurtrier. Les adjectifs « énorme » et « pleine » accentuent le côté démesuré, sans limite de Jacques. Ces adjectifs sont épithètes des noms « jouissance » et « satisfaction » et montrent ici un meurtrier heureux d’avoir tué, comme si cette action l’avait comblé : « il s’était donc contenté, il avait tué », « une joie effrénée ».

Les mots « Enfin ! Enfin ! » font écho au « Pourquoi, pourquoi » de la victime, et leur répondent : Jacques a tué pour le simple fait de tuer. La phrase « il avait tué » montre que seule l’action compte, et non pas la victime (sinon la phrase aurait été « il l’avait tuée »). C’est cette absence de victime précise (« la femme, il l’avait tuée », comme si par le meurtre de sa maîtresse, il tuait symboliquement toute la gent féminine) qui fait de Jacques un meurtrier inhabituel, et également l’incrédulité puis la joie qu’il éprouve. Il s’agit aussi d’un meurtrier inquiétant, dans sa volonté e tuer pour posséder (« la posséder, toute entière, jusqu’à l’anéantir », « elle n’était plus, elle ne serait jamais plus à personne ») et dans l’orgueil que son meurtre lui procure.

On peut donc voir qu’à travers cette scène, Zola dresse petit à petit un portrait assez inquiétant d’un meurtrier peu conventionnel.

Comments are closed.

buy windows 11 pro test ediyorum