Parole(s) en archipel

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Enseigner les arts plastiques, éduquer aux arts et à la culture, aujourd'hui. Un carnet personnel de C. Vieaux.

Fiche 3 – Dossier : Trois grandes positions (traditions) en éducation et leurs liens/incidences avec la transmission de savoirs en matière d’éducation artistique

Fiche 3 : Sur le modèle comportementaliste, celui dit de « conditionnement », en éducation artistique

Cette fiche s’intègre dans un dossier composé de cinq autres.

Il s’agit de proposer quelques liens possibles entre des évolutions repérées de la conception de l’éducation artistique et trois grandes positions (traditions) en pédagogie scolaire. Celles-ci constituent des points d’appui pour situer, penser, discuter sa propre action en matière d’éducation aux arts et par les arts. Elles invitent à cultiver l’ancrage dans des formes situées des enseignements et de l’éducation artistiques, également la nuance et le contrepoint dans la prise en compte de leurs possibles incidences, la plasticité professionnelle des enseignants/éducateurs/médiateurs. Elles engagent à une disponibilité critique aux transformations subies ou décidées. 

Présentation sommaire

Cette théorie, appelée également béhaviorisme, prend appui sur les travaux de E. THORNDIKE, I. PAVLOV, B.F. SKINNER et J.B. WATSON. L’apprentissage résulte d’une suite de conditionnements « stimulus-réponse ». 

Le schéma général peut, à nouveau de manière sommaire, situer les connaissances comme étant définies en termes de comportements observables (attendus) en fin d’apprentissage.

Position générale en éducation

Cette deuxième position (tradition) en éducation consiste en une approche de l’activité intellectuelle qui s’attache aux corrélations entre des stimuli extérieurs et des comportements de l’élève. Selon cette théorie de l’apprentissage, la personnalité et le comportement résultent grandement de l’expérience vécue dans l’environnement.

Les étapes de l’apprentissage sont programmées de façon rationnelle par l’enseignant. Il s’agit, d’une part d’impulser/conditionner des comportements de réponse chez l’élève, d’autre part d’élaborer des situations de travail incitatrices aux activités préparées. Dans ce cadre, l’expérience et l’observation sont au cœur des processus pédagogiques. L’expérience sensible y est considérée au même titre que le réel. L’élève est actif. La forme peut être réitérée autant que de besoin sur un principe d’enchainements de « conditionnements »/« renforcements ».

Quelques problématiques et incidences en éducation artistique

Pour une part significative, l’éducation artistique « moderne » s’est fondée et définie dans les suites de reconfigurations d’aspirations sociales et des débats portant sur l’état comme les perspectives de la société. Le colloque « Pour une école nouvelle, formation des maîtres et recherche en éducation » — dit Colloque d’Amiens — en mars 1968, dans une commission dédiée (commission B : Formation culturelle de l’individu), cristallisa en France ces espérances et des exigences en constats et en revendications pour des changements majeurs, notamment pour l’éducation artistique.

Disposant de la caution du très conservateur ministre de l’éducation, A. PEYREFITTE, ce colloque n’était pas vraiment porté par des militants aux avant-postes des événements de mai 68 qui allaient suivre. Il s’inscrivait bien davantage dans des mouvements pédagogiques anciens, pour certains liés à « L’école nouvelle ». Sur le fond, des initiatives avaient précédé. Concernant les arts et la culture à l’École, il serait ainsi en partie excessif de rapporter à cet événement intellectuel, dans un contexte politique occidental spécifique, toutes les prémisses de changements de paradigmes plus ou moins attendus. De nombreuses expérimentations, certes à la marge de l’éducation de masse, s’étaient engagées, reposant sur d’autres modèles que ceux hérités de traditions scolaires : notamment des recherches américaines sur la créativité, la diffusion de théories sur l’intelligence, la cognition, la psychologie de l’art, avant même les années soixante.

Pour l’éducation artistique, des conceptions et des formes pédagogiques issues de ces courants de pensée ont pu avoir en commun le rejet ou la méfiance envers les modèles antérieurs (ceux « strictement » transmissifs ?), avec parfois pour conséquence des ambiguïtés sur les notions mêmes de modèles ou de modélisations pédagogiques. D’une manière assez commune, l’aspiration était grande (l’est encore) à ne pas « modéliser » ni la pensée ni l’activité créative des élèves/enfants. Néanmoins, parmi les leviers pédagogiques disponibles, espérés ou repérés comme « libérateurs » de la créativité, beaucoup se sont situés dans les modèles « comportementalistes » ou de conditionnement. Il pourrait y avoir alors (toujours) un malentendu sur la compréhension de cette notion de conditionnement : programmation mentale (cf. construction d’un assujettissement) VS dispositions contextuelles (cf. stimulation de nouveaux comportements).

Des questions sur l’imitation, le comportementalisme, la créativité de l’apprentissage, la qualité

  • Quelle idée d’imitation dans une éducation artistique dite « moderne » ?
    • Dans une conception comportementaliste des apprentissages, une imitation formatrice de la liberté (de créer), mais de fait sous « conditions » ?
    • Dans ce schéma, en classe ou dans un atelier éducatif, la production de l’élève pourrait-elle s’apparenter à une création véritable ?
  • Dans une approche comportementaliste, l’artiste : un (nouveau) modèle (de l’enseignement artistique et/ou de l’EAC) ?
    • Pour les enseignements et l’éducation artistiques, les schémas comportementalistes réfutent-ils ou déplacent-ils la notion de modèle ?
  • Créativité VS apprentissage ?
    • L’apprentissage dans une situation relevant d’une proximité observable avec les comportements des artistes est-il un gage assuré de la qualité éducative ?
  • Néanmoins, ces schémas ne sont-ils pas un des socles d’un changement de paradigme en éducation artistique ?

  • Quelle idée d’imitation dans une éducation artistique dite « moderne » ?

Les approches en éducation artistique dites par « imprégnation » ont pu trouver un terreau fertile de développement dans les modèles dits comportementalistes. Par exemple : adopter, à leur contact, les manières de faire des artistes pour amorcer une pratique artistique à visée personnelle ; répliquer des comportements artistiques, à partir de situations scénarisées (mises en scène de certains principes du travail artistique), par le biais d’images d’œuvres destinées à « déclencher » une activité, à induire un geste ou un processus de production sensible.

Y aurait-il un déplacement de l’idée d’imitation des répertoires de formes vers une taxonomie des comportements créatifs ? S’agit-il des mêmes principes ou de la même conception de l’imitation (modèle à répliquer ou modèle inspirant) ?

Δ Dans une conception comportementaliste des apprentissages, une imitation formatrice de la liberté mais sous « conditions » ?

 L’éducation artistique et l’apparent paradoxe dans l’École de l’apprentissage de la création (une liberté de créer ?) sous conditions pédagogiques (une création conditionnée ?).

Remarques :

S’inspirer des manières de faire des artistes (a minima « à la manière de ») ou créer des situations stimulantes de type artistique (des « déclencheurs » scénarisés de l’activité sensible des élèves) mobilise toujours de la pédagogie. Et cela, qui plus est, dans une forme scolaire contrainte et contraignante.

« Imiter/recréer », non pas une œuvre, mais le travail artistique pour stimuler des expressions personnelles est un conditionnement pédagogique (a priori positif) de l’agir sensible.

Ce conditionnement n’est donc pas nécessairement synonyme de soumission à des modèles ou à la copie d’artefacts (répertoire de formes, de gestes, d’images, etc.). Il s’agit d’une approche par les comportements portant, souvent, un projet émancipateur par l’art. Elle est assortie de niveaux variables de didactique.

Se rapprocher du travail de l’artiste (la création comme agir autant que comme finalité), c’est peut-être tenter le pari d’une expérience — par une sorte d’imprégnation — de la liberté (de créer en démocratie) dans l’École.

Cette aspiration peut aussi relever d’une croyance : celle en une fonction émancipatrice par « essence » de l’art, et donc de ses formes de transmission.

Considérons les points suivants :

  • L’enseignant ou le médiateur stimule les élèves (leurs gestes ? leur imaginaire ? leurs comportements ?). Il vise, en réponse, à exacerber ce qu’il envisage comme leur potentiel de créativité (capacité d’invention, force de proposition).
  • Cette volonté (une ambition éducative) tendrait à supposer l’existence/permanence d’une conviction/croyance dans des qualités (endogènes) de l’éducation artistique à révéler la créativité de chacun. Celle-ci serait possiblement considérée comme innée ou, du moins, naturelle chez l’enfant (ante-scolaire?). Il faudrait alors la stimuler et la cultiver (par une pédagogie) ce n’induit pas nécessairement de la construire et l’orienter (par une didactique).
  • Dans une situation (stimulation) de cette nature, il se passerait alors quelque chose dont les modalités et le résultat formel (réponses aux stimuli) sont envisagés comme proches du processus d’une expression artistique dite « authentique » (celle des professionnels : les artistes).
  • Quelle qu’en soit le niveau d’intensité, cette proximité a une réelle valeur dans l’École : elle généralise, à l’échelle d’enseignements et d’une éducation artistiques de masse, la rencontre avec une altérité légitimement inscrite en art et par les arts. L’atteinte de cette altérité (la reconnaissance et la valorisation de la singularité de la personne) peut devenir un but principal, ce qui n’est cependant pas la seule visée de l’éducation artistique (accès aux arts et à la culture, construction d’une citoyenneté « esthétique », partage d’expériences et de références communes).
  • Cette proximité procure de la satisfaction pour l’enseignant/le médiateur (et donc, parfois, de la frustration quand ce « proche » n’est pas là). Elle entraîne en conséquence ses formes plus ou moins explicites de récompenses scolaires pour les élèves (attention et considération de l’adulte, évaluation positive, valorisation des réalisations, entrée dans un espace de la culture instituée, etc.). Une certaine cohérence peut s’établir dès lors que le travail de la classe est « visiblement » proche de son champ de référence (le travail artistique, l’œuvre, la création).

Une précaution contre une interprétation trop négative :

Dans ce type de conditionnement, qui faut-il le rappeler n’est pas pour autant un « dressage », le développement personnel de l’élève (la singularité de sa personne) est un objectif qu’il est essentiel de tenir. L’élève/enfant est bien appréhendé comme un sujet sensible. Même si elle n’est pas exempte de malentendus ou de croyances, c’est une position essentielle dans l’éducation artistique « moderne ».

Δ Dans ce schéma, en classe ou dans un atelier éducatif, la production de l’élève pourrait-elle s’apparenter à une création véritable ?

 À l’École, pratiquer pour créer ou pour apprendre de la création ?

Remarques :

Dans une conception parfois assez vitaliste, la sincérité de l’action ou une certaine audace du résultat formel — l’une et l’autre pourtant pédagogiquement conditionnées — peut alors primer sur le sens que devrait revêtir ou auquel ouvrirait l’activité éducative.

Or, les enseignements et l’éducation artistiques ne portent pas seulement sur la matière et la forme des langages, des réalisations, des œuvres. Si celles-ci ont du sens, sont au cœur des processus pédagogiques, orientent potentiellement la signification, la question de la réception des arts et la culture est aussi un sujet.

Au-delà des données de la pratique, il doit aussi s’éprouver la formation d’une conscience esthétique individuelle et collective, un travail nécessaire du passage du sensible au sensé, l’apprentissage que l’on s’expose soi-même dans l’expérience d’une création (éducation d’une citoyenneté esthétique ?).

Deux constats :

  • Une réalisation individuelle ou collective très créative (selon quels critères ?) ne sous-tend pas nécessairement que :
    1. des contenus (explicites pour l’enseignant) soient travaillés explicitement pour les élèves dans une pratique et au-delà,
    2. que ces contenus soient communs et puissent être partagés dans des opérations de la réception (d’objets esthétiques),
    3. même si toute cette activité s’inscrit dans l’École et cela à son échelon le plus ordinairement répandu (la classe).
  • Un objectif de stimulation de l’expression sensible — si possible personnelle/singulière — ne fait pas « automatiquement » (par « magie », dans la « boîte noire » de l’expérience sensible) un apprentissage scolaire, et, sans doute, pas davantage une pratique, une démarche, une production équivalente à une création artistique (au sens que lui donne le champ de l’art), ni « naturellement » une capacité à recevoir des créations.

Une précaution contre une interprétation radicale :

Pour autant, cette approche a distillé/distille dans l’École une reconnaissance de l’expérience de la sensibilité et de sa valeur (cognitive et sociale) dans l’éducation : une volonté d’émanciper l’individu en alliant créativité et épanouissement d’un élève dont, dans ce schéma, il faut accueillir et encourager la singularité.

 

  • Dans une approche comportementalisme, l’artiste : un (nouveau) modèle (de l’enseignement artistique et/ou de l’EAC) ?

Une certaine inscription de l’artiste dans la société, héritée de figures emblématiques de la modernité, fait désormais ancrage en éducation artistique. Elle réfère en partie à l’espérance en la puissance libératrice de l’art, à l’audace, aux renouveaux, à l’instar des formes et de débats présents dans la création artistique « moderne ».

Cette manifestation de l’émancipation serait à cultiver dans un apprentissage scolaire de l’expression sensible (être à soi-même, dire de soi ou créer pour soi, etc.). Assez proche d’une conviction en matière d’éducation, cette aspiration émancipatrice pourrait parfois tendre à réfuter toute notion de modèle, bien qu’elle s’inspire d’une certaine figure de l’artiste. Si l’on pousse le raisonnement, toute modélisation pédagogique pourrait être déviée au motif qu’il ne faudrait pas proposer des situations « modélisantes » aux élèves. Ce n’est pourtant pas la même chose…

Δ Les schémas comportementalistes pour les enseignements et l’éducation artistiques,  réfutent-ils ou déplacent-ils la notion de modèle ?

 Dans des formes dites comportementales de l’éducation artistique, la notion de modèle se serait en partie déplacée de la référence culturelle et/ou technique (des normes de l’œuvre et du faire) vers un référentiel de comportements artistiques (des conventions posturales de l’artiste).

Remarques :

En matière d’éducation artistique, les enseignants/médiateurs cherchent souvent à ne pas (trop) modéliser/façonner/modeler — a priori — les pratiques comme les consciences des élèves/enfants. L’idée de modèle est donc assez volontiers réfutée (assez fréquemment par principe).

Reste toutefois à être plus au clair quant au « modèle » évoqué. En creux, il s’agit plus probablement d’un modèle pédagogique qu’esthétique (quoique…) et reposant principalement :
1. sur des formes anciennes d’enseignement (très) transmissives (en repoussoir à de nouvelles approches pédagogiques),
2. sur un ancrage sur l’imitation de répertoires de formes, de techniques, de gestes comme sur la reproduction de normes (en repoussoir à de nouveaux objectifs),
3. sur des conditionnements de l’apprentissage ou de la pensée par l’imposition et le contrôle complet de toutes les dimensions de l’activité (cf. schéma « Enseignement dit “traditionnel” en arts plastiques », §. fiche n° 4 : « évolution d’un modèle d’enseignement des arts plastiques dans la scolarité obligatoire » (en repoussoir à de nouvelles conceptions du métier).

Dans une éducation artistique « moderne », toute approche — strictement et systématiquement — fondée sur la reproduction d’un modèle est, désormais, considérée comme contradictoire avec une ouverture sur des processus « véritables » de la création. Hors de ce schéma ante-comportementalisme, les postures des artistes sont alors au plus près d’une approche possible de la création « authentique » et émancipatrice. Elles sont un réservoir d’objets et de situations de travail.

Toutefois, autour de la figure de l’artiste, au-delà de divers évitements des anciennes et « traditionnelles » formes des enseignements et de l’éducation artistiques, pourrait se jouer une confusion ou un impensé autour de l’idée de modèle qui pourtant se perpétue tout en mutant.

Au sein des approches attachées à la « figure » de l’artiste, largement dominantes, et/ou par-devers lui aux modalités du « travail artistique », l’imitation d’un modèle n’est plus explicitement située en référence à une reproduction factuelle, à la réplication d’un artefact artistique par un artefact scolaire. Il s’agirait davantage de recréation/reconstitution de comportements de création dans un processus d’apprentissage.

Les leviers de l’émulation sont présents : ceux d’une puissance de l’invention comme visée. On pourrait parler d’un enrôlement pédagogique des élèves/enfants par une inscription dans des comportements de type artistique, considérés comme facteurs d’émancipation.

Trois hypothèses :

  • Le référent d’une pratique sensible et la production concrète que celle-ci engage ne sont plus seulement un ou plusieurs éléments du réel à reproduire ou s’approprier « artistiquement » (avec des langages, des moyens, des techniques d’un art donné).
  • Il serait plutôt question d’une recherche de coïncidences avec la nature des activités/comportements/postures de l’artiste « moderne » (comment il travaille) et susceptible de déterminer ce qui est transférable ou transposable de son « travail » ou de son « projet » ou de sa « démarche ». On pourrait convoquer des dimensions sociétales (être en marge du sens commun, dans un engagement, cultiver des facteurs de reconnaissance, etc.), des modes de relation au monde de l’art ou aux conventions esthétiques (conservatisme, revendication d’une rupture, détournement/contournement des conventions, etc.).
  • Dans cette perspective, on parlerait plus volontiers d’élaboration de situations ou de dispositifs à visées comportementalistes et quasi artistiques pour enseigner : un agencement de données matérielles, temporelles, sémantiques en mesure reconstituer, en contexte scolaire, un cadre propice pour une dynamique de création entraînant des apprentissages. Ces situations étant pensées comme fructueuses et sans objectifs explicites d’imitation, tout en ayant le modèle de l’artiste en référence.

Constats :

  • Les notions d’œuvre et d’art (historicisées, transhistoriques, déconstruites, etc.) sont définies par des pratiques observables dans le champ de l’art ou discutées dans une diffusion des idées : l’art et ses débats « en train de se faire ».
  • L’artiste « moderne », figure émancipée/émancipatrice, est alors un possible modèle qu’il faudrait positivement situer comme tel. Lui-même ou ses modalités d’action/travail, pouvant fonder des questions ou des problèmes intéressants à enseigner. C’est un déplacement potentiel et un élargissement des savoirs et des pratiques de référence pour les enseignements et l’éducation artistiques.

Il serait utile d’en être conscient pour mobiliser avec nuance et précision ce que permet cette conception, placer ses limites, identifier ses potentiels malentendus.

  • Créativité VS apprentissage ?

Dans le modèle dit comportementaliste, et au regard des espérances qui le sous-tendent, est-il garanti que des opérations cognitives, pourtant en travail lors des phases d’expression, soient investies pour formaliser/étayer l’apprentissage ? De même, la compréhension (explicitation) ou la mise à distance critique (prise de recul) des processus artistiques est-elle assurément visée ?

Δ La proximité avec les comportements et processus des artistes comme garants de la qualité des apprentissages de l’éducation artistique est-elle garantie ?

 L’artiste ou la pratique artistique « en majesté » est un des ressorts des débats sur l’idée d’éducation artistique « véritable » et/ou de « qualité ».

Une éducation artistique « véritable », et s’affirmant de « qualité », se fonderait-elle seulement sur les modalités d’une pratique réputée proche de celles des artistes ? De surcroit, avec la présence de l’artiste pour être pleinement « authentique » ?

Remarques :

Ces déterminants d’une qualité sont/ont été parmi des crédos de l’EAC qui, longtemps, n’envisageaient pas sa véritable (authentique) modalité sans une présence artistique effective systématique (artiste et élèves rassemblés).

Cependant, s’il s’agit d’inscrire cette conception dans la régularité d’un continuum scolaire, de ses finalités et de ses exigences, se pose rapidement le problème de sa généralisation (il faut beaucoup d’artistes disponibles et disposés).

Par ailleurs, les sciences de l’éducation pourraient, sur un autre plan, y identifier une forme de « pensée désidérative » : l’éducation de la sensibilité par les leviers de l’invention exacerbée (un des possibles de la créativité) procèderait-elle d’un jaillissement personnel de l’élève en situation « d’artiste » (une spontanéité) ou bien d’une étincelle provoquée par la friction de la rencontre de l’artiste en situation « de transmission » et les élèves (en situation d’artistes). Un paradoxe pourrait se faire jour, car ce jaillissement/cette étincelle est provoqué au moyen d’une stimulation calculée (une programmation/un conditionnement de l’activité). Est-il/est-elle alors complètement authentique ou un peu factice ?

Constats :

  • Le primat de la créativité en éducation artistique reviendrait peut-être à conforter l’idée — communément répandue — que l’expression artistique relève moins d’une compétence, qui s’acquiert par un travail (notamment cognitif), se partage et s’étudie, que d’une forme de talent (un don ?) au sens d’une disposition plus ou moins latente chez l’individu (ne demandant qu’à être exalté ?).
  • Le primat d’une définition a-scolaire de l’éducation artistique (l’École « tue » l’art) pourrait conduire à considérer qu’elle ne pourrait être ni véritablement pédagogiquement théorisée ni massivement enseignée. Faudrait-il alors la protéger des atrophies de la forme scolaire, du moins de celles supposées des pédagogies institutionnelles ?

Hypothèses :

Dans ce schéma, l’élaboration des principes pédagogiques et/ou didactiques d’une éducation artistique pourrait demeurer une « boîte noire » et la transmission de savoirs se concevoir selon une « pensée magique » : modalités peu nommées, opérations insuffisamment objectivées, processus peu diffusés professionnellement, etc.

 

  • Néanmoins, ces schémas ne sont-ils pas un des socles d’un changement de paradigme en éducation artistique ?

Sur le plan de l’éducation artistique, donc également des enseignements artistiques scolaires, l’encouragement de la créativité, au titre de l’expérience sensible et de l’épanouissement de l’individu, a fondé de stimulants développements pédagogiques. Ils ont été particulièrement initiés au détour des années 1960, généralisés beaucoup plus tardivement. Il était alors surtout question de rompre avec des académismes et leurs héritages, peut-être aussi avec une vision de classe et élitiste de la culture.

Cet élan a favorisé, dans l’enseignement artistique usuel à l’École, une rupture significative avec des modèles « académiques » ou même « naturels », l’un et l’autre devenus progressivement obsolètes. Pour autant, il n’a pas permis de poser en soi les conditions didactiques de l’accès à la dimension et au fait artistiques (œuvres, démarches et pratiques, contextes et conditions de création, présentation et réception).

Des activités d’ateliers, en milieu scolaire ou dans les services éducatifs d’un grand nombre d’institutions culturelles publiques ou privées, sont encore largement adossées à cette position en éducation.

Christian Vieaux, mars 2002, d’après une première version rédigée en janvier 2009.

 

Télécharger la version PDF :

Fiche 3 – Sur le modèle comportementaliste celui dit de « conditionnement » en éducation artistique

 

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