Messieurs vous plait-il d’ouïr,
L’air fameux de La Palisse ?
Il pourra vous réjouir,
Pourvu qu’il vous divertisse
La Palisse eut peu de bien,
Pour soutenir sa naissance,
Mais il ne manqua de rien
Tant qu’il fut dans l’abondance
Bien instruit dès le berceau
Jamais, tant il fut honnête,
Il ne mettait son chapeau
Qu’il ne se couvrit la tête.
Il était affable et doux
De l’humeur de feu son père
Et n’entrait guère en courroux
Si ce n’est dans la colère.
Ses valets étaient soigneux
De le servir d’andouillettes,
Et n’oubliaient pas les oeufs
Surtout dans les omelettes.
Il épousa, ce dit-on
Une vertueuse dame
S’il avait vécu garçon
Il n’aurait pas eu de femme.
Il en fut toujours chéri
Elle n’était point jalouse
Sitôt qu’il fut son mari
Elle devint son épouse.
Il passa près de huit ans
Avec elle fort à l’aise
Il eut jusqu’à huit enfants
C’était la moitié de seize.
Il eut des talents divers
Même on assure une chose
Quand il écrivait des vers
Qu’il n’écrivait pas en prose.
Au piquet, par tout pays
Il jouait suivant la pente
Et comptait quatre-vingt dix
Lorsqu’il faisait nonante.
Il choisissait prudemment
De deux choses la meilleure,
Et répétait fréquemment
Ce qu’il disait tout à l’heure.
Il fut à la vérité
Un danseur assez vulgaire
Mais il n’eût pas mal chanté
S’il avait voulu se taire.
On raconte que jamais
Il ne pouvait se résoudre
A charger ses pistolets
Quand il n’avait pas de poudre.
On ne le vit jamais las
Ni sujet à la paresse
Tandis qu’il ne dormait pas
On tient qu’il veillait sans cesse.
Il avait un triolet
Bien mieux que sa patenôtre
Quand il chantait un couplet
Il n’en chantait pas un autre.
Par un discours sérieux
Il prouva que la berlue
Et les autres maux des yeux
Sont contraires à la vue.
Chacun alors applaudit
A sa science inouïe
Tout homme qui l’entendit
N’avait pas perdu l’ouïe.
Il prétendit en un mois
Lire toute l’écriture
Et l’aurait lue une fois
S’il en eut fait la lecture
Lorsqu’en sa maison des champs
Il vivait libre et tranquille
On aurait perdu son temps
De le chercher à la ville.
Il voyageait volontiers
Courant par tout le royaume
Quand il était à Poitiers
Il n’était pas à Vendôme.
Il se plaisait en bateau
Et soit en paix soit en guerre
Il allait toujours par eau
Quand il n’allait pas par terre.
C’était un homme de coeur
Insatiable de gloire
Lorsqu’il était le vainqueur
Il remportait la victoire.
Dans un superbe tournoi
Prêt à fournir sa carrière
Il parut devant le Roi
Il n’était donc pas derrière.
Monsieur de la Palisse est mort
Est mort devant Pavie
Un quart d’heure avant sa mort
Il était encore en vie.
Il fut par un triste sort
Blessé d’une main cruelle
On croit puisqu’il en est mort
Que la plaie était mortelle.
Il mourut le vendredi
Le dernier jour de son âge
S’il fut mort le samedi
Il eut vécu davantage.