– Ce texte fait partie d’une série sur les imaginaires du technocapitalisme –

AP (doctorante en philosophie) : – Est-ce que vous pouvez m’expliquer ce que l’on appelle l’alternativisme ?

A (partisan de l’alternativisme) : – Les alternativistes désignent les personnes qui défendent l’idée que la vision du monde dominante, voire hégémonique, de TechnoFutur, peut être combattue en développant des expérimentations sous la forme d’alternative.

Généralement, les alternativistes partagent des points communs. Ils sont favorables au développement de Low Tech, d’outils conviviaux, qui peuvent fournir des alternatives aux innovations technologiques technocapitalistes.

Les alternativistes sont également favorables au développement d’expérimentations en économie sociale et solidaire qui peuvent être alternatives au système capitaliste.

Ils sont également généralement favorables à des formes de pratiques démocratiques participatives.

Ils expérimentent des modes de vie alternatifs.

Néanmoins, au sein de cette vision des choses, on peut distinguer deux approches. La première est celle de ceux qui considèrent que les alternatives peuvent faire tâches d’huile, jusqu’à permettre l’émergence d’un système socio-économique alternatif au technocapitalisme.

Il y aussi ceux et celles qui pensent que les alternatives ne peuvent pas transformer totalement le système social actuel ou qui ne le souhaitent pas, mais qui pensent qu’elles peuvent contribuer à le rendre meilleurs, plus humains…

AP : En quoi vous opposez vous à TechnoFutur ?

A : D’abord notre opposition à TechnoFutur est une opposition relativement aux modes de vie et à la philosophie utilitariste qui oriente les propositions de TechnoFutur.

Nous cherchons à vivre différemment en mettant au centre les liens humains. C’est pourquoi nous privilégions une économie solidaire, une démocratie du face à face.

La technique doit être au service de l’humain et non pas le dominer. L’organisation politique doit être au service de l’humain et non pas l’asservir. L’économie doit être au service de l’humain et non pas orienté vers une accumulation sans fin de richesses.

Nous voulons remettre l’humain au coeur du système social. Ce qui nous paraît plus être le cas actuellement.

AP : Votre opposition à TechnoFutur semble plus abordable pour tout un chacun si l’on compare par exemple aux hakeurses qui vivent dans la clandestinité ou au rupturistes qui prônent une économie de subsistance.

Certes vous prônez une vie simple, mais non pas austère et ascétique. Comment expliquez vous que vous ne parveniez pas à comprendre plus largement.

Ceux qui vous critiquent affirment que vos initiatives ne sont souvent viables qu’à une échelle locale et non pas capable de proposer des alternatives à un niveau plus vaste.

Ils affirment que même lorsque vous avez une idée qui parvient à s’étendre, elle ne parvient au mieux qu’à alimenter la machine, sans vraiment la transformer. Vos innovations techniques sont reprises pour générer de nouveaux profits.

A : Notre difficulté provient entre autres du fait que nous ne disposons par des moyens de TechnoFutur pour diffuser nos expérimentations. Elles restent peu connues du grand public.

AP : Mais même lorsque les personnes voient les expérimentations que vous menez, pour autant ils et elles ne se mettent pas à changer de vie pour rejoindre vos alternatives. Comment expliquez-vous cela ?

A : La plupart des personnes sont prises dans tout un ensemble de relations qui fonctionnent comme un système d’emprise Technocapitalisme : le travail, l’achat d’un logement, la consommation de masse, les loisirs de l’industrie du divertissement… Ils trouvent liés par tout ce système et il leur ait difficile de pouvoir le quitter simplement, comme cela.

Les économistes libéraux nous disent que les consommateurs agissent comme des agents rationnels. Mais, ces agents sont pris dans un ensemble de relation d’emprises économiques et techniques qui les privent de leurs libertés de choix.

AP : Justement comment envisagez vous de mettre en question ce que vous qualifié de « système d’emprise ».

A : Je ne vais pas vous mentir, c’est sur ce plan où nous achoppons. Nous ne parvenons pas à faire changer globalement les modes de vie. Parfois, comme vous le dites une de nos innovations va se diffuser plus largement au-delà de nos cercles. Mais pour l’essentiel, les comportements que nous espérions changer, ne changent pas.