– Ce texte fait partie d’une série consacrée aux imaginaires du technocapitalisme –

AP (doctorante en philosophie) : – Pouvez-vous m’expliquer sur quoi porte votre opposition à TechnoFutur ?

AO : Nous considérons que les innovations socio-techniques de TechnoFutur tendent à accentuer les inégalités sociales et à augmenter les phénomènes d’exclusions à l’égard des groupes socialement minorisés.

AP : – Mais TechnoFutur appuie ses innovations socio-techniques sur les théories utilitaristes. Ils visent à augmenter le bien-être collectif. Par exemple, ils sont opposés à la pauvreté car ils considèrent qu’elle diminue le bien-être global.

AO : Oui, mais TechnoFutur est prêt à admettre des très grandes inégalités sociales de richesse. Leur idée, c’est que si le sort des plus pauvres est amélioré, la société peut toléré un seuil très élevé de richesses.

Nous considérons qu’une trop grande inégalité de richesse conduit à créer deux humanités : une forme d’humanité supérieure et une forme d’humanité inférieure. La très grande inégalité de richesse atteint à l’égale dignité des êtres humains.

Et cela nous semble en particulier marqué concernant l’usage de la technique.

AP : Est-ce que vous pouvez expliciter ce point ?

AO : Déjà, les innovations technologies créent des inégalités dans les moyens économiques pour acquérir ces technologies. Même lorsque les moins riches acquièrent ces technologies, les plus riches ont déjà des technologies encore plus élaborées.

En outre, TechnoFutur prônant le transhumanisme et l’amélioration de l’être humain. Nous allons nous retrouver véritablement avec deux humanités. L’augmentation technologique nous rendra dépendant des technologies capitalisme pour pouvoir prétendre à l’égalité.

Je sais qu’on nous objectera que dans la nature les êtres humains sont déjà inégaux. Mais les innovations socio-techniques de TechnoFutur vont accentuer ces inégalités à un point jamais atteint. Ils vont renforcer les inégalités biologiques entre les êtres humains.

AP : – Admettons… Mais en quoi TechnoFutur nuit-il aux groupes socialement minorisés et discriminés. Il me semble que TechnoFutur défend un libéralisme culturel. Ils sont plutôt des défenseurs des droits des minorités : personnes LGBTQI (avec entre autres leur défense du post-sexualisme), personnes en situation de handicap (avec l’amélioration technologique de l’humain)…

AO : Ils ne tiennent pas comptes du fait que les discriminations sociales sont souvent liées avec les inégalités sociales économiques. Les deux dimensions se renforcent. Les personnes trans doivent s’endetter pour accéder aux technologies de modifications corporelles. Il en va de même des personnes en situation de handicap. Or ces personnes sont déjà souvent dans des situations économiques précaires.

En outre, le libéralisme de TechnoFutur repose sur la défense des droits des individus, alors que nous nous raisonnons en termes de groupes sociaux opprimés.

AP : Il y a un point néanmoins qui m’interroge. Quelle place le mouvement Anti-Oppression accorde-t-il aux robots humanoïds qui sont opposés à TechnoFutur. La ligue des robots affranchis affirment que la plupart des robots sont maintenus en état de servitude. Ils considèrent qu’il doit y avoir un mouvement de libération des robots comme il y a eu un mouvement de lutte contre l’esclavage humain.

AO : – C’est une question qui est débattues entre nous de savoir si les robots peuvent intégrer le mouvement anti-oppression. En effet, le courant technocritique affirme que les robots sont au contraire une menace pour les humains. Il existe en effet des mouvements de robots suprématistes. Ils considèrent que les robots devraient s’affranchir pour dominer les humains. En plus, d’autres soulignent que les robots sont utilisés dans la chasse aux opposants, par exemple pour tracker les hakeurses.

AP : Certains de ces arguments semblent un peu bancal. Pourquoi les robots constitueraient davantage une menace pour les êtres humains ? Cela rappelle un peu les arguments des nationalistes qui considéraient que les autres nations représentaient une menace pour leur propre nation.

AO : En plus nous avons des problèmes pour déterminer s’il faudrait inclure tous les robots ou seulement ceux qui sont dotés de conscience réflexive. Les partisans des robots affirment que l’on ne nie pas l’humanité de certains êtres humains lourdement handicapés, alors pourquoi ferait-on une sélection parmi les robots.

AP : TechnoFutur n’inclue pas les robots dans la charte des droits fondamentaux au prétextes que les robots ne sont pas véritablement dotés de sensibilité.

AO : Si nous incluions les robots dans le mouvement anti-oppression, cela supposerait de modifier les conventions des droits humains, pour intégrer les robots non-humains. Ils faudrait les accorder des droits équivalents aux humains.

AP : – Mais le problème se pose déjà avec les animaux. Les intégrer à la lutte anti-oppression suppose également de changer les chartes des droits fondamentaux car elles ne les intègrent pas. Sur ce plan, TechnoFutur prone l’intégration des êtres sensibles aux droits fondamentaux.

AO : Là encore, nous avons des discussions internes. En effet, nous reconnaissons que les êtres humains ont des devoirs vis-à-vis des animaux. Mais, les animaux ne peuvent pas revendiquer par eux-mêmes. Or le mouvement anti-oppression a été fondé en revendiquant l’autonomie des luttes de chaque groupe opprimé. Cela veut dire que les opprimés doivent s’émanciper par eux-mêmes. Or les animaux ne peuvent pas se libérer par eux-mêmes.

AP : Est-ce que cela veut dire qu’on ne peut pas les reconnaître comme des opprimés ? A vrai dire, il y a aussi des êtres humains lourdement handicapés qui ne peuvent pas revendiquer par eux-mêmes.

AO : Oui ce sont des discussions compliquées sur lesquelles notre mouvement s’avère divisé.