– Ce texte fait partie d’une série sur les imaginaires de l’éco-technocapitalisme. –

TC  (concepteur chez TechnoFutur) : Nous projetons la production de nourriture en laboratoire et en particulier de « viande cultivée ». Cela s’inscrit dans notre conception philosophique utilitariste qui vise la diminution globale de la souffrance et le bonheur collectif comme l’a défendu le philosophe Peter Singer. La lutte contre la souffrance animale est un combat qui doit être défendu après le féminisme (dont le philosophe utilitariste Stuart Mill a été un promoteur) et la lutte contre l’esclavage.

AP (doctorante en philosophie) : – Vous comptez donc mettre fin à la production animale ?

TC : Exactement. Nous souhaitons même que le nombre d’animaux d’élevage diminuent de manière très importante pour des raisons écologiques.

AP : – Certaines autrices effectuent une distinction entre production animale et élevage animal. N’est-il pas possible selon vous d’envisager l’élevage animal sans production animale. C’est ce que soutiennent certaines personnes à la suite par exemple des travaux de Jocelyn Porcher. Est-ce que cela n’est pas souhaitable ?

TC : Nous savons que c’est ce que proposent certains « rupturistes » adeptes de l’économie de subsistance. Mais pour nous, il s’agit d’un enjeu philosophique : la lutte contre la souffrance animale.

AP : – Est-ce que vous pensez que les personnes sont prêtes à accepter une production en laboratoire de leur alimentation, en particulier leur alimentation carnée ?

TC : Effectivement, on peut envisager une nourriture végétarienne. Mais la culture de viande permettra la réalisation de nouvelles expériences alimentaires. Nous pensons que nous pourrons convaincre des consommateurs intéressés par la diversité des expériences culinaires que nous pourrons leur offrir.

AP : – Il y a eu plusieurs scandales sanitaires autour de l’alimentation. Ne craignez vous pas que le public se détourne de vos propositions de peur des conséquences sur leur santé ?

TC : Nous pensons qu’à termes, afin de nourrir la population, les aliments artificiels seront supérieurs à l’agriculture traditionnelle. Nous allons ajouter dans cette alimentation des produits permettant un meilleur maintient en santé des personnes, permettant d’éviter les maladies cardio-vasculaires et le diabète.

AP : Mais là encore, il y a eu des problèmes concernant des médicaments. Est-ce que l’ajout de produits provenant des industries pharmaceutiques dans les aliments ne risque pas d’entraîner d’autres problèmes de santé ?

TC : Vous savez aujourd’hui une grande partie de la population mondiale est malade du fait de la nourriture, en particulier en relation avec des problèmes d’obésité. La nourriture que nous proposons de produire en laboratoire sera dans un premier temps destinée à des personnes souffrants par exemple d’obésité. Une fois que les effets sur ce type de population se seront montrés probants, il n’y a guère à douter que le reste de la population les adoptera tant pour des raisons esthétiques que pour des raisons de santé.