1. De quoi relève ce qui est dit dans une consultation en analyse existentielle  (qui relève de la philosophie et/ou de la psychologie) ?

1.1. Il ne s’agit pas contrairement à la psychanalyse de l’expression d’une production fantasmatique liés à des conflits intrapsychiques qu’il faudrait interpréter pour les dénouer.

1.2. Il s’agit de la constitution d’un sujet narratif qui donne sens à son expérience face à des épreuves de vie.

1.2.0.1. Parfois la subjectivité peut exprimer un mal-être sans que celui-ci soit référé à des épreuves extérieures de vie, il peut s’agir d’un vide existentiel, d’un ennui existentiel, qui peut accompagner ou non une dépression.

1.2.0.1.1. Cela dit avec la dépression, l’on est face à une épreuve de l’existence qui peut être considérée comme une épreuve de la maladie : en effet, il peut y avoir des soubassements biologiques à la dépression.

1.2.1. Par exemple, prenons le cas de la schizophrénie : il est assez peu probable d’imaginer que la schizophrénie soit le produit de conflits intrapsychiques. Il semble qu’elle résulte de facteurs génétiques assez stables dans les populations : 1 % de personnes quelque soit le pays et l’époque. Il y a aussi des facteurs environnementaux qui agissent comme des déclencheurs comme la prise de drogues.

1.2.2. Mais, il y a une expérience subjective existentielle de vivre avec des expériences schizophréniques et une manière de se projeter dans l’existence en se sachant confronté possiblement à ces expériences.

2. L’interprétation existentielle consiste à co-construire des interprétations qui font ressortir les dimensions existentielles et sociales-existentielles des expériences vécues.

3. Ces épreuves de l’existence n’ont pas de sens en soi. Le fait pour une subjectivité d’être confrontée physiquement à un attentat terroriste par exemple, n’a pas en soi de sens. Il n’y a pas à y déchiffrer une volonté divine par exemple.

3.1. Cet évènement peut déclencher une mémoire traumatique qui relève de mécanismes qui doivent être désamorcés.

3.1.1. Où se trouve le sujet face à de tels mécanismes ?

3.1.2. Il y a bien une subjectivité qui vit cette expérience qui est par exemple celle des conséquences d’un psycho-trauma.

3.1.3. Mais cette subjectivité ne maîtrise pas ces conséquences. Ce n’est pas le fait de leur donner un sens qui les modifient. On peut certes expliquer à la subjectivité ces mécanismes. Mais expliquer, c’est établir des relations de causalité, ce n’est pas donner du sens.

3.1.4. Quelle est alors la place du sens ? Y-a-t-il un intérêt à la production de sens ? Celle-ci n’a d’intérêt que dans la mesure où elle aide la personne à se sentir non pas comme une chose passive, comme lors du psychotrauma ou des conséquences du psychotrauma, mais à se constituer comme un sujet de son histoire, comme une personne capable de produire un discours et sa propre interprétation de ce qui lui est arrivé.

3.2. L’approche existentielle va plutôt aider la personne à construire une interprétation de ce qu’elle a vécue sur le plan existentiel. Par exemple, quel sens cela a pour elle en tant que subjectivité d’avoir été confrontée à la mort compte tenu de son système de valeurs et du sens quelle donnait à l’existence ?

3.3. L’approche existentielle aide à la personne à reconstruire un sens à son existence pour se projeter vers le futur en tenant compte de l’expérience traumatique qu’elle a vécue.

4. L’analyse existentielle aide également à produire un sens projectif, orienté vers le futur : quel sens peut construire la subjectivité pour l’aider à avancer face aux épreuves de l’existence.

5. Les épreuves sociales peuvent induire des interrogations existentielles.

5.1. Par exemple, la subjectivité peut avoir centré tout ou partie de son projet existentiel dans la sphère du travail, ou plus spécifiquement de l’emploi.

5.2. Mais l’emploi peut être source de contrainte. La subjectivité peut être confrontée de part des nouvelles formes d’organisation du travail à une perte de sens de son travail.

5.3. L’objectif de l’analyse existentielle ne doit pas être forcement d’adapter la subjectivité à ces changements, de la rendre plus capable de s’adapter ou de s’en accommoder.

5.4. Mais elle peut l’aider à construire des capacités de résistance.

5.5. En effet, il y a un sens à résister – individuellement et collectivement – à des situations que l’on trouve injuste.

5.6. Ici, ce qui est important c’est le cadrage que l’on va donner aux actes de résistance. Si l’analyse dévalue la résistance, il devient plus difficile pour la subjectivité de résister. Si au contraire l’analyse produit une lecture critique positive de la résistance, elle peut renforcer la subjectivité dans son projet de résister et dans la légitimité qu’elle donne à ce projet.

Tableau comparatif:

L’approche existentielle porte sur la manière dont une subjectivité compte tenu de ses épreuves de vie (qu’elles soient sociales ou existentielles) les affronte. La question existentielle doit être abordée en tenant compte des conditions sociales. La situation constitue l’intersection entre les conditions sociales et la subjectivité existentielle.

Psychanalyse Thérapie radicale Analyse existentielle
Cause du mal-être psychique : Conflits intrapsychiques fantasmatiques liés à l’enfance et à la famille Causes sociales : systèmes d’oppression (reframing) Angoisse existentielle liée à la condition existentielle et à l’organisation sociale
Symptômes du mal-être : Conséquences des conflits intrapsychiques Conséquences normales de l’agression sociale (reframing) Conséquences liées à la condition socio-existentielle de l’être humain
Temporalité de l’intervention : Orientée vers le passé Orientée vers le passé, le présent et l’avenir Orientée vers le passé, le présent et l’avenir
Modalité : Analyse des conflits intrapsychiques inconscients Déconstruction des idées oppressives intériorisées (reframing) Aide à l’analyse de la situation afin de favoriser une construction de sens par le sujet.
Action : Non intervention sur le réel (car les conflits sont d’ordre fantasmatique, et n’ont pas de causes extérieures directes) Incitation à transformer la situation individuelle et sociale par l’examen des différentes possibilités. Incitation à construire un projet existentiel qui peut ou non passer par un engagement social.