Les résistant-e-s

(Micro-conte philosophique)

Progressivement, l’agir technique colonisait l’ensemble de l’existence. Les journées étaient quadrillées par la quantification du temps. De plus en plus, les écrans envahissaient leurs existence

tant au travail que durant le temps de loisir. Une injonction à l’efficacité, plus encore à l’efficience,

dominait leurs heures de travail. Le reste du temps était occupé par le divertissement et la consommation.

On leur assurait que le capitalisme vert régénérerait la planète en récréant une eau de mer de synthèse, les espèces disparues grâce à la biologie cellulaire, en décontaminant l’air par filtrage.

On leur promettait bientôt l’humain augmenté, la transhumanité. Il n’y aurait plus de maladies, plus de vieillesse, plus de mort. Ce serait l’hybridation entre l’humain et la machine.

« Mais la condition humaine existera-t-elle encore ? Serons-nous encore capables de donner un sens à notre existence ? » se demandait une poignée de résistant-e-s.

Les résistant-e-s cherchaient comment décoloniser leur existence de l’agir technique. Ils et elles recherchaient dans les sagesses de l’Antiquité quelle éthique avait été oubliée. Ils et elles recherchaient dans l’esthétique une résistance à la domination de la rationalité instrumentale.

Leurs voix et leurs agirs était une dissidence au coeur même des emplois qui leurs étaient assignés par le système. Ils et elles ne cessaient d’interroger le sens de l’agir contre le voile technologique.

Ils et elles imaginaient d’autres agirs que ceux prescrits par la rationalité algorithmique.

Mais serons-nous encore capables de les entendre et de les rejoindre avant qu’ils et elles ne disparaissent quand le sens de leurs combats nous sera même devenu incompréhensible ?