Pire que l’écossais et l’auvergnat, il y a Harpagon

Si vous n’avez pas encore lu L’Avare de l’illustre Jean-Baptiste Poquelin, alias Molière, vous êtes passé à côté d’un réel moment de plaisir et de fous rires !

Avec Le Malade imaginaire, Le Bourgeois gentilhomme, ou encore Les Fourberies de Scapin, cette pièce est l’un des plus grands succès de l’auteur. L’Avare est une comédie en prose composée de cinq actes. Elle a été jouée en 1668 pour la première fois au théâtre du Palais-Royal à Paris.

Dessin basé sur L’Avare, gravure de Horace Castelli, vers 1850. Source : https://tse2.mm.bing.net/th?id=OIP.IQq3-x5Szci-lWpJCPSqpQ AAAA&pid=Api&P=0&w=300&h=300

Elle met en scène l’un des personnages les plus célèbres de Molière, Harpagon, un vieil homme richissime qui ne vit que pour le plaisir d’accumuler l’argent et contempler sa richesse. Ce drôle de personnage est l’incarnation de l’avarice, de l’égotisme et même de la méchanceté, puisqu’il se préoccupe bien plus de ses louis d’or que de ses propres enfants. Son allure est disgracieuse, très négligée et repoussante. En plus de cela, une fluxion, c’est-à-dire des quintes de toux causées par une grave affection pulmonaire, le ronge. Imaginez-vous donc cet individu peu recommandable : 60 ans, égocentrique, ladre, sans allure… Rien ne semble attachant chez ce « héros » de Molière, veuf de surcroît. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison qu’il a été nommé Harpagon par Molière : ce nom, tiré du grec, signifie « rapace » !

Il est au cœur de l’intrigue, entièrement articulée autour de lui. Son portrait et sa réputation de « vilain et de fesse-mathieu » (selon Maître Jacques, cuisinier et cocher d’Harpagon, (acte III, scène I)) sont continuellement exploités par Molière qui réussit à faire rire ses lecteurs malgré le caractère peu ragoûtant de son personnage principal.

L’Avare est le père de Cléante et d’Elise, deux jeunes adultes pleins de bonté et de générosité, qui sont aux antipodes de leur père. Cléante souhaite épouser Mariane et Elise s’est éprise de Valère. Leur père leur impose à chacun un mariage de convenance. Le bonheur et le bien de ses progénitures ne sont guère des préoccupations pour Harpagon. Cléante est condamné à se marier à une riche veuve alors qu’Elise est promise au vieux seigneur Anselme. Harpagon compte bien tirer profit de ces deux mariages. Le comble de la situation est que ce vieil homme tente de conquérir le cœur de l’amante de son fils, Mariane ! S’ensuit alors un duel entre père et fils, bien que le choix de Mariane soit déjà fait depuis longtemps. En effet, celle-ci n’éprouve aucune attirance pour cet usurier et s’exclame même « quel animal ! » lorsqu’elle le rencontre pour la première fois. Toutefois, elle ne peut faire mauvaise figure devant lui et ne peut lui exprimer ou lui avouer son désintérêt. Harpagon n’en démord pas et ne cesse de se rapprocher d’elle. Mais alors, qui l’emportera ? Lequel des deux sera choisi par Mariane ? Voilà bien des questions que je me suis posée dès lors que j’ai commencé cette incontournable comédie.

Ce n’est pas tout car l’histoire ne tourne pas uniquement autour de cet affrontement. Harpagon avait enterré dans son jardin une cassette de 10 000 écus en louis d’or, c’est-à-dire près d’un million et demi de francs. Seulement… il s’aperçoit qu’elle a été volée ! La panique, l’angoisse, la fureur le submergent. Il souhaite alors, selon ses dires, « pendre tout Paris » et toute la population, afin de punir quiconque serait susceptible de connaître l’étendu de sa richesse. Plutôt mourir que de ne jamais récupérer ce coffre-fort. Retrouvez ci-dessous le monologue grandiloquent et admirable de Louis de Funès qui incarne Harpagon dans l’adaptation cinématographique de la pièce. Du pur génie !

Monologue d’Harpagon incarné par Louis de Funès en 1980 dans le film L’Avare (https://www.youtube.com/watch?v=kLrLx_yB7Wg).

Ce monologue est en tous points identique à celui de la pièce. Voyez comme Harpagon est fou de rage et de désespoir, perdu devant sa cachette dépourvue du coffre. Voyez comme il personnifie son argent chéri !

Qui s’est emparé des louis d’or ? Harpagon les retrouvera-t-il ? Elise et Cléante parviendront-ils à se marier ? La suite de l’intrigue est passionnante, hilarante et inattendue. Entre humour, quiproquos, et coups de théâtre, cette pièce menée par l’avaricieux tyran est pleine de rebondissements tous aussi drôles et burlesques les uns que les autres.

Source : https://tse3.mm.bing.net/th?id=OIP.IJrZuNJG _nr92ROj9 mGcgAAAAA&pid=Api&P= 0&w=300&h=300 

L’omniprésence de l’argent transmet aux lecteurs une atmosphère vraiment particulière, puisque l’on a l’impression qu’il est devenu un personnage à part entière de la pièce, et même le personnage principal. Harpagon semble avoir une calculatrice à la place du cerveau et un coffre-fort à la place du cœur. Ses rigoureuses économies vous surprendront. Il est même allé jusqu’à voler l’avoine de ses chevaux pour se nourrir ! Autre exemple qui insiste sur l’avarice cupide du vieil homme : jamais il ne donne le moindre pourboire à ses domestiques qui lui rendent pourtant maints services.

Molière nous fait rire en peignant le tableau noir d’un personnage antipathique et moralement peu fréquentable, qui a ainsi offert un rôle taillé sur mesure à Louis de Funès. L’Avare ne suscite jamais la pitié car il nous apparaît comme quelqu’un de méprisable et égoïste et malgré ce caractère hideux, il suscite l’amusement et la raillerie de par la bêtise de son comportement et de son avarice, tous deux poussées à l’extrême. C’est là toute la force de ce chef d’œuvre ! Qui plus est, la personnalité d’Harpagon marque un réel contraste avec ses enfants, tous deux très attachants et pour lesquels nous ne pouvons ressentir que pitié et empathie. La tyrannie imposée par leur père les étouffe, ils sont opprimés par sa ladrerie. Cléante et Elise sont très courageux de réussir à le supporter. C’est la raison pour laquelle ils ont gagné mon affection en tant que lectrice.

Lire cette comédie fut pour moi un véritable plaisir. J’ai ri à de nombreuses reprises en découvrant l’intrigue, les péripéties d’Harpagon, et les rebondissements de l’histoire. Le véritable génie de Molière est qu’il parvient à nous transporter par un humour immersif et jouissif en s’appuyant sur la perfidie et la noirceur d’Harpagon. Captivante et distrayante, cette œuvre reste accessible à tous.

Ne manquez pas ce grand classique ! Il vous procurera de vives émotions et réactions telles le mépris pour Harpagon, la compassion pour Cléante et Elise, ou encore des fous rires grâce à une intrigue pleine d’imprévus.

 

Molière, L’Avare, Folio 05/09/2012, Collection Folio Classique, 240 p., ISBN 978-2-07-045002-2

Clothilde DELATTRE, 1ère1

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